Accueil Actu

La réforme de collecte des poubelles à Bruxelles satisfait la population MAIS PAS les éboueurs: bientôt la grève?

Depuis le mois de janvier, les agents de Bruxelles Propreté ont dû s’adapter à la réforme de la collecte des déchets. Si celle-ci semble appréciée par la population, il n'en va pas de même pour eux. La nouvelle organisation des tournées de ramassage rallonge leurs parcours et accroit les charges, entraînant davantage de fatigue. En outre, elle compliquerait la prise de jours de congé. Après l'échec d'une rencontre avec la secrétaire d'Etat Fadila Laanan, vendredi dernier, le front commun syndical compte entreprendre des actions qui pourraient aller jusqu'à la grève.

Entrée en vigueur le 2 janvier après deux ans de négociations, la réforme de la collecte des déchets en région bruxelloise a été initiée par la secrétaire d’Etat à la Propreté publique, Fadila Laanan. L'objectif: simplifier la vie des Bruxellois en répondant "à une série de déficiences du système de collecte précédent".

La réforme a entrainé les modifications suivantes:

- Les sacs jaunes et les bleus, auparavant ramassés tous les 15 jours, sont désormais retirés chaque semaine. Pour les sacs blancs pas de changement, la fréquence reste fixée à deux passages hebdomadaires.

- Les déchets verts, habituellement retirés le dimanche, sont désormais récupérés le même jour que le nouveau sac orange, en semaine. Destiné aux déchets organiques, ce dernier, d'un volume de 30 litres maximum, permet de mieux trier et recycler les déchets, mais n’est pas obligatoire pour les citoyens.

- La collecte nocturne, qui forçait les habitants à sortir leurs poubelles avant 18 heures, a été supprimée.

- La première tournée démarre maintenant à 5h30 au lieu de 6h30, et enchaîne sur les tournées de 6h puis 6h30. But recherché: éviter d’engorger le trafic, en faisant passer les camions poubelles à des heures moins fréquentées.

Chaque matin, ce sont 90 camions qui sortent pour les collectes en porte à porte, suivis d’une cinquantaine en après-midi.


Une évaluation de la réforme d’ici le printemps

Outre celui des habitants, la réforme devait aussi améliorer le quotidien des ouvriers de Bruxelles Propreté.

La pénibilité du travail était concernée avec une meilleure répartition des charges (par "charges", on entend le poids total des sacs soulevés et jetés dans le camion par les agents). Les sacs bleus, plutôt légers, sont désormais ramassés en début de semaine, en même temps que les sacs blancs, censés peser plus lourd, en vue de compenser les charges.

La secrétaire d’Etat affirmait également au média DH.be, en janvier dernier, vouloir "plus d’égalité entre les travailleurs". "Avant la réforme, ceux qui faisaient les collectes d'ordures ménagères ne faisaient que ça et il y avait du personnel pour le sélectif", exposait-elle.

Le nouveau système devait être évalué avant le printemps et la secrétaire d'Etat assurait que la concertation avec les syndicats restait ouverte.

Mais les changements n’ont jamais été les bienvenus chez les agents de Bruxelles Propreté. Fin 2016, donc peu de temps avant l'entrée en application, 93% des agents concernés par la réforme exprimaient leur opposition lors d’un vote organisé par les syndicats sur les différents sites de Bruxelles Propreté.

Deux mois plus tard, ils grondent toujours. Leur travail serait devenu plus pénible, avec des tournées rallongées et des charges plus lourdes.


Trajets plus longs, charges plus lourdes: "On a plus de travail que prévu"

Selon les syndicats, la distance parcourue à pieds par les agents pour ramasser puis charger les sacs est plus longue qu’annoncée. Un constat qu’un agent désirant rester anonyme et que nous appellerons Nicolas, confirme: "On fait plus de trajets, les parcours kilométriques sont exagérés. Pour les samedis, on en fait un sur trois au lieu de un sur six. Depuis que la nouvelle réforme est entrée en vigueur on sent vraiment la fatigue, on a plus de travail que prévu", assure-t-il.

"On a des agents qui n’arrêtent pas de marcher, qui n’arrêtent pas de travailler. La fatigue et les courbatures sont en train de s’installer..." renchérit David Van Leirsberghe, le président de la section Bruxelles Propreté du syndicat CGSP.

Au niveau des charges, aussi bien l'éboueur anonyme Nicolas que le permanent du syndicat SLFP secteur public, Michel Piersoul, déplorent qu'elles sont plus élevées qu'annoncées. "On nous avait promis 4,5 tonnes par camion alors qu’on finit avec 6 tonnes par charge, et ça trois fois par jour", dénonce Nicolas. "On est au-dessus des 4 à 4,5 tonnes par charge prévues au départ" confirme le syndicaliste.

