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Les avocats de Sofien Ayari: Salah Abdeslam et leur client ne voulaient pas mourir en martyr

La matinée de jeudi, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, a été marquée par la plaidoirie des avocats de Sofien Ayari. Pour eux, leur client et Salah Abdeslam ne voulaient pas mourir en martyr ou faire un carnage après avoir quitté la rue du Dries, ils voulaient fuir. L'après-midi s'ouvrira avec la plaidoirie de Sven Mary, conseil de Salah Abdeslam.

La journée au palais de justice a commencé jeudi de manière plus calme que lundi, les médias étant nettement moins nombreux pour ce deuxième et probablement dernier jour du procès de Salah Abdeslam et Sofien Ayari. Tous deux sont poursuivis pour tentatives d'assassinats sur des policiers et possession d'armes prohibées dans un contexte terroriste.

Dès le début de l'audience, Sven Mary a confirmé qu'il représenterait bien son client malgré l'absence de celui-ci.

Les avocats des dernières parties civiles ont ensuite eu la parole. Me Laeila Toomi, qui représente un policier intervenu sur les lieux, a souligné que son client avait "vu la mort défiler devant ses yeux". Cette victime souffre encore de troubles mentaux, d'anxiété, de stress post-traumatique et subit une incapacité de 5 à 8%.


Fin de carrière d'un policier des unités spéciales provoquée par l'affrontement de la rue de Dries

Me Tom Bauwens, conseil de deux agents des unités spéciales, a insisté sur le caractère exceptionnel de leur démarche. "C'est la première fois que des agents des unités spéciales se constituent partie civile, c'est leur métier de se faire tirer dessus." L'un d'eux, qui était en première ligne tant à Forest qu'à Verviers en janvier 2015, a subi une incapacité permanente de plus de 55%, ce qui a provoqué la fin d'une carrière longue de 22 ans. L'avocat s'est aussi dit "fatigué" par l'attitude des prévenus, et plus particulièrement par celle de Salah Abdeslam. "Je suis content qu'il soit resté dans son lit", a-t-il ajouté en référence au fait que ce dernier ait décidé de ne pas se présenter à l'audience de jeudi.


Salah Abdeslam et Sofien Ayari? "Musulmans quand ça les arrange"

Me Bauwens a fustigé "l'opportunisme" des suspects, qui sont "musulmans quand ça les arrange, djihadistes quand ça les arrange". Salah Abdeslam "insulte notre Etat de droit, il ne reconnait pas le tribunal, mais il construit une défense basée sur cet Etat de droit", a déploré l'avocat. "Il se fait par moments porte-parole du monde musulman alors que c'est précisément ce monde qu'il est en train de heurter."

Sa consœur Valérie Lefèvre a souligné que le rôle de Sofien Ayari était selon elle plus important qu'il ne voulait l'admettre. "Son système de défense, qui consiste à ne pas se souvenir, est aussi lâche que les actes qu'il a commis et que le groupe auquel il appartient. Les membres du groupe auquel Sofien Ayari prend part lorsqu'il arrive en Belgique ne sont pas des bons samaritains. Et les objectifs de ce groupe étaient très clairs dès le début: se battre en première ligne et terroriser le peuple mécréant."

"Egalement, dans certaines des caches où Sofien Ayari a séjourné, à Auvelais, Charleroi, Laeken... Des explosifs étaient entreposés, ce qu'il ne pouvait ignorer. Même si le 15 mars 2016, tout s'est passé dans la précipitation, le projet criminel était arrêté de longue date et même bien réfléchi", a-t-elle plaidé.

Après une interruption, la parole a été donnée aux avocats de Sofien Ayari.


La défense de Sofien Ayari: avez-vous entendu une autre arme que celle de Mohamed Belkaïd?

Me Laura Séverin a d'abord fait remarquer qu'aucun policier n'avait entendu deux armes lors de l'échange de tirs. Les agents ont vu "un homme avec une arme", en l'occurrence Mohamed Belkaïd, ressort-il de leurs procès-verbaux d'audition. "Il n'est jamais relevé que les policiers ont entendu deux armes, alors que ceux-ci sont chevronnés" et s'y connaissent très bien en la matière. "Je ne vois que lui", a rapporté un agent lors de son audition, précisant que le tireur ne faisait pas partie des suspects connus, a rappelé l'avocate.

Son confrère Me Isa Gultaslar a lui commencé par égrener différents scénarios qui auraient pu se produire si la volonté des prévenus avait réellement été de faire un maximum de victimes.


La défense de Sofien Ayari: ils auraient pu faire un carnage sur les terrasses, ils ne l'ont pas fait

L'appartement de la rue du Dries, au premier étage, n'était pas très haut, a-t-il indiqué. Un prévenu aurait dès lors pu tirer sur les policiers pendant que l'autre se postait à la fenêtre pour les exécuter à leur sortie de l'immeuble. Sofien Ayari connaissait le quartier densément peuplé de la place Saint-Denis puisqu'il y faisait des courses, il aurait donc pu décider d'aller faire un carnage dans un supermarché ou sur les terrasses. Les prévenus auraient pu mitrailler des gens dans la rue, a encore noté l'avocat.

Me Gultaslar souligne aussi que contrairement aux craintes des policiers, les prévenus n'ont pas pris d'otage alors qu'ils ont croisé une jeune femme dans la maison qu'ils ont traversée pour rejoindre la rue de l'Eau, où ils ont abandonné leur arme.


La défense de Sofien Ayari: "Ils ne voulaient pas mourir mais fuir"

Le conseil de Sofien Ayari estime également que, puisqu'ils n'avaient pas d'arme lorsqu'ils ont été appréhendés trois jours plus tard à Molenbeek-Saint-Jean, chez le cousin de Salah Abdeslam, ils n'avaient pas l'intention de mourir. "Si le but était de rechercher le plus d'éclat possible, comme le soutient le parquet fédéral, et bien le dossier démontre le contraire. Ils ne voulaient pas mourir, mais fuir", a-t-il exposé L'avocat a encore rappelé que le tribunal devait se montrer rationnel. "Je ne suis pas dupe des attentats qui ont été commis à Paris et à Bruxelles, mais ici on parle de la fusillade" de la rue du Dries, a-t-il insisté.


La défense de Sofien Ayari: "L'émotion prend parfois le pas, mais la justice doit être rationnelle"

Me Gusaltar estime que la guerre contre le terrorisme "normalise" les mesures d'exception et "modifie" le droit pénal. "Tout devient dérogatoire, mais ce qu'on attend du tribunal, ce n'est pas une réflexion dérogatoire, c'est la norme et non pas le 'hors norme'", a-t-il précisé en référence à une expression qui a été régulièrement utilisée depuis le début du procès. "Qu'il y ait chez les parties civiles de l'émotion, de l'incompréhension, de la colère, c'est légitime. Mais la justice, c'est la mesure et surtout la raison. Ce ne sont pas des théories de l'exception. En ces temps troublés, l'émotion prend parfois le pas, mais la justice doit être rationnelle."

Le conseil de Sofien Ayari a aussi estimé que les 300 journalistes accrédités pour le procès témoignaient "non pas d'une pression médiatique, mais d'une oppression médiatique" qui confine selon lui à la "pornographie".

L'avocat a enfin rapporté que son client avait exprimé des regrets lors d'une audition devant la juge d'instruction. Il a précisé qu'il allait essayer de "faire des choses en prison". "J'ai pu prendre du recul, apprendre des fautes que j'ai commises dans le passé", avait-il déclaré.

L'audience, suspendue peu après midi, reprendra à 13h30.

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