Accueil Actu

Victorieux mais affaibli, Trudeau va devoir chercher des appuis

Réélu pour un second mandat mais sans majorité et sans panache, le Premier ministre canadien Justin Trudeau doit rapidement s'atteler à chercher l'appui de plus petits partis pour assurer sa survie politique, et les négociations s'annoncent ardues.

Selon les résultats officiels quasi définitifs publiés mardi, les libéraux de M. Trudeau ont remporté 157 des 338 sièges en lice à la Chambre des communes. Dans l'assemblée sortante, ils disposaient d'une confortable majorité absolue de 177 sièges.

Même s'il s'est félicité dans la nuit devant ses partisans du fait que les Canadiens avaient "rejeté la division", Justin Trudeau va donc devoir composer avec un gouvernement minoritaire et lancer des consultations.

Deux de ses potentiels alliés se sont montrés prudents mardi.

Interrogé par la presse, le chef du Nouveau parti démocratique (NPD, gauche) Jagmeet Singh, l'une des révélations de la campagne dont la formation a toutefois fait moins bien que prévu (24 sièges), s'est contenté de dire que "tout (était) sur la table".

"Nous n'écartons rien (...). Nous n'allons négocier aucune de ces choses aujourd'hui et certainement pas dans les médias. Mais nous allons exposer nos priorités", a dit lors d'une conférence de presse celui qui a fait une campagne axée sur des questions sociales, comme le logement et l'assurance-maladie, ainsi que sur la protection de l'environnement.

Yves-François Blanchet, le chef du Bloc québécois (BQ), un parti en déshérence il y a à peine quelques mois et qui a fait une remontée spectaculaire dans les urnes dans la province francophone, s'était dit avant le scrutin ouvert à une collaboration au cas par cas avec le nouveau gouvernement, si les intérêts du Québec étaient préservés.

"Le mandat du Bloc québécois n'est pas de faire marcher le Canada, mais le Bloc québécois aura une responsabilité dans la perspective de faire marcher le Parlement", a dit M. Blanchet aux journalistes mardi, laissant entendre qu'il ne fermait pas la porte à des alliances ponctuelles avec les libéraux.

- "Pays divisé" -

Même s'il sort affaibli de ces élections, Justin Trudeau a fait légèrement mieux que prévu par les sondages, qui le donnaient jusqu'à peu avant le scrutin au coude-à-coude avec le leader conservateur Andrew Scheer.

M. Scheer a reconnu sa défaite et félicité son rival, bien que les conservateurs, qui finissent avec 121 sièges, aient en fait remporté le vote populaire (34,4% des voix contre 33,1% pour les libéraux).

D'où une mise en garde de M. Scheer au Premier ministre.

"Trudeau et les libéraux ont perdu des sièges dans toutes les régions. Les Canadiens se sont réveillés ce matin avec un pays davantage divisé", a-t-il déclaré devant la presse mardi, en évoquant quatre ans "de scandales et de mauvaise gestion" par M. Trudeau.

"Quand j'ai parlé à Justin Trudeau la nuit dernière, je l'ai exhorté à prendre note de ces résultats troublants (...). Il doit se montrer prêt à changer de cap et à cesser ses attaques contre le secteur de l'énergie", a ajouté M. Scheer, qui avait promis lors de la campagne d'abolir, s'il devenait Premier ministre, la taxe carbone instaurée par Justin Trudeau.

Le Canada possède les troisièmes réserves prouvées de pétrole au monde, situées principalement dans les sables bitumineux de l'ouest du pays, et l'environnement a été l'un des principaux thèmes de campagne.

Le gouvernement libéral de M. Trudeau a acheté en 2018 à l'américain Kinder Morgan l'oléoduc Trans Mountain, qui relie l'Alberta à la Colombie-Britannique, avec pour objectif affiché d'accélérer l'exportation de pétrole de l'Alberta vers de nouveaux marchés étrangers. En échange, le gouvernement a promis d'investir les profits dans les technologies vertes.

Mais cette décision a été vécue comme une trahison par de nombreux Canadiens engagés pour l'environnement, et a entamé la popularité du Premier ministre.

M. Trudeau a aussi perdu de son aura après une affaire d'ingérence politique dans une procédure judiciaire, et la publication en pleine campagne de photos de lui grimé en Noir ("blackface").

Après avoir reçu pendant la campagne le soutien de l'ancien président américain Barack Obama, puis les félicitations dès lundi soir de son voisin du sud, Donald Trump, M. Trudeau a été salué mardi par un autre Donald: M. Tusk, le président du Conseil européen.

"Il y a une place spéciale dans nos coeurs européens pour le Premier ministre Justin Trudeau", a écrit ce dernier, assortissant même son tweet d'un émoji en forme de coeur.

À lire aussi

Sélectionné pour vous