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Viol au "36": le procès des policiers est devenu celui de la "victime", selon ses avocats

Les rôles ont été "inversés": le procès de deux policiers accusés du viol d'une touriste canadienne au 36 Quai des orfèvres est devenu celui de leur "victime", ont critiqué mardi les avocats de la partie civile, en demandant de "rendre à cette femme le respect qu'elle mérite".

"On a juste oublié qu'elle était là pour viol", lâche dans sa plaidoirie Sophie Obadia, l'avocate d'Emily Spanton. Cette dernière accuse deux policiers de la prestigieuse BRI (Brigade de recherche et d'intervention) de l'avoir violée au "36", l'ancien siège de la police judiciaire à Paris, dans la nuit du 22 au 23 avril 2014.

L'avocate parle d'une "inversion des places" dans le procès, face à des policiers "qui ne sont pas n'importe qui". "Ce qu'il s'est passé à cette audience, c'est le procès de la victime", présentée comme "une dingue, une mytho, une menteuse". De très nombreuses heures d'audience aux assises de Paris ont été consacrées au passé, à la personnalité, aux addictions, aux fréquentations de la plaignante, dont la parole a beaucoup été questionnée.

Emily Spanton est une femme "à la vie cabossée", admettent Me Obadia et son confrère Mario Stasi. "Peut-être que vous êtes un peu paumée, et alors?", dit aussi Me Stasi. Emily Spanton a "d'autres valeurs, elle est canadienne". Elle se trouve en avril à Paris? "Oui, elle s'habille court. Elle veut s'amuser. Elle flirte. Dans son pays, c'est clair: non, c'est non et oui, c'est oui."

Quand elle s'est rendue au "36", elle était très fortement alcoolisée, "pas loin du coma" éthylique. "C'est un viol de lâche", selon son avocate.

Me Stasi dénonce "une supercherie" de la défense qui voudrait faire croire que dans ce dossier, "c'est parole contre parole". "Je sais à l'analyse des pièces à convictions qu'ils (les accusés, ndlr) ont menti". L'avocat met en avant les expertises génétiques, le sperme retrouvé sur les caleçons des accusés, qui portaient aussi des traces ADN de leur accusatrice. "Ils n'ont que des réponses farfelues à présenter", selon Me Stasi.

- "Aller de l'avant" -

La téléphonie montrerait que les policiers se sont concertés, qu'ils ont "modifié la scène de crime". Il y a aussi les vidéos du pub où la Canadienne a rencontré les accusés et de l'entrée du "36". "Avant de faire passer (Emily Spanton, ndlr) pour une partouzeuse, on a essayé de faire croire qu'elle avait embrassé tout le monde (au pub, ndlr). Mais non, ce n'était pas vrai", affirme Me Stasi.

"Vous allez rendre à cette femme le respect qu'elle mérite. (...) Vous allez aider Emily Spanton à aller de l'avant", a demandé Sophie Obadia, à la cour d'assises, qui rendra son verdict jeudi.

Ces plaidoiries sont intervenues après une matinée particulièrement difficile pour Emily Spanton. Le président a lu les dépositions d'une serveuse du pub. "Elle faisait comprendre qu'elle aimait le sexe", avait-elle dit aux enquêteurs le 24 avril 2014. Cette serveuse était "convaincue que c'était une relation sexuelle consentie au début et que ça a ensuite mal tourné". Emily Spanton a, selon elle, "perdu le contrôle de l'orgie".

Emily Spanton "avait toujours des drames exceptionnels à raconter", a par ailleurs déclaré son ancien employeur lors de l'enquête.

Les policiers, qui encourent 20 ans de réclusion criminelle, ont toujours nié avoir violé cette femme. Le président leur a donné la parole mardi matin. "Il est important qu'il soit noté que je suis parti à 01H32. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé après", a déclaré Nicolas R., qui n'a reconnu qu'une "fellation consentie" avec la plaignante.

"Sur tout ce qu'il s'est passé dans les bureaux, je n'ai jamais varié", a ajouté Antoine Q., qui a lui admis une "pénétration digitale consentie", mais seulement une fois que les analyses génétiques ont montré que son ADN se trouvait dans le vagin d'Emily Spanton.

L'avocat général Philippe Courroye prendra ses réquisitions mercredi matin.

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