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Venezuela: Henri Falcon, le candidat qui sème le flou

Traitre pour les chavistes comme pour l'opposition, Henri Falcon se veut le sauveur du Venezuela, mais sa candidature en solitaire à la présidentielle anticipée du 22 avril donne l'impression de légitimer la probable réélection de Nicolas Maduro.

Allant à l'encontre de la décision de la Table pour l'unité démocratique (MUD) de boycotter le scrutin, le militaire en retraite de 56 ans a choisi de faire cavalier seul et s'est inscrit comme candidat auprès des autorités électorales.

L'initiative de ce dissident du chavisme a immédiatement soulevé la polémique.

"Cela me rend triste de voir que, pendant que les gens meurent de faim (...), en politique nous nous disputons et nous laissons passer cette opportunité", a-t-il réagi face aux critiques.

Car, à peine officialisée sa candidature, la MUD l'a accusé sur Twitter de "s'écarter de l'Unité et du sentiment démocratique" et a rappelé: "Nous ne pouvons pas valider un système électoral frauduleux".

Plusieurs gouvernements d'Amérique latine, les Etats-Unis et l'Union européenne ont questionné l'élection anticipée, dénonçant un manque de transparence et menaçant de ne pas reconnaître les résultats, ce qui place Henri Falcon dans une position délicate face à la communauté internationale.

Sa candidature, portée par trois partis minoritaires, dérange également dans le camp présidentiel, qui l'accuse d'avoir trahi l'héritage du défunt Hugo Chavez (1999-2013). Mais son passé chaviste fait sourciller l'opposition.

"Sa manoeuvre est risquée, il va essayer de former un centre politique distinct du chavisme et de l'opposition radicale (...) en cherchant aussi le soutien des ni-ni (les indécis, ndlr)", explique à l'AFP l'expert en communication politique Andrés Cañizalez. Et "cela peut échouer".

Pour l'instant, l'Institut vénézuélien d'analyses de données (privé) le crédite de 24% d'intentions de vote, contre 18% pour Maduro.

Mais les analystes estiment que ses chances réelles de succès sont infimes, faute de soutien de la MUD et face à l'hégémonie institutionnelle du gouvernement socialiste.

- 'Un figurant'? -

Henri Falcon sème le flou, en ayant joué dans les deux équipes: militant pendant dix ans, il a claqué la porte du chavisme en 2010 en critiquant la révolution menée par Chavez. Puis il a totalement viré de bord en devenant chef de campagne d'Henrique Capriles, défait de justesse face à Maduro à l'élection de 2013.

Il se dit persuadé de remporter ce scrutin, martelant que, selon les sondages, 65% des Vénézuéliens "veulent voter" et 80% de la population rejette Maduro.

"Nous allons nous unir sous une seule consigne: sauver le Venezuela. Nous allons gagner pour surmonter la situation de faim généralisée, pour redresser l'économie", a-t-il lancé en annonçant sa candidature.

Son discours de 40 minutes a été retransmis par la télévision officielle VTV, qui diffuse rarement les déclarations d'opposants et malgré son ton agressif envers Maduro, qu'il a qualifié de "candidat de la faim" et accusé de l'effondrement économique et social du pays pétrolier.

"Le gouvernement a certainement besoin d'Henri Falcon", observe Andrés Cañizalez. "Il a besoin de la participation d'une personnalité relativement connue, pas de candidats de deuxième ou troisième rang".

Outre Falcon, quatre quasi-inconnus se présentent: le pasteur évangélique Javier Bertucci et les chavistes dissidents Reinaldo Quijada, Alejandro Ratti et Francisco Visconti.

Les autorités électorales ont prolongé de 48 heures, jusqu'à jeudi soir, le délai d'inscription des candidats, renforçant les rumeurs de négociations secrètes entre le gouvernement et une partie de l'opposition sur la date et les garanties du scrutin.

"Nous demandons que la date soit reportée et nous exigeons l'observation et pas (seulement) l'accompagnement des Nations unies", a déclaré Henri Falcon à la radio Union.

Pour le politologue Luis Salamanca, toute cette agitation est inutile. Il rappelle qu'en octobre, Falcon a échoué à se faire réélire comme gouverneur de l'Etat de Lara. "Il est sur le déclin", assure-t-il.

"Il pourra obtenir un certain nombre de voix, mais il va perdre tout prestige: on va le voir comme un figurant permettant à Maduro de dire que c'est une élection avec des concurrents".

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