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Venezuela: sonnée, l'opposition hésite à participer à la présidentielle

L'opposition vénézuélienne, ébranlée par l'annonce de la date de l'élection présidentielle anticipée, fixée au 22 avril, doit décider de la stratégie à suivre, entre boycott du scrutin et participation pour contrer une possible réélection de Nicolas Maduro.

"Nous sommes comme ces boxeurs qui ont reçu tant de coups qu'ils sont étourdis", a admis jeudi le principal négociateur du camp antigouvernemental Julio Borges, au lendemain du coup de massue asséné par le Conseil national électoral (CNE), accusé de servir le pouvoir.

"Ces élections n'ont pas l'assentiment de tous les partis politiques et limitent la possibilité d'y concourir", a dénoncé le département d'Etat américain, accusant M. Maduro de "continuer à démanteler la démocratie vénézuélienne".

L'annonce de la date du scrutin par les autorités électorales, quelques heures après l'échec des négociations en République dominicaine entre gouvernement et opposition, est le dernier épisode d'une série de déconvenues qui ont affaibli la MUD, principale coalition des adversaires du président socialiste.

La MUD a ainsi été interdite de participation à la présidentielle par les autorités, de même que ses deux principales figures, Henrique Capriles, qui s'est déjà présenté deux fois, et Leopoldo Lopez, actuellement en résidence surveillée.

En réponse, Julio Borges a appelé son camp, fracturé par de graves divisions, à faire front uni.

La MUD, qui réunit une trentaine de partis, n'arrive pas à s'entendre sur la stratégie pour chasser Nicolas Maduro du pouvoir, une lutte qui a connu une période particulièrement dramatique en 2017 avec quatre mois de protestations violentes au cours desquelles 125 ont été tuées.

"Sans unité, nous sommes morts", a déclaré M. Borges dans un entretien diffusé à la radio, expliquant que l'opposition hésite encore à participer au scrutin.

Deux scénarios sont envisagés: "s'enfermer complètement et que les partis politiques et la société vénézuélienne" refusent d'aller aux urnes, ou présenter un candidat unique de l'opposition afin de montrer au grand jour "toutes les irrégularités" du processus.

- 'Fraude si nécessaire' -

M. Borges a ajouté que des réunions étaient prévues entre les dirigeants de la MUD et différents représentants de la société en vue d'étudier la marche à suivre.

Une nouvelle tournée internationale pour dénoncer la situation au Venezuela est également à l'étude.

Au pouvoir depuis 2013 et très impopulaire dans un contexte de grave crise économique, Nicolas Maduro cherche à obtenir un nouveau mandat.

Dans le scénario actuel, "c'est clairement la victoire de Maduro qui se dessine", estime la politologue Francine Jacome, "à moins que l'opposition ne réussisse à s'unir".

Pour sa part, le président Maduro a déclaré jeudi être prêt à reprendre le dialogue avec l'opposition si elle accepte de signer le document issu des négociations de Saint-Domingue, pour le moment suspendues sine die.

"J'ai signé l'accord de Saint-Domingue", a dit M. Maduro. "J'invite tous les partis politiques de la MUD à signer l'accord. S'il y a de nouveaux sujets, nous continuerons à en discuter".

Face au risque de nouvelles divisions et devant la perspective d'une réélection de M. Maduro qui semble courue d'avance, l'expert Leandro Area déconseille aux opposants de participer au scrutin. "Il ne s'agit pas de s'abstenir, mais de ne pas participer à une fraude", fait-il valoir.

"Le président Nicolas Maduro va fortement manipuler les règles du jeu afin de s'assurer de sa réélection, même en ayant recours à la fraude si nécessaire, faisant de la rue le moyen le plus sûr pour un changement de régime", abonde le cabinet Eurasia Group.

D'autres experts, comme Luis Salamanca, jugent au contraire que les adversaires du président ne doivent pas lui laisser le champ libre, malgré des "conditions injustes".

"C'est sur le terrain électoral que se trouvent les principales opportunités de provoquer des (changements) politiques majeurs", souligne-t-il.

Une partie de la communauté internationale, dont l'Union européenne et la Colombie, a déjà dit qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats de ce scrutin, dénoncé par Washington comme n'étant "ni libre, ni juste".

Jeudi, par 480 voix pour, 51 contre et 70 abstentions, les eurodéputés, réunis en session plénière à Strasbourg, ont "demandé que ces sanctions soient étendues aux principaux responsables de l'aggravation de la crise politique, sociale, économique et humanitaire (au Venezuela), à savoir le président (Maduro), le vice-président (Tareck El Aissami)" et les principaux responsables militaires.

Les Etats-Unis ont déjà pris des sanctions individuelles contre de hauts responsables du gouvernement et interdit aux citoyens et banques américains toute transaction de dette vénézuélienne. Washington envisage de sanctionner aussi les exportations pétrolières du pays.

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