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Durbuy interdit son centre-ville aux motards, furieux: "Le boycott de la ville se fera tout seul"

Le bourgmestre de la petite ville touristique wallonne, Philippe Bontemps, a mis en application une décision drastique qui ne plait pas à tout le monde. Il veut rendre le centre-ville plus agréable à vivre en interdisant les motos. Une "discrimination" qui ne passe pas, même si elle est temporaire: Durbuy sera bientôt piétonnière en haute saison.

La plupart des villes belges se battraient pour attirer les touristes, qui font vivre de nombreux commerces durant la belle saison. Mais Durbuy, la "plus petite ville du monde", ne compte que 11.000 habitants, dont seulement 400 environ dans la (petite) vieille ville.

Or, durant les beaux mois, le centre est pris d'assaut par les touristes. Y compris les motards qui, par définition, ont des moteurs relativement bruyants comparés aux voitures. "La place est envahie par une pollution sonore, et par certains motards qui, faute de parking adapté dans le centre, se garent un peu n'importe où, y compris sur les trottoirs, sur le parc, voire même sur les terrasses", nous a expliqué le bourgmestre, Philippe Bontemps. "Je caricature, mais certains étaient prêts à rentrer dans le café en moto" pour être proches de leur véhicule...

"Depuis quelques années, il y a donc une réflexion car le succès touristique de Durbuy attire trop de véhicules dans le centre-ville, qui a perdu son calme", et donc un peu de son charme... Avec "environ 500 motos par jour, et des rampes d'accès vers la Nationale qui nécessitent de garder un certain régime moteur", on peut le comprendre...

Interdiction aux motards de stationner dans le centre... et de circuler

La commune a donc décidé de prendre une mesure drastique: interdire aux motards de stationner dans le centre. Ceux-ci, depuis un arrêté entré en vigueur samedi dernier, sont redirigés vers un parking de délestage à l'entrée de la ville.

"C'est un parking organisé et surveillé qui ne coûte que 3€ par jour, et il y a une consigne gratuite pour déposer les casques. Ensuite, il faut marcher environ 250 mètres à pied pour atteindre la place", a poursuivi le bourgmestre.

Pour ne pas leur donner trop l'envie d'enfreindre cette règle, le centre-ville a été interdit à la circulation des motos, qui doivent le contourner.


"Nous payons la connerie des autres"

Une décision qui révolte une partie du monde de la moto, rassemblant des usagers de la route souvent très solidaires. Certains dénoncent un manque d'équité: "Les voitures prennent trois fois plus de place et sont autorisées, ce n'est pas équitable", peut-on lire sur la page Facebook de la Fédération Belge des Motards en colère (FBMC).

"Nous payons la connerie des autres, qui arrivaient en claquant des rupteurs et partaient en claquant des rupteurs. Ce n'est pas un comportement adéquat (...) quand on doit partager un endroit avec d'autres usagers de la route dans un lieu touristique (...), cela donne une image qui n'est pas forcément la bonne", reconnait cependant Joe Vereecke, porte-parole de la Fédération Belge des Motards en colère (FBMC), dans une vidéo.


© Facebook FBMC

"Ce n'est pas légal"

André Paquay est reporter freelance et auteur de plusieurs ouvrages sur la moto en Belgique. Il connait la législation des deux roues et estime que les interdictions visant les motos à Durbuy ne sont "pas un argument valable: on ne peut interdire la voirie à un certain type d'usagers que s'il y a un danger".

Quant aux nuisances engendrées par les motos à Durbuy, il y a "un arsenal législatif pour y mettre un terme: si une moto est mal garée, un policier peut lui mettre un PV. Si une autre fait trop de bruit, c'est du tapage diurne et avec un sonomètre, on peut dresser un PV également".

Le parking spécial motard n'est, selon lui, pas adapté. "J'ai été le voir, il n'y a de la place que pour 80 motos, et la consigne, c'est une cahute avec quelques étagères. Il est donc impossible d'accueillir toutes les motos qui passaient auparavant et encore moins de stocker le matériel. Et je ne parle pas des 'gardiens' de 17 ans et 19 ans que j'ai vus, que se passera-t-il s'ils griffent un casque à 300€ ?".


Des actions en vue ?

Selon André Paquay, "le boycott de Durbuy se fera tout seul", il est donc inutile de faire des actions. "Quand les motards verront que le centre est interdit à la circulation, et qu'il faut aller se garer loin du centre, ils passeront leur route... Durbuy est un point de rassemblement, mais ça n'est pas Venise, on peut passer sa route et aller plus loin. Il faut comprendre que le motard aime boire son verre en ayant un œil sur sa moto, à cause des vols, du vandalisme".

La FBMC, quant à elle, compte exploiter "la faille administrative" de l'arrêté, et va "mettre en route une procédure pour lever ces interdictions". Cela vaut mieux, selon Joe Vereecke, son porte-parole, qu'une action plus musclée dans le centre: "Certaines personnes n'attendent qu'une chose, un dérapage des motards pour obtenir gain de cause".


L'an prochain, Durbuy sera piétonnière !

Cette interdiction de circuler et de stationner pour les motos dans le centre de Durbuy est donc mal vue par la plupart des motards, mais bien appréciée des autres usagers de la route, des riverains et des commerçants.

"Nous avons travaillé de concert avec certains motards qui comprennent la démarche, et nous ont aidé à imaginer le parking surveillé et avec consigne gratuite pour veste et casque", explique le bourgmestre, Philippe Bontemps.

"J'ai également discuté avec de nombreux commerçants le week-end dernier, et ils partagent notre volonté de rendre le centre moins bruyant et moins envahi de motos mal garées".

"C'est une solution à l'essai durant le mois d'août, et qui sera encore d'application durant les week-ends de septembre. Après, on fera des évaluations".

Et d'ici un an, il l'espère, le bourgmestre "va agrandir les parkings et interdire la circulation à tous les types de véhicule durant la haute saison: il n'y aura que des navettes vers le centre, qui sera piétonnier".

Une idée de plus en plus courante dans les villes, qui cherchent à rendre leur centre historique plus agréable à vivre. Et qui mettrait un terme à la discrimination auto/moto tant décriée par les motards.

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