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Trump et la Californie livrent combat sur la neutralité du net

En portant plainte contre la Californie qui veut assurer un accès égalitaire aux contenus en ligne, l'administration Trump s'engage dans un combat juridique sur la "neutralité" de l'internet et l'autorité du gouvernement fédéral pour la réguler.

Le texte de loi signé dimanche par Jerry Brown, le gouverneur de l'Etat le plus peuplé et le plus riche des Etats-Unis, permet de rétablir ce principe de neutralité qui avait été aboli par la Commission fédérale des communications (FCC), le régulateur américain du secteur, en juin.

Cette abolition permet désormais aux fournisseurs d'accès à internet (FAI) de moduler la vitesse de débit internet en fonction du contenu qui passe dans leurs "tuyaux".

Le ministère de la Justice a immédiatement réagi en annonçant des poursuites contre "une loi extrême et illégale qui tente de contrecarrer la politique fédérale".

"La Constitution interdit aux Etats (fédérés) de réguler le commerce inter-Etats, c'est le gouvernement fédéral qui le fait", a affirmé le ministre, Jeff Sessions, dans un communiqué. Il a promis que son ministère agirait avec "vigueur" et s'est dit convaincu qu'il remporterait l'affaire "parce que les faits sont de notre côté".

Mais les partisans de la "neutralité" se sont mobilisés contre la perspective d'un "internet à deux vitesses". De grandes entreprises de l'internet comme Amazon, Facebook ou Google mais aussi de plus petites, qui craignent de ne pouvoir suivre financièrement, soupçonnent les géants des télécoms Verizon et AT&T de vouloir faire payer plus cher pour un débit plus rapide, de bloquer certains services concurrents, comme la vidéo à la demande pour Netflix, la téléphonie par internet ou les moteurs de recherche.

La loi californienne "va empêcher les fournisseurs d'accès à internet d'exercer une influence excessive sur le trafic internet, permettre aux Californiens de continuer à décider quel contenu ils veulent voir et quand ils veulent le voir, et permettre au marché en ligne de prospérer", a affirmé Eric Null, du New America Foundation's Open Technology Institute.

- Faire un exemple -

Pour le président de la FCC Ajit Pai au contraire, cet accès égalitaire était un obstacle aux investissements. La loi va "faire mal aux consommateurs" californiens car elle freinera la construction de réseaux à haut-débit et à la création de services innovants.

"La loi interdit beaucoup de forfaits illimités qui offrent aux consommateurs la possibilité de regarder des vidéos et écouter de la musique en streaming sans limite", a-t-il expliqué.

"L'internet aujourd'hui est libre et ouvert, et cela continuera" sous la nouvelle réglementation fédérale, a-t-il assuré.

La neutralité de l'internet avait été votée en 2015 sous la présidence de Barack Obama. Deux précédentes tentatives depuis 2009 avaient été retoquées par la justice qui considérait que la FCC n'avait pas le pouvoir de réguler les sociétés internet.

Depuis l'abrogation, de nombreux Etats fédérés souhaitent mettre en place leurs propres règles pour protéger la neutralité, malgré l'interdiction claire de la FCC.

Mais cette interdiction "n'est pas valide", estime Barbara van Schewick, professeure de droit à l'université de Stanford. "Une agence qui n'a pas le pouvoir de réguler n'a pas non plus le pouvoir de préemption sur les Etats, selon la jurisprudence", explique-t-elle sur son blog, affirmant que la loi californienne pourrait fixer une norme pour le reste du pays et du monde.

USTelecom, un lobby représentant les fournisseurs, a marqué son désaccord avec la loi californienne tout en assurant soutenir le principe de neutralité.

"Plutôt qu'avoir 50 Etats avec leurs propres solutions contradictoires pour un internet ouvert, nous avons besoin que le Congrès s'engage sur un cadre national pour l'écosystème de l'internet et résolve cette question un bonne fois pour toute", a affirmé le groupe.

Certains observateurs soupçonnent également l'administration Trump de vouloir faire un exemple de la Californie, un fief démocrate qui combat déjà la politique d'immigration ou de dérégulation de la protection de l'environnement du président républicain.

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