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Venezuela: l'opposant Guaido défie Maduro en se rendant en Colombie

Le duel pour le pouvoir au Venezuela s'est illustré en musique vendredi, l'opposant Juan Guaido défiant l'interdiction judiciaire de quitter son pays en se rendant du côté colombien de la frontière, au concert organisé en faveur de l'entrée de l'aide humanitaire.

Vêtu d'une chemise blanche, le poing levé et entouré de policiers, Juan Guaido, reconnu par une cinquantaine de pays comme président par intérim du Venezuela, a retrouvé le chef de l'Etat colombien Ivan Duque près de la scène.

Des dizaines de milliers de personnes assistaient à ce concert géant à Cucuta, tandis qu'un contre-concert, pro-Maduro celui-là, était organisé du côté vénézuélien de la frontière, à quelques centaines de mètres.

Le bras de fer entre Nicolas Maduro, dont la réélection est jugée frauduleuse, et Juan Guaido a ainsi pris la forme insolite d'un duel musical, de part et d'autre du pont international de Tienditas, reliant Cucuta à la localité vénézuélienne d'Ureña.

Le concert "Venezuela Aid Live" a débuté vers 11h00 (16h00 GMT), s'est terminé vers 18h00 (23h00 GMT), deux heures plus tard que prévu. Le milliardaire britannique Richard Branson, qui l'organisait, y attendait 250.000 spectateurs.

Aux cris de "Liberté!" ou "Le gouvernement va tomber", les premiers spectateurs, vêtus de blanc et brandissant des drapeaux vénézuéliens, s'étaient massés devant la scène dès les premières heures de la matinée, a constaté un journaliste de l'AFP.

- Pas qu'un corridor humanitaire -

Le fondateur de Virgin espère récolter 100 millions de dollars de dons via internet pour la population du pays aux énormes réserves pétrolières, confronté à la pire crise de son histoire et qu'ont fui 2,7 millions de migrants depuis 2015, selon l'ONU.

"C'est émouvant. Nous sommes sous le regard du monde", a confié à l'AFP Aura Vargas, une avocate de 40 ans, venue d'Ureña à pied par des chemins de traverse dans une zone surveillée par des militaires vénézuéliens lourdement armés.

"C'est incroyable de voir ces milliers de personnes venir au concert", s'est félicité Richard Branson.

"Cela va être un jour magique (...) pour construire des ponts d'espérance", a-t-il ajouté, au côté du chanteur vénézuélien Carlos Baute, invité avec une trentaine d'artistes, dont les Espagnols Alejandro Sanz et Miguel Bosé, le Dominicain Juan Luis Guerra, les Colombiens Carlos Vives et Juanes, ainsi que le Portoricain Luis Fonsi.

"Nous ne sommes pas ici seulement pour ouvrir un corridor humanitaire, mais parce que demain nous serons libres", a déclaré Luis Fonsi, chanteur installé en Espagne, en référence à la promesse de Juan Guaido de faire entrer samedi l'aide envoyée des Etats-Unis et stockée à Cucuta, mais que Nicolas Maduro voit comme un préalable à une intervention militaire de Washington pour l'évincer du pouvoir.

Une version reprise par la Russie, soutien de Maduro, qui a accusé vendredi les Etats-Unis de se servir de l'aide humanitaire comme "prétexte pour une action militaire".

Plusieurs responsables politiques, dont le président colombien et ses homologues chilien, Sebastian Piñera, ainsi que paraguayen, Mario Abdo, se sont rendus au concert de Cucuta, où 1.500 policiers et militaires ont été déployés.

Dans une déclaration conjointe, MM. Duque et Piñera ont lancé un nouvel appel aux militaires loyaux à Maduro afin qu'ils passent du "juste côté de l'histoire" et permettent l'entrée de l'aide humanitaire.

A l'autre extrémité du pont, barré de conteneurs par l'armée, le contre-concert intitulé "Hands off Venezuela" (Pas touche au Venezuela), organisé par le gouvernement de Maduro, a lui aussi débuté.

- Contre-concert -

Les têtes d'affiche de cet événement, prévu sur trois jours par le gouvernement chaviste, n'ont pas encore été annoncées et les lieux étaient fortement surveillés par les forces de sécurité.

"Les artistes qui se produiront en Colombie doivent savoir qu'ils commettent un crime, ils donnent leur aval à une intervention militaire", a averti M. Maduro, qui considère l'aide comme un pas vers une intervention militaire américaine afin de l'évincer du pouvoir, argument repris vendredi par Moscou.

Après la suspension des liaisons avec l'île néerlandaise de Curaçao, autre point de stockage de l'aide, il a ordonné jeudi la fermeture de la frontière terrestre avec le Brésil, où une cargaison doit aussi être entreposée. Il a également menacé de fermer celle avec la Colombie face aux "provocations" et "agressions" de Bogota et de Washington.

Dans l'est du pays, à la frontière du Brésil, deux personnes ont été tuées et 15 autres blessées vendredi lors de heurts avec l'armée alors qu'elles tentaient d'empêcher des militaires de bloquer une route nécessaire pour faire entrer l'aide, selon l'ONG Kapé Kapé de défense des droits humains.

Juan Guaido avait quitté Caracas jeudi avec des partisans, dans un convoi de minivans aux vitres fumées, pour rejoindre par la route la frontière colombienne, où il entend faire entrer l'aide avec le soutien de "caravanes" de volontaires.

L’opposant de 35 ans, qui a choisi pour cela la date symbolique du 23 février, un mois après s'être proclamé président par intérim, a affirmé qu'elle entrerait "quoi qu'il arrive".

"L'aide humanitaire est urgente (...) Beaucoup de gens sont en train de mourir", dénonçait Magdalena Valero, une Vénézuélienne de 64 ans, en route sur les sentiers de contrebande pour aller écouter le concert de Cucuta.

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