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Zuckerberg au Congrès: des excuses, des promesses mais pas de révolution

Pendant dix heures d'auditions mardi et mercredi, Mark Zuckerberg a défendu vigoureusement Facebook et refusé de remettre en cause le modèle économique du réseau social, renvoyant ainsi la balle aux parlementaires qui souhaiteraient imposer une forme de régulation du secteur, que lui-même juge "inévitable".

Costume et cravate sombres, les yeux rougis par la fatigue, le PDG de Facebook est passé mercredi sur le grill d'une commission parlementaire à la Chambre des représentants qui l'ont assailli de questions. Il a tenté, comme la veille au Sénat, de déminer le terrain après des semaines de critiques violentes.

Au menu essentiellement: la lutte contre la manipulation politique et la protection des données personnelles des utilisateurs après le retentissant scandale Cambridge Analytica, du nom de la firme britannique qui a mis la main à leur insu sur les données personnelles de dizaines de millions d'utilisateurs.

Comme il l'avait déjà fait à plusieurs reprises, Mark Zuckerberg, prudent, a fait amende honorable pour les "erreurs" passées, et a écouté sans broncher les remontrances des parlementaires lui demandant des comptes et menaçant de réguler internet et les réseaux sociaux. Il ne s'est pas montré hostile sur le principe, tout en prenant soin d'élargir la problématique au-delà de Facebook.

"L'importance d'internet grandit dans le monde et je pense inévitable une certaine forme de régulation", a-t-il dit, tout en affirmant que celle-ci devait être "étudiée attentivement" pour ne pas entraver les petites sociétés.

Il s'est aussi montré fataliste, prévenant que "même 20.000 personnes" ne peuvent pas regarder tous les contenus sur le réseau pour les filtrer. C'est pour lui une façon de signifier que Facebook fait son maximum mais que la balle est désormais dans le camp des législateurs.

Le représentant Frank Pallone, entre autres, a appelé le Congrès à "prendre des mesures immédiates pour protéger notre démocratie". "Les avertissements étaient partout, pourquoi personne ne les a vus?", a-t-il demandé.

- "Frankenstein et Peter Pan" -

"Ces auditions sont une étape importante pour l'avenir des réseaux sociaux. C'est une première étape vers l'écriture d'une réglementation indispensable", estime Jennifer Grygiel, spécialiste du sujet à l'université américaine de Syracuse. Mais pour l'association de consommateurs Consumer Watchdog, l'exercice n'était guère motivé que par un problème de "relations publiques".

Pendant les deux auditions, Mark Zuckerberg a expliqué inlassablement comment fonctionnait le réseau social et affirmé que Facebook "ne vend pas de données" aux annonceurs publicitaires. Il a aussi défendu bec et ongles le modèle économique de son réseau social, qu'il juge "sûr" et qui ne constitue en rien un "monopole" malgré ses plus de deux milliards d'utilisateurs.

Au point parfois de refuser de répondre directement aux questions, comme le lui ont reproché plusieurs élus. A une représentante qui lui demandait s'il était prêt à changer le modèle économique de Facebook, actuellement gratuit car financé par la publicité, "dans l'intérêt de la protection de la vie privée", il a répondu : "je ne suis pas sûr de ce que cela veut dire".

Il a aussi laissé des questions sans réponse claire, notamment sur le fait de savoir pourquoi il n'avait pas alerté dès 2015 sur Cambridge Analytica. "Nous aurions dû le faire, c'était une erreur", a-t-il dit.

De fait, l'échange entre les parlementaires et le jeune dirigeant a parfois tourné au dialogue de sourds, tant certains élus, en particulier au Sénat mardi, semblaient mal maîtriser les enjeux technologiques et économiques du débat.

"Personne ne pourra réglementer efficacement Facebook tant que les législateurs n'auront pas une connaissance juste de comment il fonctionne", a commenté Danna Young, enseignante en communication à l'université du Delaware.

Quant à M. Zuckerberg, "il est atteint à la fois des syndromes Frankenstein et Peter Pan. Il est dépassé par sa création et fait dans le même temps preuve d'une naïveté, vraie ou fausse qui interroge", résume Olivier Ertzscheid, chercheur en sciences de l'information à l'université française de Nantes.

M. Zuckerberg a aussi pris soin de ménager la Commission européenne en qualifiant "d'étapes positives" le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui entre en vigueur le 25 mai. Ce qui lui a valu les remerciements ironiques de Vera Jourova, la commissaire européenne à la Justice et à la Protection des consommateurs: "Je cherchais comment faire campagne pour notre règlement sur la protection des données. Voilà, c'est fait".

En revanche, la prestation de M. Zuckerberg a semblé satisfaire les investisseurs: l'action Facebook a repris des couleurs mardi et mercredi en Bourse après avoir beaucoup dégringolé depuis la mi-mars.

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