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Vietnam: malgré la tragédie du camion charnier, les candidats à l'exil restent nombreux

Tout risquer dans l'espoir d'une vie meilleure en Europe. La mort de 39 migrants, entassés à l'arrière d'un camion frigorifique près de Londres, ne devrait pas dissuader les candidats à l'exil de quitter les provinces pauvres du Vietnam, d'où viendrait une partie des victimes.

Ces dernières n'ont pas encore été officiellement identifiées dans l'attente des résultats ADN, mais plusieurs familles vietnamiennes sont certaines qu'il s'agit de leurs proches, dont elles sont sans nouvelles.

Depuis la découverte, le 23 octobre, du conteneur, baptisé "le camion de l'horreur" et face au tollé international, les réseaux de trafiquants se font discrets au Vietnam.

Pour autant, s'"ils vont peut-être suspendre un temps leurs activités", ils "ne vont pas disparaître", raconte à l'AFP un passeur de la province de Ha Tinh (centre), d'où venaient plusieurs des victimes présumées.

Le business est trop rentable: le voyage vers l'Europe coûte aux candidats à l'immigration entre 10.000 et 50.000 dollars, forçant les familles à vendre des terres ou à emprunter.

"Nous devons toujours près de 8.600 dollars", raconte Nguyen Dinh Gia, certaine que son fils se trouvait dans le camion frigorifique. Nguyen Dinh Luong travaillait en France comme serveur et envoyait entre 250 et 430 dollars par mois à ses proches pour rembourser l'emprunt. Il leur avait dit vouloir trouver prochainement un emploi mieux rémunéré.

Le voyage est risqué et dangereux. En dépit des promesses, les passeurs n'acheminent souvent les migrants que jusqu'à la France ou la Belgique, et ces derniers doivent entamer un ultime voyage périlleux, parfois cachés entre les roues des camions, pour franchir la Manche.

- aider la famille -

Mais, même après le drame du conteneur découvert près de Londres, les candidats à l'exil restent nombreux, la perspective d'une vie meilleure restant irrésistible pour beaucoup.

"Je veux partir à l'étranger dès que j'aurai terminé mes études", lance Tran Manh Thang de la province de Ha Tinh. Le jeune homme de 17 ans souhaite se rendre, via la Corée du Sud, en Europe où il espère décrocher un emploi de serveur.

Dans la région, peu développée et frappée de plein fouet par le réchauffement climatique, la plupart des habitants vivent de l'agriculture ou de la pêche et le revenu annuel par personne tombe dans certaines villes à 1.200 dollars, un niveau bien inférieur à la moyenne nationale (2.600 dollars).

Beaucoup de jeunes sont déjà partis. Une fois à l'étranger, l'argent qu'ils renvoient chez eux sert à rénover les maisons, acheter un moyen de locomotion.

Ici, les villageois "sont toujours pauvres, ils n'ont pas accès aux opportunités offertes par le Vietnam" et les jeunes gardent "les mêmes croyances qu'avant" la tragédie: partir pour aider la famille, souligne Mimi Vu, experte indépendante en matière de traite des êtres humains.

Même pour ceux qui sont rentrés du Royaume-Uni -souvent expulsés pour avoir travaillé illégalement dans des fermes de cannabis où beaucoup de clandestins vietnamiens sont embauchés-, l'appel de l'étranger reste vif.

"Bien sûr, les gens continueront à y aller", relève, sous couvert d'anonymat, un migrant renvoyé par le Royaume-Uni dans son pays en 2008.

L'immigration a une portée historique toute particulière au Vietnam. A la fin des années 1970, des centaines de milliers de Vietnamiens ont fui le régime communiste à bord d'embarcations précaires.

Les histoires, parfois tragiques de ces boat-people sur la route de l'exil "n'ont pas empêché les Vietnamiens restés au pays d'essayer encore d'envoyer leurs familles" à l'étranger, relève Mimi Vu.

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