Accueil Actu

Un populiste et un ex-chef de guerre, outsiders des législatives en Irak

Les deux outsiders des législatives irakiennes, le populiste nationaliste Moqtada Sadr et l'ancien chef de guerre pro-iranien Hadi al-Ameri, affirment militer contre la corruption et pour des services publics efficaces.

Visage rond et barbe grisonnante, le premier, âgé de 44 ans, est le descendant d'une lignée de dignitaires chiites hautement respectés. Il a dirigé une puissante milice, "l'Armée du Mahdi", qui a combattu la présence américaine en Irak avant de s'autodissoudre en 2010.

Après quatre années d'exil, il se pose depuis 2014 en héraut de la lutte contre les "corrompus", incitant à de nombreuses manifestations. Il plaide pour un Etat des citoyens et pour la "réforme" --le slogan phare de sa campagne menée avec les communistes au sein d'une alliance inédite.

Le second, Hadi al-Ameri, de vingt ans son aîné, a été jusqu'à récemment l'homme fort du Hachd al-Chaabi, cette force paramilitaire formée en 2014 pour combattre le groupe Etat islamique (EI) qui avait réussi à s'emparer d'environ un tiers de l'Irak.

Diplômé en statistiques de l'Université de Bagdad, trapu et le regard froid, il a mené sur le terrain, avec des conseillers iraniens, ces unités de supplétifs.

Ce natif de Diyala, province à majorité sunnite, il utilise aujourd'hui les unités du génie du Hachd pour réhabiliter les infrastructures, délabrées quand elles ne sont pas totalement absentes, dans un des pays pourtant les plus riches en pétrole du monde.

- Relations opposées avec l'Iran -

Si tous les deux sont issus de la communauté chiite, majoritaire en Irak, ils entretiennent des relations diamétralement opposées avec la grande puissance chiite voisine, l'Iran.

La relation entre Téhéran et Hadi al-Ameri est ancienne et solide. C'est même sous l'uniforme iranien que ce dernier, alors chef de l'organisation Badr hostile au dictateur irakien Saddam Hussein, a combattu durant la longue guerre Iran-Irak (1980-1988).

Ces liens tissés au fil des décennies entre Badr et Téhéran ont fait de ce puissant groupe armé --le mieux entraîné et surtout le mieux équipé, par l'Iran-- le fer de lance du Hachd, crucial dans la victoire sur l'EI.

Moqtada Sadr, en revanche, est un nationaliste, et dès l'annonce des résultats partiels dans la nuit, ses partisans l'ont fait savoir. Dans une vidéo filmée par l'un d'eux et diffusée sur internet, ils scandent "Bagdad libre! Iran dehors!".

Ce discours est un des points fondamentaux que l'homme partage avec le Parti communiste irakien (PCI), un temps l'un des plus importants du monde arabe avant d'être écrasé par Saddam Hussein. Le PCI est foncièrement hostile à une répartition communautaire du pouvoir et favorable à un Irak laïc, neutre régionalement et non aligné au niveau international.

- Approche vers l'Arabie -

Dans une nouvelle preuve d'indépendance vis-à-vis de l'Iran, Moqtada Sadr, toujours coiffé du turban noir des descendants du Prophète, s'est rendu récemment en Arabie saoudite, grande rivale de l'Iran au Moyen-Orient.

Cette visite a eu lieu alors que les autorités à Bagdad sont également en train de se rapprocher du grand voisin sunnite. Elle a toutefois valu au leader populiste de vives protestations, notamment parmi les chiites du sud de l'Irak. La rumeur prête à Ryad des velléités d'ouvrir une représentation dans la ville où réside M. Sadr, Najaf, l'un des plus importants sanctuaires chiites.

Le Hachd notamment est vent debout contre cette idée et, régulièrement, lors de manifestations dans le Sud, des portraits de dirigeants saoudiens sont conspués comme étant les principaux sponsors de l'EI.

Capitalisant, l'un sur ses manifestations contre la caste politique, l'autre, sur le sang versé au combat contre les jihadistes, les deux hommes ont fait campagne en se présentant comme hors d'un système et d'une classe politique honnis pour leur clientélisme et leur corruption.

Le mouvement de Hadi al-Ameri dispose pourtant de ministres dans le gouvernement sortant. Et autant lui que Moqtada Sadr comptent des députés dans le Parlement sortant, un nombre qui va encore augmenter après ces législatives.

À lire aussi

Sélectionné pour vous