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Western Union ferme à Cuba... les avions de Miami prennent le relais

La fermeture, depuis lundi, des bureaux de Western Union à Cuba est certes une mauvaise nouvelle pour les habitants de l'île, mais ils misent sur les voyageurs en provenance de Miami pour amener dans leurs valises les précieux dollars et autres marchandises.

Heureuse coïncidence: huit jours avant le départ annoncé du groupe américain de transfert d'argent, l'aéroport de La Havane, fermé depuis fin mars en raison de la pandémie, a rouvert ses portes aux vols commerciaux.

L'occasion de réactiver un canal informel destiné à compenser la perte de Western Union, la voie officielle depuis près de 20 ans, qui ferme ses portes sous la menace de sanctions de Washington.

Précieux soutien financier de nombreuses familles, les "remesas" - envois d'argent de Cubains à l'étranger vers leurs proches restés au pays - étaient estimées en 2017 par l'économiste Carlos Mesa-Lago à 3,5 milliards de dollars par an... soit plus que le tourisme.

Que ces billets puissent se glisser dans les valises des voyageurs, "c'est une aide pour la famille, et encore plus avec ces mesures" contre Western Union, confie à l'AFP Ernesto Pérez, 42 ans, tout juste arrivé de Miami pour voir ses parents.

Evidemment, dans ce pays sous gouvernement communiste et embargo américain depuis six décennies, personne n'avoue participer à ce canal informel, surtout quand la télévision cubaine dénonce chaque soir des cas de Cubains trafiquant sur le marché noir et emprisonnés.

Mais il est quand même toléré car la pandémie a accentué les pénuries sur l'île: certains magasins ne vendent plus que de l'eau, du rhum et du miel.

- Les marchandises aussi -

"Il n'y a pas seulement de l'argent: de nombreuses marchandises arrivent à travers l'aéroport", souligne Ricardo Torres, du Centre d'études de l'économie cubaine.

"Ce qui disparaît maintenant avec Western Union, c'est un canal, mais il y a en a d'autres et je suis sûr que des deux côtés du détroit (de Floride), beaucoup se préparent déjà à poursuivre ce flux", ajoute-t-il.

La bonne nouvelle, outre la reprise des vols, est donc la levée de la limite de deux bagages de 32 kilos par personne, fixée durant la pandémie. Les voyageurs en provenance de Miami sont facilement reconnaissables à l'aéroport de La Havane: ce sont eux qui transportent le plus de valises.

Ney Ascon, 53 ans, est soulagé. "Ces derniers temps nous avons travaillé avec quasiment rien", raconte ce réparateur d'électroménager du quartier La Vibora. Grâce aux vols, "il y a quelques pièces qu'on n'a pas ici mais qu'il y a là-bas, on peut te les envoyer".

Alors que les magasins d'Etat affichent des rayons à moitié vides, des petits stands ont fleuri dans les rues de La Havane en octobre et novembre, proposant du dentifrice, de la lingerie, du café de Miami...

Comment ces produits sont-ils arrivés là? Une partie, certainement dans les bagages d'un des 5.000 Cubains rapatriés de l'étranger durant la pandémie.

- Magasins en devises -

Pour beaucoup de Cubains, la victoire de Joe Biden à l'élection américaine est une promesse de meilleur avenir, car il a annoncé qu'il rétablirait les "remesas".

Mais d'ici là, l'envoi d'argent vers l'île se fera via "des passagers individuels qui servent de mules pour emmener à bord des devises américaines pour leurs proches", explique à l'AFP John Kavulich, président du Conseil commercial et économique américano-cubain.

Il souligne que chaque jour, 12 vols ont lieu entre les Etats-Unis et Cuba, soit environ 1.800 voyageurs au total. Chacun peut transporter légalement 5.000 dollars vers l'île.

Et depuis un an les dollars sont encore plus bienvenus à Cuba, car le gouvernement, en manque cruel de devises, a ouvert un réseau de magasins où l'on ne peut payer qu'en monnaie étrangère.

Cela a dopé le dollar sur le marché noir, où sa valeur a grimpé de 50% par rapport à la monnaie locale.

Finalement, la fermeture de Western Union n'est peut-être pas une mauvaise chose, remarque Ricardo Torres: "dans un sens, cela va même être mieux, car Western Union remet l'argent en CUC (la monnaie locale, ndlr), et désormais certains biens et services ne sont vendus qu'en devises, donc ce qu'il faut, ce sont des dollars".

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