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Une ville turque en première ligne du conflit entre peur et fierté

Certains partent pour fuir les bombes, d'autres sortent dans les rues pour acclamer les troupes se rendant en Syrie: la ville turque d'Akçakale, en première ligne du conflit syrien, assiste à la dernière offensive, tiraillée entre peur et fierté.

Les rues de cette localité ont été pratiquement désertées lorsqu'une pluie d'obus tirés depuis la frontière s'y est abattue au deuxième jour de l'opération militaire turque contre les milices kurdes de l'autre côté de la frontière.

Akçakale ne se trouve qu'à un jet de pierre de la ville syrienne de Tal Abyad, l'une des cibles de l'armée turque, ce qui l'expose aux représailles des forces kurdes.

Alors que, quelques heures plus tôt, les cafés grouillaient de clients sirotant du thé, c'est le silence qui règne désormais. Seules quelques poules s'aventurent dans les rues désertées, la population préférant se terrer pour éviter les bombes.

Les familles s'entassent chez elles dans une chaleur étouffante. Un homme harangue ses proches qui tardent à entrer : "allez, plus vite, dépêchez-vous !"

Un bâtiment administratif a été atteint par les obus de mortiers qui ont tué un employé, retrouvé allongé à l'extérieur, couvert de sang, juste avant qu'il ne s'éteigne.

Plus tard, les autorités ont fait état de six morts parmi les civils, dont un bébé de 9 mois, et près de 70 blessés au total dans les provinces de Sanliurfa, où se trouve Akçakale, et Mardin.

Malgré les appels des autorités exhortant la population à rester à l'abri, des groupes d'habitants sont restés dehors. Certains tiraient sur leur cigarette, verre d'eau à la main, le regard tourné vers la frontière syrienne d'où montait une épaisse fumée noire.

Leur air confiant s’efface subitement au bruit d'une explosion, lorsque un projectile vient frapper un bâtiment à proximité. Les jeunes se précipitent immédiatement vers l'abri le plus proche.

- "Nous n'irons nul part" -

La Turquie a juré de détruire les Unités de Protection du Peuple (YPG) qui contrôlent une grande partie du nord de la Syrie, afin d'y instaurer une "zone de sécurité" susceptible à terme d'accueillir une partie des millions de réfugiés syriens actuellement présents sur son territoire.

Avant que ne commencent les bombardements, les enfants agitaient des drapeaux turcs sur la route principale d'Akçakale. La foule a réservé un accueil chaleureux à des combattants de l'Armée nationale syrienne, une coalition de groupes syriens armés et financés par Ankara.

Beaucoup, parmi les civils présents, effectuait de la main le geste des Loups gris, un signe de salut des ultranationalistes turcs.

L'un des badauds, Hamit Alsan, se dit confiant que la Turquie va arracher les territoires convoités aux forces kurdes. "La Turquie est un pays puissant. Si nous perdons un soldat, 10.000 prendront sa place", dit-il.

Un homme se tenant près du poste-frontière, Ahmet Kaymaz, se dit prêt à mourir à Akçakale. "Peut-on vraiment quitter sa mère patrie, juste comme ça ? Non, nous ne l'abandonnerons pas."

Un fermier, Ahmet Celikan, a quant à lui fait le déplacement depuis un village voisin pour pouvoir observer les convois militaires. Selon lui, le gouvernement turc ne cherchera pas à occuper les territoires syriens, et le but de l'opération est uniquement de permettre le retour des réfugiés.

"Nous faisons cela pour les Syriens qui se trouvent ici. Nous ne souhaitons rien d'autre. La Turquie n'a aucune envie de rester sur ces terres", affirme-t-il.

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