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Charleroi: une enseignante autorisée à donner cours voilée

L’enseignante qui avait été interdite de porter le voile pendant ses cours de mathématiques vient d’obtenir gain de cause ce jeudi devant la cour d'appel de Mons. Marie-Dominique Simonet, ministre de l'enseignement, s'y est opposée.

En septembre dernier, une enseignante de mathématiques dans 3 établissements scolaires communaux de Charleroi s’était vue interdire de porter le voile en classe. Elle avait entamé sa carrière en 2007, sans que le voile ne pose problème. En novembre, le collège communal avait confirmé cette interdiction. L'enseignante avait alors introduit une procédure en référé mais là aussi, elle n’a pas eu gain de cause : le tribunal des référés de Charleroi avait rendu en décembre une ordonnance donnant raison à la Ville de Charleroi.

Le tribunal des référés avait à l’époque longuement motivé sa décision, expliquant par exemple que les directeurs d'école disposaient de l'autorité nécessaire pour décider de cette interdiction, que plusieurs articles d'un décret stipulent que l'enseignante est tenue de respecter la neutralité et que si elle avait pu porter le voile jusqu’ici, c’était dû à du « laxisme ». "On ne peut nullement considérer la décision prise par les autorités communales comme une forme de discrimination ou une atteinte à la liberté religieuse de l'enseignante", avait conclut le tribunal.

L’enseignante et son avocat, Jean-Claude Derzelle, avaient alors fait appel de cette décision. Ils viennent d’obtenir gain de cause ce jeudi. Joint par Philippe Callet pour Bel RTL, Me Derzelle a expliqué en détail la décision de la cour d'appel de Mons. Celle-ci annule la précédente décision du tribunal des référés de Charleroi.

Liberté d'opinion, donc d'afficher sa religion

"La cours d’appel a pris le contrepied de la motivation du tribunal des référés. Elle a considéré qu’il fallait rappeler que les assises de notre démocratie, c’est la liberté de manifester son opinion, sa pensée … et donc de manifester sa religion. C’est une liberté garantie par l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme", explique-t-il.

Pas d'endoctrinement, donc le droit de porter le voile

"A partir de là, il peut y avoir des restrictions mais à condition que ce soit dans des textes législatifs clairs et précis. Et la cours d’appel dit que le décret sur la neutralité évoqué par la ville de Charleroi et qui s’applique à l’enseignement subventionné n’interdit pas l’affichage d’un symbole religieux. Il interdit aux enseignants d’avoir des propos ou des attitudes partisans. Mais la cour rappelle qu’il faut interpréter ce texte en fonction de la liberté fondamentale d’afficher sa religion. Par conséquent, si ce n’est pas une attitude prosélyte, d’endoctrinement, on peut afficher sa croyance religieuse, qu’il s’agisse d’un foulard, d’une kippa ou d’une croix", a poursuivi Me Derzelle, précisant "Le prosélytisme, c’est défini comme un zèle ardent pour recruter des adeptes et tenter d’imposer ses idées. Le fait d’afficher sa conviction religieuse, ce n’est pas ça."

L'avocat a rappelé, concernant de possible soupçons de prosélytisme de sa client, qu'elle "était très discrète", qu'elle "ne parlait jamais de sa religion" et qu'"aucun parent d’élève ne s’est jamais plaint".

Les écoles obligées de réintéger l'enseignante

"La cour d’appel condamne la ville de Charleroi à reprendre dans les 10 jours de la signification de l’arrêt ma cliente, et à l’autoriser à enseigner à nouveau ses cours de mathématiques en portant le foulard islamique. (...) La cour d’appel a rappelé que les directeurs ne peuvent pas l’interdire.", a par ailleurs précisé l'avocat, ajoutant que "la ville peut envisager d’aller en cassation mais cela ne serait pas suspensif."


Le dossier sera cependant évoqué au fond devant le tribunal civil, en décembre prochain, et un recours visant à casser la décision du collège communal est toujours pendant devant le Conseil d'Etat.

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