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Destins brisés par les inondations: Christiane, Marcel et Doriane nous dévoilent leur quotidien depuis le drame

Plus d’une semaine après les inondations, nous avons voulu savoir comment vivent les sinistrés. A quoi ressemble leur quotidien? Pendant deux jours, l'une de nos équipes est restée aux côtés de plusieurs familles de Pepinster, l'une des communes les plus touchées. Nous avons partagé leurs inquiétudes, leurs souffrances et parfois leurs colères.

Dix jours se sont écoulés depuis les inondations. A Pepinster, les habitants sont toujours au travail, soutenus par la présence de nombreux bénévoles. Christiane revient chaque jour dans sa maison.

Elle a quasiment tout perdu, mais elle a conservé son humour. Et pourtant la famille est meurtrie. Sa maman de 89 ans a été emportée par le courant. Aujourd’hui, Christiane n’a pas d’appétit. "Je n'ai pas faim", dit-elle à des personnes venues lui apporter de la nourriture. Elle cherche plutôt des fleurs pour les funérailles de sa maman qui auront lieu la semaine prochaine. Mais cette Pepinoise n’est pas du genre à se laisser abattre. Ca fait 48 ans qu’elle habite ici à Pepinster sur le quai. Le soir des pluies, ni la voisine ni personne ne serait parvenu à la déloger.

"Elle m'a fermé la porte. J'ai dit 'Viens avec moi' elle m'a dit non et elle a fermé la porte. Je me suis dit que c'était une non-assistance à personne en danger", se souvient une voisine. "Si je ne la retrouvais pas, j'aurai fait une crise directement."

 Même des raclettes, il y en avait plus

Les foyers sont toujours privés d’électricité. Daniel, son épouse Doriane et leurs deux enfants ont dû investir dans un groupe électrogène. "J'ai dû aller jusque Malmedy. Dans des situations comme ça, même des bottes en caoutchouc on n'en trouvait plus. Même des raclettes, il y en avait plus."

L’eau a envahi le sous-sol et le rez-de-chaussée et depuis quelques jours il constate que la maison est instable. La famille envisage donc de quitter cette maison qu’elle loue depuis 7 mois à peine. "Moi, en tant qu'adulte, je saurai peut-être surmonter cela, mais je ne pense pas que mes enfants le pourront", estime Doriane. L'objectif pour elle est de "revivre ailleurs, dans de bonnes conditions et de redémarrer à zéro."

L'entité de Pepinster compte 9.700 habitants. Au total, ce sont environ 3.000 personnes qui ont été impactées. 40 familles sont à reloger. 

Objectif numéro un: se reloger 

"Ma maison sera détruite de toute les manières. Je ne dis pas que c'est impossible de la refaire mais ça coutera plus cher qu'une neuve. On n'a plus envie de retourner là-bas avec ce qu'on a vécu dedans." Les images de l’effondrement de la maison de Marcel ont fait le tour du monde. 


Sa femme et ses deux enfants préfèrent rester à l’abri des regards. Depuis plus d’une semaine, la famille occupe des chambres d'un hôtel de Liège. "C'est pris en charge par l'assurance avec le petit-déjeuner. On essaie un jour sur deux d'aller manger un petit morceau pour avoir quelque chose de chaud quand-même. On regarde la télé et je recherche un appartement, c'est ça mes occupations. Essayer de retrouver un logement le plus vite possible."

Pas de nouvelle de la commune pour Marcel

Doriane et sa famille se tournent vers le service logement de la commune, mais trouver un appartement ou une maison à long terme dans la région relève de l’impossible. Aurélie Lamalle du CPAS de Pepinster fait savoir: "Nous avons d'autres propositions de logements, mais souvent très loin. Jusqu'à la mer du Nord parfois, à Courtrai, à Stoumont. Pour la plupart des familles, c'est beaucoup trop loin. La rentrée scolaire va reprendre dans un mois et demi, il faut être proche de l'école ou du travail."

Les familles doivent faire preuve de patience et souvent se débrouiller face aux administrations débordées.
"Jusqu'à maintenant, on n'a eu personne. A part des bénévoles qui sont passés la semaine dernière pour apporter des pizzas pour souper. Ni de la commune, ni de personne, pas de nouvelle", lâche Marcel.

C'est ma maison, je ne la laisserai pas 

A la tombée du jour, les bénévoles sont encore présents sur les lieux du drame à Pepinster pour apporter du réconfort autour d’un barbecue géant. De son côté, Christiane a d’autres priorités: protéger sa maison des pillages. Son frère, chez qui elle passe la nuit, est venu lui prêter main forte. Il raconte: "Toutes les nuits, on vient voler. Suffit d'aller voir la police, ils ont déjà tiré sur des gens. Si j'en attrape un, il ne volera plus jamais personne. Je vous le dis." La veille, la police a interpelé une dizaine de voleurs pris en flagrant délit. Elle promet de multiplier les rondes de nuit. Christiane peut dormir sur ses deux oreilles, elle sera là demain et les autres jours. "Je serai là tous les jours. C'est ma maison, je ne la laisserai pas. Jamais."

Au barbecue organisé par les bénévoles, Doriane préfère ce soir l’intimité du foyer familial même s’il n’y a pas grand-chose à manger.

La famille veut quitter rapidement Pepinster. Elle vient de recevoir une proposition de logement pas trop loin à Stembert dans la province de Liège. "L'espoir revient. Les propriétaires sont Allemands. Ce sont nos meilleurs amis qui ont parlé pour nous. C'est trois maisons plus loin que chez eux. Si on pouvait l'avoir, ce serait un véritable cadeau."

Un cadeau du ciel. C’est ce qu’attend Marcel qui poursuit les visites avec sa fille. "Je suis allé voir un appartement hier. Ça ne nous convenait pas. On cherche du long terme. Ce n'est pas pour rester un mois ou deux. On ne veut plus redéménager, ça c'est sûr", informe-t-il.

En visite dans un appartement de trois chambres près de la gare de Verviers, le lieu correspond aux attentes de Marcel. Ca fait plus d’un mois que l'appartement attend d’être loué, mais depuis les inondations l’agence n’a jamais autant sollicité. Marcel est pressé, il veut immédiatement déposer sa candidature. Il a rendez-vous la semaine prochaine avec le propriétaire pour signer le bail. Sa famille pourra donc bientôt quitter l’hôtel. 

Doriane et Daniel visitent leur nouveau logement mercredi.

De son côté, il faudra du temps pour que Christiane puisse de nouveau vivre dans sa maison sur le quai.

Il faudra des mois, voire des années pour que Pepinster, comme toutes les autres communes meurtries, panse ses blessures.

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