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Un documentaire sur M6 dénonce les carences de l'aide sociale à l'enfance

Educateurs non formés, jeunes livrés à eux-mêmes, pré-adolescentes qui se prostituent ou fuguent sans que personne ne les recherche: un an après une enquête choc sur France 3, un nouveau documentaire, diffusé dimanche soir sur M6, dénonce les "scandaleuses défaillances" de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Pour ce film réalisé pour "Zone interdite", le journaliste Jean-Charles Doria a enquêté pendant huit mois dans plusieurs foyers pour enfants placés. Le plus souvent, les images ont été tournées en caméra cachée, les conseils départementaux - chargés de l'accueil de ces mineurs - ayant quasiment tous refusé la présence d'une équipe de tournage.

Dans un secteur confronté à d'importantes difficultés de recrutement, les journalistes de l'équipe n'ont eu aucune difficulté à se faire "embaucher" comme éducateurs, même en expliquant n'avoir aucun diplôme, et sans que leur casier judiciaire ne soit vérifié.

En Seine-Saint-Denis, le documentaire montre le désœuvrement d'adolescents déscolarisés et livrés à eux-mêmes dans des locaux vétustes.

A Dijon, des éducateurs non formés administrent des neuroleptiques à une fille de 13 ans, "ingérable" en raison de ses problèmes psychiatriques, mais non suivie par un psychiatre. Et ne réagissent pas quand les enfants dont ils ont la responsabilité fuguent, parfois pendant plusieurs jours, ou se prostituent.

Le documentaire revient également sur les violences commises par des éducateurs dans un foyer en Savoie, ou sur les agressions sexuelles commises par un jeune garçon sur les autres pensionnaires dans la Somme.

A l'opposé, le film insiste sur les résultats positifs obtenus au foyer Oberlin de La Broque (Bas-Rhin), qui a choisi d'ouvrir ses portes aux journalistes. Le taux d'encadrement y est plus important, et les éducateurs, qui travaillent dans la durée et la stabilité, parviennent à tisser un lien plus personnel avec les enfants.

Le président (LR) du conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, a appelé lors d'une rencontre avec la presse à ne pas stigmatiser ses homologues des autres départements, chargés des foyers dont les carences sont dénoncées dans le documentaire. "Il ne faut pas tirer sur l'ambulance", a-t-il dit, soulignant que ce secteur "complètement démuni (...) n'arrive pas à trouver d'éducateurs spécialisés", et que l'aide financière du gouvernement n'est qu'une "goutte d'eau" par rapport aux besoins.

Lyes Louffok, membre du Conseil national de la protection de l'enfance et ancien enfant placé, s'est dit de son côté "très déçu" de constater que la situation ne s'est guère améliorée depuis la diffusion il y a un an d'un précédent documentaire sur ce sujet.

"Si ce que l'on m'a rapporté est avéré, c'est intolérable", a réagi à propos du documentaire le secrétaire d'Etat chargé de la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, interrogé jeudi sur Sud Radio. "L'Etat doit jouer son rôle parce qu'on doit garantir la sécurité de nos enfants", a-t-il dit, estimant que l'Etat doit "réinvestir la protection de l'enfance", mais aussi "que les départements soient plus stricts" et "mettent en oeuvre des contrôles inopinés".

L'Assemblée nationale devrait examiner dans les mois à venir une proposition de loi visant à remédier à certaines des carences dans la prise en charge des mineurs en danger, a souligné l'une des auteurs de ce texte, la députée (LREM) Perrine Goulet, elle-même ancienne enfant placée.

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