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Turquie: retour en classe pour des réfugiés formés à rude école

Comme beaucoup d'élèves de son âge, Fatmeh, réfugiée syrienne en Turquie, rêve de devenir médecin. Une modeste aide de moins de dix euros par mois lui a permis de retourner à l'école et de maintenir son rêve en vie.

Originaire d'Alep, Fatmeh, 16 ans, s'est réfugiée en Turquie il y a six ans avec son père et ses trois petits frères. Ils vivent à Adana, dans le sud du pays.

Pour nourrir sa famille, le père vend des pâtisseries syriennes qu'il confectionne à la maison.

"J'ai raté le premier trimestre pour aider mon père à s'occuper de mes trois petits frères et à préparer les pâtisseries", raconte-t-elle à l'AFP entre deux cours à l'école publique Sehit Duran à Adana.

Fatmeh fait partie des quelque 460.000 réfugiés en Turquie dont les parents au revenu insuffisant bénéficient d'une aide mensuelle pour chaque enfant scolarisé, allant de 35 à 50 livres turques (5,4 à 7,7 euros) pour les garçons et de 40 à 60 livres (6,2 à 9,3 euros) pour les filles.

Cette allocation est dispensée dans le cadre du programme Conditional Cash Transfer for Education (CCTE), financé par des dons internationaux, notamment de l'Union européenne, et mis en oeuvre conjointement depuis la mi-2017 par plusieurs ministères turcs, le Croissant-Rouge turc et le Fonds de l'ONU pour l'enfance (Unicef).

- "86 millions d'euros" -

Si cette somme peut paraître dérisoire, elle n'en constitue pas moins une aubaine pour des familles de réfugiés qui vivotent souvent sur de simples aides.

Le montant a été calqué sur une aide similaire que les services sociaux en Turquie versent aux familles turques, pour ne pas prêter le flanc à des accusations de traitement préférentiel alors que les réfugiés fréquentent les mêmes écoles publiques que leurs camarades turcs, explique Mathias Eick, un porte-parole des opérations humanitaires de l'UE.

"Nous avons consacré à ce jour 86 millions d'euros à ce programme", affirme-t-il à l'AFP.

Cette aide, dont la grande majorité des bénéficiaires sont des réfugiés syriens, vise non seulement à soutenir les parents des élèves scolarisés, mais aussi à encourager ceux dont les enfants sèchent l'école à les faire revenir en classe.

Selon des chiffres de l'Unicef, quelque 600.000 enfants syriens sont scolarisés en Turquie, alors que plus de 400.000 en âge d'aller à l'école ne le sont pas. La Turquie abrite plus de 3,5 millions de réfugiés syriens.

Mais des centaines, voire des milliers d'élèves officiellement inscrits sèchent l'école, notamment pour travailler afin d'aider leurs parents.

A l'école fréquentée par Fatmeh à Adana, les enseignants ont dressé une liste des élèves absentéistes et ont contacté leurs parents pour les persuader de les faire revenir, avec l'allocation du CCTE comme argument de poids.

"L'un des professeurs de l'école a réussi à convaincre mon père en lui expliquant comment cette allocation pouvait aider. Il faut dire que ce n'était pas difficile, car mon père m'a toujours poussée à aller à l'école, mais c'est moi qui tenais à l'aider à la maison", explique Fatmeh.

- "L'allocation peut faire la différence" -

Originaire lui aussi d'Alep, Moussab, 12 ans, a retrouvé l'école il y a trois semaines après avoir manqué le premier trimestre.

"On avait besoin d'argent, donc j'ai séché l'école pour travailler chez un tailleur. Je gagnais 500 livres (79 euros) par mois", dit le garçonnet, parlant malgré son jeune âge avec l'assurance de celui qui en a vu d'autres.

"Rien que le mois dernier, nous avons réussi à faire revenir 45 élèves sur 150 qui séchaient l'école. L'allocation fait souvent la différence, car beaucoup de familles ont quatre ou cinq enfants inscrits", explique Reem Zeidane, membre de l'encadrement à l'école.

Outre le CCTE, les autorités turques et l'Unicef ont mis en place un programme d'éducation "non-formelle" (NFE), comportant notamment des cours de turc, destiné aux enfants et adolescents réfugiés non-scolarisés pendant au moins trois ans.

Dans le cadre de ce programme, Ali, 13 ans, suit chaque matin des cours de turc dans un centre de jeunesse à Adana. L'après-midi il travaille dans un atelier où il équipe des voitures de réservoirs GPL pour un salaire mensuel de 400 livres (69 euros).

Le père d'Ali, Hamza, est au chômage après deux accidents du travail, et sa mère est leucémique. Il a quatre soeurs, dont trois sont scolarisées.

"Si un jour notre situation s'améliore, je quitterai ce travail et je m'inscrirai à l'école", lâche Ali sous le regard fier de ses parents.

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