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"Harcelée par ses voisins, ma maman vit un véritable calvaire depuis plus de 13 ans", déplore Vanessa: que faire face à un conflit de voisinage ?

C’est une situation qui n’est malheureusement pas anodine. Un conflit de voisinage qui perdure et pourrit le quotidien d’une ou plusieurs personnes. Face au désarroi de sa mère "harcelée" par ses voisins, Vanessa lance un appel à l’aide. Que faire pour espérer faire bouger les choses ? Comment retrouver un climat serein ?

Un chien qui aboie toute la journée, une tondeuse à gazon qui rugit le dimanche, une fête bruyante entre amis qui se répète, une dispute récurrente au sujet d’une haie mitoyenne ou de la délimitation d’un terrain. Les sources des conflits de voisinage sont nombreuses. Des situations qui peuvent souvent dégénérer si elles ne sont pas résolues. Et devenir un enfer pour certains.

"Ma maman vit un véritable calvaire, elle habite seule et c’est donc apparemment un prétexte pour s’en prendre à elle", assure Vanessa (prénom d’emprunt) via notre bouton orange Alertez-nous. Sa mère, une habitante d’une ville en région liégeoise, serait engluée dans une querelle de longue durée avec ses voisins.


Dégradations, dépôts d’immondices, insultes 

"Elle est victime de harcèlement à son domicile depuis presque 13 ans. Nous connaissons parfaitement bien les harceleurs, ce sont les voisins et leurs fréquentations masculines du quartier", affirme Vanessa qui évoque notamment des dépôts d’immondices et des dégradations à la clôture du jardin de sa mère. Cette dernière redouterait toute conversation avec ses voisins par crainte de leur réaction "violente". Toujours d’après Vanessa, plusieurs disputes ont déjà éclaté et sa mère aurait été insultée.

"Je suis scandalisée de voir qu’on ne peut même plus se sentir en sécurité chez soi, que lorsque nous avons besoin d’aide il est impossible de se tourner vers quelqu’un. Personne ne bouge, plusieurs plaintes ont été déposées à la police et malgré ça rien ne change", regrette Vanessa.

Le but de cet article n'est pas de démêler le vrai du faux ou d'établir la vérité dans cette histoire particulière mais bien d'exposer les solutions qui se présentent lorsqu'on doit subir, comme la mère de Vanessa, un conflit de voisinage qui parait sans fin.


Que faire ?

Alors, qu’en est-il exactement ? Que faire si vous avez un problème avec vos voisins ? Comment réagir pour espérer retrouver une atmosphère favorable ?

En fonction de la nature de votre situation, plusieurs pistes existent. Tout d’abord, si c’est possible, privilégiez un dialogue direct avec votre voisin qui n’a pas toujours conscience du dérangement qu’il engendre. S’écouter et se comprendre peut permettre d’éviter qu’une gêne ne se transforme en guerre.


La médiation: la "meilleure solution"

Si une conversation constructive vous semble illusoire, vous pouvez faire appel à une tierce personne qui pourra jouer le rôle de médiateur. Dans certaines villes et communes, un service de médiation gratuit a été créé pour aider à résoudre les conflits de voisinage qui ne méritent pas un procès.

C’est le cas notamment à Charleroi où ce service a été mis sur pied il y a 25 ans. Cinq médiateurs professionnels y travaillent avec une formation spécifique. "Les conflits de voisinage, il faut prendre cela très au sérieux parce que cela peut dégénérer très rapidement", souligne Franco Gizzi, chef de projet du plan de cohésion sociale de la ville de Charleroi.

D’après ce spécialiste de la médiation, un conflit de voisinage vient généralement d’un relationnel abîmé ou inexistant qui entraîne souvent des erreurs de langage et de comportement. Une querelle peut aussi être liée à un "problème technico-juridique". "Les gens ne savent pas toujours comment organiser leurs plantations, si une haie leur appartient, etc. Ce sont toutes des matières civiles", souligne Franco Gizzi.

L’intérêt de la médiation est de construire un accord équilibré entre les deux parties ou du moins restaurer le relationnel détérioré. C’est une démarche volontaire. "Cette femme parle de harcèlement. Le terme n’est peut-être pas approprié mais c’est une traduction de ce qu’elle vit. Elle mériterait donc d’être entendue et, si elle le souhaite, nous pourrions prendre rendez-vous chez cette dame à sa meilleure convenance", indique le chef de projet. "Elle parle d’une souffrance issue d’une impasse. En fait, elle ne sait plus comment retrouver les ressources nécessaires pour aborder la situation et du coup elle crie au secours. Et le processus qui va ramener la personne à gérer le problème de manière rationnelle et non émotionnelle, c’est tout un travail qui est confié au médiateur", explique-t-il.

