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Volcan Nyiragongo: risque de catastrophe majeure, exode pour fuir Goma

Dans un soudain exode, des dizaines de milliers de personnes ont fui Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), après un ordre d'évacuation lancé jeudi face aux risques d'une nouvelle éruption, de coulées de lave en ville, voire au fond du lac Kivu.

Des embouteillages sur des kilomètres ont bloqué toute la journée la route quittant Goma par l'ouest, principal axe de sortie de la ville.

Dans la cohue, l'énervement et la poussière, des files de voitures, camions, minibus surchargés tentaient d'avancer péniblement sur cette route reliant sur plus de 25 km Goma à la localité de Sake, dans la région montagneuse du Masisi.

Des milliers de piétons, des familles, des enfants, des vieillards, portant valises et baluchons, marchaient sur le bas-côté, tandis que quelques militaires et policiers tentaient, souvent impuissants, de fluidifier ce flot ininterrompu de véhicules, qui se poursuivait en début de soirée, a-t-on constaté.

"L'essentiel pour l'instant c'est de mettre la famille à l'abri. Vous savez qu'avec le volcan on ne sait pas ce qui peut arriver. On nous parle également d'une probabilité d'explosion de gaz. Toutes ces éventualités, il faut les fuir pour l'instant", a expliqué un déplacé, Sergees Nguru.

- "Je vais à pied" -

La localité de Sake a été elle-même submergée de déplacés, bivouaquant ou s'installant ici et là, cherchant un abri pour la nuit à venir. Beaucoup ont trouvé refuge dans des églises et des écoles, posés sur une natte ou un pagne, au hasard de leur exode.

"Je vais à Sake à pied. Je fuis le volcan. J'ai cinq enfants. Je souffre, je ne sais pas ce que nous mangerons là-bas. Je n'arrive pas à trouver mon mari depuis la dernière éruption. Que le gouvernement nous aide!", se lamente Madeleine, circulant à pied avec ses enfants à la main.

"C'est désolant, les autorités n'ont donné aucun véhicule", s'indigne Rachel Mapendo, grand-mère livrée à elle-même avec son petit-fils sur le bord de la route.

L'ordre d'évacuer, "obligatoire", a été donné à l'aube par le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Constant Ndima, prenant par surprise la population qui s'est alors précipitée aux sorties de la ville.

"Les données actuelles de la sismicité et de la déformation du sol indiquent la présence de magma sous la zone urbaine de Goma, avec une extension sous le lac Kivu", a expliqué le général Ndima, évoquant la possibilité "d'une éruption à terre ou sous le lac (Kivu) sous très peu, voire sans aucun signe précurseur".

En ordonnant l'évacuation "préventive" de 10 des 18 quartiers de Goma", le gouvernement a "voulu préserver les populations vivant sur le parcours des (possibles) coulées de lave", a justifié depuis Kinshasa dans l'après-midi le porte-parole du gouvernement, Patrick M. Muyaya.

"Leur retour ne pourra être envisagé que lorsque la menace sera totalement écartée", a-t-il dit. Il a annoncé qu'une équipe d'experts se trouvait depuis le matin au sommet du volcan, sur les bords du cratère, "pour évaluer les risques et les mesures à prendre".

Comme depuis cinq jours, les tremblements de terre se sont poursuivis jeudi, l'un atteignant à la mi-journée 4,9 de magnitude, selon les observations du Rwanda voisin.

Près de 400 séismes ont été ressentis depuis dimanche, une "situation inédite" alors que l'éruption du 22 mai n'a donné aucun signe-avant coureur, selon M. Muyaya, qui a notamment pointé le risque d'un air rendu toxique par les cendres, "d'une éruption volcanique secondaire, partant des fissures créées par les mouvements sismiques". Et surtout le "scénario catastrophe" de l'explosion d'une "poche de gaz sous le lac Kivu, du fait d'un contact avec le magma".

- Vers le Nord! -

Dans son adresse le matin, le gouverneur avait déjà souligné ce risque "d'éruption limnique", clairement identifié depuis longtemps pour le lac Kivu, dont les profondeurs contiennent beaucoup de méthane.

L'évacuation s'est faite sur trois axes routiers: la route de Sake, la frontière rwandaise, et la route du nord-est, vers Rutshuru, réhabilitée dans l'urgence ces dernières 48 heures après avoir été coupée par la lave.

"Sake est saturé et nous avons un problème d'eau", a prévenu dans l'après-midi le gouverneur, conseillant de prendre la route du Nord, où "il y a un bon espace, de l'eau et des hôpitaux".

La police et l'armée ont été déployées pour sécuriser Goma et ses environs, selon le gouvernement, qui affirme qu'un "dispositif d'accompagnement" a été instauré "pour orienter les déplacés vers des lieux plus sécurisés".

Parmi les dizaines de milliers de personnes en fuite, beaucoup se plaignaient cependant de l'absence complète de ces moyens.

"On ne voit pas ces moyens pour quitter Goma, il y a trop d'embouteillages, les prix des taxis-moto explosent", a déploré une autre fuyarde, Agnès Kahindo, sur la route de Sake. Le litre de carburant a triplé en quelques heures.

Au port de Goma, c'était également la cohue. La foule s'est pressée dès l'aube pour embarquer en direction de Bukavu, dans le sud du Kivu, avant que les autorités n'interdisent la navigation sur le lac pour éviter tout chavirage.

Goma compte plus de 600.000 habitants, pour une agglomération de deux millions de personnes. A ce jour, le bilan est de 32 morts depuis l'éruption.

La précédente éruption majeure du Nyiragongo, le 17 janvier 2002, avait fait une centaine de morts.

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