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Triste fin de vie pour Joao Gilberto, la voix de la bossa nova

Comme un dernier pied de nez à sa triste fin de vie, Joao Gilberto, l'un des pères de la bossa nova qui vivait reclus depuis des années, souvent en pyjama, est sorti dîner en ville quelques jours avant son décès.

Si sa voix douce susurrant "La fille d'Ipanema" continue de bercer les coeurs près de 60 ans après son enregistrement, les dernières années de cette légende de la musique ont été bien moins harmonieuse que ses mélodies.

Avant de décéder samedi à 88 ans, Joao Gilberto, dont le perfectionnisme qui tournait à l'obsession névrotique, le côté excentrique et la phobie sociale étaient légendaires, est apparu mardi soir dans un restaurant du quartier de Leme, à l'une des extrémité de la plage de Copacabana.

Epaisses lunettes, costume sombre et très amaigri, il posait au côté de sa dernière compagne, Maria do Céu Harris, et de son avocat, Gustavo Carvalho Miranda, dont les photos ont été publiées par le site du quotidien Globo.

Ces dernières années, Joao Gilberto était pris dans un conflit entre deux de ses enfants, son fils Joao Marcelo et sa fille Bebel Gilberto - eux-aussi musiciens - et sa dernière épouse dont il était séparé, Claudia Faissol, une journaliste 40 ans plus jeune que lui et mère de sa fille adolescente.

Bebel et Joao Marcelo accusent Claudia Faissol d'avoir abusé de la faiblesse de leur père et d'avoir provoqué sa ruine, mais les déboires du chanteur de légende ne se résumaient pas à des problèmes financiers.

"Dans son obsession à tout contrôler, Joao Gilberto avait pour ambition de faire en sorte que le monde s'arrête de tourner pour exercer son art. Il y est parvenu face au micro, mais en dehors de la scène, c'est tout le contraire", avait expliqué Ruy Casto, auteur d'un livre sur la bossa nova, dans le journal Folha de S. Paulo.

"Il n'a jamais eu aucun contrôle sur sa vie, il s'est habitué à tout déléguer (...) Mais la vie écrit ses propres vers, et avec ses fausses notes", avait-il ajouté.

- Génie excentrique -

Du haut de son génie, l'interprète de succès planétaires comme "Desafinado", "Corcovado" ou "Chega de Saudade", n'a jamais été facile à vivre.

"Son importance pour la musique est incalculable. Il fut la principale voix du mouvement musical brésilien le plus connu dans le monde et a été révolutionnaire presque sans l'avoir voulu", avait expliqué en mai 2018 à l'AFP Bernardo Araujo, critique musical du journal O Globo.

"Il fut le premier chanteur, du moins au Brésil, à montrer qu'on n'avait pas besoin d'une voix puissante, il chuchotait, en s'accompagnant avec virtuosité à la guitare", soulignait-il.

Mais comme de nombreux génies, il avait ses démons.

"Il est comme Michael Jackson ou Prince, un artiste génial et étrange, mais son étrangeté a fini par prendre le dessus, pour arriver à la situation terrible d'aujourd'hui", déplorait le critique.

Fin 2017, sa fille Bebel avait obtenu sa mise sous tutelle, alors qu'il n'était plus en mesure de s'occuper de sa santé et de ses finances en raison de sa fragilité physique et mentale.

"Je voudrais que mon père ait une fin de vie heureuse et tranquille", avait déclaré Joao Marcelo, le fils qu'il a eu avec sa première épouse, la chanteuse Astrud Gilberto, à la revue Veja.

Bebel, elle, est née de son union en deuxièmes noces avec la chanteuse Miucha, soeur du célèbre musicien, chanteur et écrivain Chico Buarque.

Gilberto avait été obligé de quitter un temps l'appartement qu'il occupait dans le quartier chic de Leblon car il ne payait plus ses loyers depuis des mois. Après quelques mois dans différents logements, il avait fini par réintégrer cet appartement de Leblon ces derniers mois, selon les médias brésiliens.

Le début du déclin de Gilberto remonte au début de la décennie 2010. Son épouse Claudia l'a convaincu de faire une tournée pour ses 80 ans, qu'il a dû annuler - et rembourser - en raison de problèmes de santé.

Pris dans un contentieux avec sa première maison de disque, sans nouvel album depuis 1989 ni apparition sur scène depuis 2008, en 2013 il avait dû vendre 60% des droits de ses quatre premiers albums.

Beaucoup de Brésiliens l'ont vu pour la dernière fois sur une vidéo en 2015, où il apparaissait, très amaigri et en pyjama, chantant "La fille d'Ipanema" à sa plus jeune fille en s'accompagnant à la guitare.

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