Le directeur de Bruxelles-Propreté ne conteste pas la surcharge mais seulement sur certains camions: "On a constaté qu’il y a 4 ou 5 tournées qui dépassent les 5 tonnes maximales par camion, de 100, 200 ou 300kg, donc on a décidé de mettre un camion supplémentaire dans le secteur problématique les mardis, pour aller chercher les surcharges."

Par ailleurs, le permanent du syndicat SLFP pointe du doigt l'absence de communication de chiffres. "Depuis le début de la réforme on ne reçoit plus les poids réels, pesés juste avant de passer les déchets au four. Nous avons pourtant un accord pour que ces données soient transmises aux syndicats chaque mois. On ne nous donne plus que les données statistiques, qui ne sont qu’une moyenne et qui ne comprennent pas les camions doubleurs" accuse-t-il.


Suppression des tournées nocturnes: la vie sociale de certains agents bouleversée?

Les syndicats ne digèrent pas la disparition des tournées nocturnes qui impose à des agents de revoir leur organisation familiale. "Les nocturnes supprimées, ça modifie la vie sociale des agents, qui avaient arrangé leur vie familiale en fonction. On avait des volontaires pour ces tranches horaires, où était le problème ?" s’interroge Michel Piersoul, permanent du syndicat SLFP secteur public.

Un remaniement du calendrier sur lequel Mme Laanan ne compte pas revenir pour autant, comme elle l’a affirmée lors d’une rencontre entre syndicats et direction, vendredi dernier. Ces tournées nocturnes étaient en effet inadaptées à la vie des habitants. Plus de 85% des citoyens dont les déchets devaient être collectés le soir sortaient leurs sacs... le matin, avance Vincent Jumeau, le directeur général de l’agence.


Plus de tournées de ramassage: des agents ne peuvent plus prendre des congés souhaités

Le mercredi, les tournées sont plus longues, et les charges plus lourdes. Des camions supplémentaires ont donc été déployés pour alléger les tournées. Chacun nécessite trois ouvriers et un chauffeur. Davantage d'agents sont donc mobilisés. Conséquence : certains ont des difficultés à prendre des congés, selon le syndicat SLFP. "De moins en moins de congés peuvent être donnés parce qu’on tient tout le monde en place pour faire le rattrapage, c’est-à-dire enlever ce qui n’a pas été ramassé le matin, avec des hommes en plus" explique Michel Piersoul.

"La difficulté à laquelle on est surtout confrontés c’est de donner congés aux chauffeurs, on est très courts à ce niveau-là. Avec les ouvriers aussi on a des difficultés, et comme aujourd’hui on a un problème avec le mercredi, qui est le jour le plus chargé de la semaine, on ne sait pas leur donner congé toute la semaine" reconnait Vincent Jumeau, le directeur.


Bruxelles-Propreté a engagé 50 intérimaires dont 40 vont décrocher un CDD

Du coup, Bruxelles Propreté embauche plus que prévu. Près de 50 intérimaires sont présents tous les mercredis depuis janvier. Parmi ceux-ci, 40 vont recevoir un contrat CDD d’ici mi-avril, date à partir de laquelle ils travailleront tous les jours de la semaine. Des contrats pérennes, qui devraient à terme déboucher sur des CDI, s'enorgueillit Vincent Jumeau.

"Au-delà de ces 40 postes, au moins 12 postes supplémentaires ont été décidés vendredi afin de donner un maximum de congés et un peu de confort dans les secteurs" ajoute le directeur de l’agence.

Cette proposition d’embauches supplémentaires exposée vendredi aux syndicats dans le cabinet de la secrétaire d’Etat ne les a cependant pas séduits. Dans la plupart des secteurs, les vestiaires sont déjà saturés, affirme Michel Piersoul: "Dans certains secteurs ces gens doivent se déshabiller dans les corridors parce que les vestiaires sont blindés", dit le syndicaliste.


La secrétaire d'Etat ne veut pas revenir sur sa réforme, les syndicats grondent

Lors de cette réunion de deux heures, Mme Laanan a également proposé d’investir dans davantage de véhicules. Mais elle reste ferme sur le calendrier des collectes qui convient bien à une population bruxelloise dont les retours sont positifs: "Il n’est pas question, en tout cas à ce stade, de modification de la réforme", nous a dit son porte-parole. Mais cette inflexibilité n'a pas plu aux syndicats. "On a assisté à une conférence de presse, tout était déjà écrit" reproche Michel Piersoul. "On a l’impression qu’on tourne en rond, on entend les mêmes choses depuis deux ans. On nous a uniquement donné une information, ce n’était pas une concertation ni une négociation" a ajouté David Van Leirsberghe.

Le front commun syndical a décidé d’entreprendre des actions "incessamment sous peu" a annoncé le président de section de la CGSP, qui parle "d’actions (en front commun syndical, ndlr) pouvant mener à la grève ou de grève pouvant être suivie d’actions", ceci malgré l’annonce d’une nouvelle rencontre dans le cabinet de la secrétaire d’Etat le 27 mars prochain.

À la une