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Christelle a survécu à l'attentat de Maelbeek: "Face à l'innommable, j'ai été le témoin d'une réelle fraternité"

Christelle était dans la rame de métro touchée par l'attentat du 22 mars dans la station de Maelbeek. Elle a pris la parole lors de la cérémonie commémorative de ce mercredi matin, là où a eu lieu la seconde attaque, qui avait également fait 16 morts. Voici son témoignage:

"Il y a un an, je vivais l'horreur en ce lieu-même. Depuis, passe dans ma tête un flot incessant de questionnements. A ceux-ci s'est rajouté celui de ma légitimité à prendre la parole aujourd'hui, devant vous. Vous,  tout aussi irrémédiablement victimes, parfois plus fragilisés, meurtris, endeuillés. J'ai si souvent pensé à vous cette année. C'est un vacarme de questions mais aussi d'émotions qui assourdissent des nuits entières. Ces nuits glaçantes, qui soudainement dans une symphonie stridente nous renvoie à la solitude: celle de faire face à la mort, vos angoisses, errer dans les dédales du traumatisme. Hurler intérieurement la peur mais aussi la vie. Il y a un an, quelques minutes après l'explosion sur le trottoir, quelqu'un m'a dit: "Aujourd'hui, c'est le premier jour de ta nouvelle vie". Cette phrase qui a d'abord raisonner en moi comme une totale injustice, s'est ensuite révélée comme une vérité que j'ai du mal à accepter. Oui, nos vies ont changé en tant qu'humains, en tant que citoyens. Apprendre à vivre avec la menace.

Sartre a écrit: l'important n'est pas ce que l'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce que l'on fait de nous. Je serre cette phrase au creux de ma main. C'est arrivé. La volonté d'une explosion qui emporte des vies, des rêves, brise des chemins, des êtres, des familles. L'impression d'être piégé dans une réalité qui ne nous appartient pas. Et pourtant se relever, même si parfois on ne parvient pas toujours à se raccrocher à la vie qui file à toute vitesse. Panser ses blessures, chasser ses angoisses, sortir de la solitude et se remettre en chemin. Avancer malgré les craintes, les appréhensions, l'horreur des images qui reviennent en boucle dans la tête. La terreur qui nous colle partout et aller vers les vibrations, les couleurs, la diversité, l'humanité, car l'humain était au rendez-vous ce jour-là et ceux qui ont suivi. Dans une splendeur de gestes, tous plus rassurants, touchants, lumineux, l'humain s'est rassemblé pour aider, donner, soigner, écouter et réconforter. La douceur d'une main qui vous caresse. La profondeur d'une accolade, l'apaisement d'un message, la puissance d'un regard qui sait.

Je l'ai écrit sur le grand tableau encore blanc à la réouverture de la station: "Face à l'innommable, j'ai été le témoin d'une réelle fraternité". Tous égaux face à ce fracas d'absurdité. J'ai eu la chance depuis un an de voir des milliers de citoyens se réunir autour d'une même pensée. Le chemin semble moins escarpé quand il est partagé, autant par l'amour et la présence à toutes épreuves, de mon mari, de ma famille, de mon entourage, que par les témoignages de soutien d'inconnus.


Par les nombreuses rencontres que j'ai faites depuis, toutes empreintes de vérité et de beauté. Ces personnes qui m'ont permises d'accepter ma place, mes blessures irréversibles, ma fragilité, ma vulnérabilité. Elles sont devenues des proches, des amies avec qui nous échangeons si souvent du réconfort, des sourires, des rires, un peu d'énergie, beaucoup d'optimisme.


Aujourd'hui je souhaite à chacun d'entre nous tout le courage nécessaire pour affronter cette date symbolique, toute la force pour continuer à mener ce combat qui certes, ne dure pas un jour, ne dure pas un an. Ce combat qui continuera encore à nous réunir aujourd'hui et nous permet d'entrevoir un avenir solidaire".

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