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Tunisie: vote sous tension au Parlement, nouvelle manifestation

Les députés tunisiens doivent s'exprimer mardi sur un large remaniement qui met en lumière les tensions politiques entre le président Kais Saied et le Parlement, alors qu'une nouvelle manifestation est prévue contre la répression policière face au mouvement de contestation sociale.

Un millier de manifestants étaient rassemblés près du Parlement à l'appel d'une trentaine d'associations, afin de protester notamment contre la stratégie de répression policière adoptée face aux violentes protestations nocturnes qui ont éclaté à la mi-janvier dans des zones marginalisées de Tunisie.

Plusieurs nuit durant, des jeunes s'en sont pris à la police déployée pour imposer un couvre feu, peu après le dixième anniversaire de la révolution qui a fait chuter le 14 janvier 2011 le dictateur Ben Ali, après 23 ans de pouvoir.

Ces nuits de heurts ont été suivies par des manifestations, pour réclamer notamment la libération des centaines de jeunes protestataires interpellés et une meilleure politique sociale.

Mardi matin, les manifestants ont tenté de déjouer un très important dispositif policier entourant l'Assemblée. Des députés ont protesté contre ce déploiement massif, appelant à davantage de dialogue.

Cette session parlementaire intervient au lendemain de troubles entre des protestataires et la police à Sbeitla, dans une région marginalisée du centre du pays, après le décès d'un jeune blessé la semaine dernière par une cartouche de gaz lacrymogène.

Les députés doivent s'exprimer sur un remaniement annoncé le 16 janvier par le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, qui a changé onze ministres, notamment ceux de l'Intérieur, de la Justice et de la Santé.

M. Mechichi a déclaré mardi devant l'Assemblée que le but était d'obtenir une équipe "plus efficace" pour arriver à concrétiser des réformes.

Mais le président Kais Saied a vivement critiqué ce remaniement lundi soir, regrettant ne pas avoir été consulté.

Il a fustigé l'absence de femmes parmi les nouveaux ministres proposés, et accusé un des ministres choisis d'être "lié à une affaire de corruption" et trois autres d'être soupçonnés de "conflit d'intérêt", sans préciser de noms.

- Alliances fragiles -

Cela augure de nouveaux tiraillements sur la composition du gouvernement, une tâche particulièrement laborieuse depuis les législatives de 2019, qui ont abouti à un Parlement divisé en une myriade de partis formant des alliances fragiles.

Après l'échec d'un premier gouvernement à obtenir l'aval des députés en janvier 2020, et la démission en juillet d'un second exécutif après quelques mois au pouvoir, l'actuel cabinet était l'objet de tractations depuis son arrivée en septembre.

M. Mechichi, un technocrate nommé par le président Kais Saied, avait composé une équipe comprenant de nombreux fonctionnaires ou universitaires, dont certains proches du président.

Il avait obtenu la confiance des députés qui risquaient à défaut une dissolution de l'Assemblée, mais ceux-ci avaient réclamé des modifications a posteriori.

M. Mechichi a ainsi recomposé son équipe, avec l'appui du principal parti parlementaire, Ennahdha, allié au parti libéral Qalb Tounès et à la formation islamiste Karama.

Mais le président Saied, un universitaire farouchement indépendant, critique de la démocratie parlementaire et engagé dans un bras de fer avec Ennahdha, tente de se replacer au centre d'un jeu politique instable, au risque d'accentuer les animosités qui paralysent l'action politique, au moment où le pays est touché de plein fouet par la pandémie de coronavirus et ses retombées sociales.

La Tunisie enregistre plus de 2.000 nouveaux cas confirmés et plus de 50 morts du covid-19 chaque jour, et des médecins ont alerté sur les difficultés croissantes à trouver des places en réanimation.

Mais les restrictions adoptées pour lutter contre la contagion ont touché de plein fouet les plus précaires, détruisant des dizaines de milliers d'emplois et perturbant la scolarité.

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