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Syrie: les Occidentaux veulent juste "récupérer leur prestige", accuse un opposant

Washington, Paris et Londres ne cherchent pas à "sauver les Syriens de la barbarie" mais seulement à "récupérer leur prestige", avec leurs attaques contre le régime de Bachar al-Assad, juge l'opposant syrien Yassin al Haj Saleh, que l'AFP a rencontré à Madrid.

De passage en Espagne pour y présenter son dernier livre, cette figure de l'opposition syrienne en exil s'est montré très critique envers la stratégie des puissances occidentales.

Le 14 avril, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont bombardé trois sites présentés comme liés au programme d'armement chimique syrien, sans faire de victimes, en représailles à une attaque chimique présumée ayant fait au moins 40 morts le 7 à Douma, dans la banlieue de Damas.

Le président français lui-même, Emmanuel Macron, a reconnu que ces attaques aériennes "ne réglaient rien" de la guerre en Syrie qui a fait plus de 350.000 morts et des millions de déplacés et de réfugiés, mais expliqué qu'elles avaient été menées "pour l'honneur de la communauté internationale".

A travers cette action, "il ne s'agit pas protéger nos vies ni de sauver les Syriens de la barbarie", assène l'écrivain Yassin al Haj Saleh, auteur notamment de "La Question syrienne" (Actes Sud).

Les trois puissances occidentales, dit-il, veulent plutôt "protéger leurs alliés, récupérer une partie de leur prestige, exprimer leur mécontentement vis-à-vis des Russes et plus encore des Iraniens", grands soutiens d'un régime qui a recourt à l'arme chimique.

Pour lui, le message envoyé à Assad est en quelque sorte: "sois gentil, ne dépasse pas nos lignes rouges et tu resteras au pouvoir, nous n'avons pas de problèmes avec toi mais avec le fait que tu emploies des armes chimiques, mais tu peux continuer à tuer en utilisant des barils d'explosifs, en torturant et de bien d'autres façons".

Yassin al Haj Saleh a passé seize années en prison en Syrie, de 1980 à 1996, comme opposant au président Hafez al-Assad, père de Bachar.

Il est parvenu à quitter la Syrie à la fin 2013 et collabore actuellement en tant que chercheur avec l'Institut d'études avancées de Berlin (Wissenschaftskolleg zu Berlin), rédigeant une étude comparée sur les crimes de masse.

Il écrit également pour des journaux arabophones comme Al-Hayat, Al-Quds al-Arabi et Al-Jumhuriya.

A Madrid, il est venu présenter la traduction d'un recueil de textes écrits depuis le début du conflit syrien en 2011.

- Syrie 'sous occupation russe et iranienne' -

Selon lui, l'influence de Téhéran et de Moscou qui soutiennent Assad est telle que le pays se retrouve "sous occupation russe et iranienne".

L'opposant dit avoir l'impression que les puissances occidentales ont laissé la voie libre à la Russie de Vladimir Poutine "pour administrer la situation en Syrie".

Mais ce qui l'inquiète le plus c'est, dit-il, que la Syrie souffre d'"un régime génocidaire et criminel, toléré depuis sept ans" et qui pourrait même être rapidement "réhabilité par les superpuissances du monde".

Yassin al Haj Saleh dit ne placer "aucun espoir dans l'administration américaine ni la présidence Macron ni les autres", au moment de mettre le régime de Bachar al-Assad devant ses responsabilités pour les atrocités qu'on lui attribue.

"La Syrie est un symbole mondial d'injustice et anéantissement, et le régime reste à l'abri, sans perspective qu'on lui demande des comptes".

Sans savoir ce qu'il va faire, l'écrivain envisage de rester en Allemagne, un pays où sont arrivés en 2015 près d'un million de réfugiés, en bonne partie des compatriotes syriens.

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