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Une communauté tchétchène discrète, peu structurée et "sous le choc"

Hermétique, peu structurée et parfois pointée du doigt pour les liens de certains de ses membres avec la criminalité organisée ou le jihadisme, la communauté tchétchène en France est ébranlée depuis que l'un des siens, Khamzat Azimov, a perpétré samedi l'attaque au couteau de Paris.

"On est comme une famille. Si quelqu’un, un Tchétchène fait une bêtise, ça marque tout le monde. Aujourd’hui ce n’est pas un beau visage pour notre communauté", regrette Ismael, trésorier de l'association des Caucasiens de Strasbourg.

Depuis que Khamzat Azimov, 20 ans, Français d'origine tchétchène ayant grandi à Strasbourg, a tué un passant et en a blessé quatre autres à Paris, la communauté tchétchène en France est "sous le choc", rapportent plusieurs de ses membres.

"Les Tchétchènes sont corrects et dans leur pratique religieuse, ils cherchent l'honneur et la vérité", souligne le Strasbourgeois Naourbek Chokuev, 51 ans, arrivé en France en 2002 pour fuir la guerre.

"Venue pour vivre dans un pays digne, dans des conditions normales et pas pour faire mal aux autres (...) la communauté n'accepte pas ce genre de comportement", affirme-t-il.

En situation régulière ou pas, le nombre précis de Tchétchènes résidant en France est impossible à déterminer car ils se fondent dans l'ensemble des ressortissants de nationalité russe. Certains ont également été naturalisés, comme Khamzat Azimov et sa mère.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) estime à "15.000 environ" le nombre de réfugiés russes vivant en France, dont de nombreux Tchétchènes.

Très mobiles, ils sont pour beaucoup regroupés à Paris, autour de Nice, dans l'est de la France, et notamment à Strasbourg.

"Khamzat Azimov ne représente pas les Tchétchènes. La majorité ont fui leur pays justement à cause de la guerre, du terrorisme. Forcément, cela nous touche beaucoup mais nous ne sommes pas responsables de tout ça", explique Bekhan Verigov, président de France Tchétchénie Solidarité à Nancy, où seraient installées de 100 à 200 familles tchétchènes.

- "Ils vivent entre eux" -

"Les Tchétchènes vivent entre eux, ils restent en groupe, s'entraident", se souvient un ancien voisin de la famille Azimov à Schiltigheim, banlieue de Strasbourg.

"Le plus dur, c'est la barrière de la langue", qui "rend l'intégration et l'accès au travail difficile", reconnaît Naourbek Chokuev qui enseigne le français à des russophones à Strasbourg.

Un professeur de collège alsacien raconte que ses élèves tchétchènes sont souvent des "gamins durs", ayant "vécu la guerre", qui "n'ont peur de rien et sont souvent très sportifs". "Certains sont d'excellents élèves", souligne-t-il.

"J’ai pu observer la radicalisation islamiste de quelques membres de la communauté mais il y a aussi des familles exemplaires dans leur attitude à l'égard de la France", observe Bruno Studer, député du Bas-Rhin.

La communauté tchétchène est particulièrement surveillée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Avant Khamzat Azimov, d'autres jeunes Français d'origine tchétchène avaient embrassé la cause jihadiste, comme Youssoup Nassoulkhanov, disparu de Schiltigheim en 2014 pour réapparaître sur une vidéo célébrant l'attentat contre Charlie Hebdo.

Selon une source proche du dossier, 10% des Français se trouvant en zone de conflit irako-syrienne sont d'origine tchétchène.

"C'est un profil qui a dû intéresser les recruteurs (...) la réputation des Tchétchènes c'est d'être forts, fidèles et violents", avance Anne Giudicelli, directrice de la société de conseil Terrorisc.

"Pour nous aujourd’hui, c’est difficile car il y a des jeunes qui sont manipulés", estime Ramzan Magamadov, imam et représentant de la communauté tchétchène de Nice.

Après les deux guerres en Tchétchénie, "les Tchétchènes ne sont passés par aucune réhabilitation psychologique", regrette Saïd Emin Ibraguimov, ancien ministre tchétchène réfugié à Strasbourg depuis 2001.

Selon lui, l'absence d'organisations culturelles pour la diaspora tchétchène à Strasbourg "pose des problèmes". "N'importe qui peut dire aux jeunes : tant de Tchétchènes ont été tués pendant la guerre, c'est l'heure maintenant de se venger!", explique-t-il en russe.

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