Finalement si vous regardez ce qui a déclenché la querelle, parfois c’est une futilité

La première démarche du médiateur sera d’établir une relation de confiance basée sur la proximité et l’écoute. Il va également analyser le conflit d’une manière objective et tenter de restaurer un espace de dialogue. "Les gens ne l’entrevoient pas dès le départ. Généralement, quand on est en conflit, on n’écoute plus l’autre parler, on construit une image négative de lui, on vampirise le voisin alors que finalement si vous regardez ce qui a déclenché la querelle, parfois c’est une futilité", souligne Franco Gizzi. "J’ai vu des gens qui avaient comme un énorme caillou devant les yeux, ils ne voyaient plus rien car ce caillou avait grossi avec le conflit, mais on peut le casser petit à petit en essayant de relativiser les choses."


Un accompagnement qui peut prendre deux ou trois ans

Pour que la médiation puisse fonctionner, il faut ensuite que les personnes s’engagent dans un pacte de non-agression. "Les gens perdent alors en général l’habitude de poser leurs actes. Ce qui permet de pouvoir se rencontrer et dialoguer dans un cadre plus sain."

Ce processus peut durer un certain temps. "On accompagne les gens le temps nécessaire. Cela peut prendre 2-3 ans. Entre-temps, le conflit est temporisé et on cherche des solutions qui sont parfois compliquées." Certaines tentatives de médiation sont également un échec. D’après Franco Gizzi, le taux de réussite de son service est de 60% par an. "Cela veut dire que le conflit est au moins temporisé et l’escalade arrêtée", précise-t-il.


L’intervention d’un juge de paix: peut-il imposer une décision ?

Quand un accord est trouvé à l’amiable, notamment grâce à une médiation, les deux parties peuvent se présenter devant un juge de paix en conciliation. Cette démarche rapide et gratuite permet de rendre l’accord obligatoire. Le juge est alors en retrait. Il ne prend pas position. "Nous sommes notamment compétents pour toutes les contestations liées aux servitudes et pour les demandes de dommages et intérêts ne dépassant pas 5.000 euros", indique Jules Malaise, juge de paix au 2e canton à Charleroi.  

Par contre, si la conciliation est impossible, vous pouvez entamer une procédure judiciaire. Pour cela, il faut faire appel à un huissier qui va citer les deux parties à comparaître à une audience publique du juge de paix. Dans ce cas, c’est lui qui tranche le litige. "Sur base de la demande du plaignant, nous prenons une décision qui est imposée unilatéralement. Même si l’une des parties n’est pas présente", souligne Géry De Walque, juge de paix au canton de Woluwe-Saint-Pierre à Bruxelles. "On peut par exemple exiger l’éloignement de chiens qui aboient de manière intempestive", précise Jules Malaise. Le plaignant doit alors avancer les frais de justice qui seront ensuite à charge de la partie qui perd. "Souvent on demande de partager ces frais pour apaiser les tensions", indique Jules Malaise, juge de paix au 2e canton à Charleroi.

Evidemment, cette décision imposée ne permet pas de régler tous les conflits. Parfois, cela ne fait qu’empirer la situation. "La solution n’est alors pas construite avec les gens et du coup il y a moins de chance qu’elle soit acceptée", souligne le médiateur Franco Gizzi. "Si on veut restaurer un lien sur le long terme, la meilleure façon de trouver un terrain d’entente est la médiation volontaire. Quand une solution est contraignante, le conflit risque de ressurgir sur un autre problème", confirme Géry De Walque.


Et la police ?

Et la police ? Quand intervient-elle ? Vous pouvez contacter votre agent de quartier pour qu’il vienne constater les faits et tente d’apaiser les choses en discutant avec chaque partie. Il endosse alors le rôle de médiateur. Mais pour qu’un policier puisse réellement agir, il faut que votre voisin commette une infraction à la loi ou au règlement communal, comme du tapage nocturne.

"La police est parfaitement au courant des faits mais ils ne peuvent apparemment rien faire car absence de coups et blessures", souffle Vanessa.

"L’agent de quartier, au-delà de sa mission d’agent de proximité, il lui faut une base légale pour pouvoir intervenir. La voisine va sûrement lui raconter autant d’événements contre la personne qui se plaint. Alors, à part dire, maintenant cela suffit, qu’est-ce qu’il peut faire ? Selon moi rien, sauf s’il y a une infraction pénale. Une agression ayant entraîné une incapacité de travail par exemple", indique Franco Gizzi.

D’après le juge Malaise, les policiers se sentent en effet souvent impuissants face à ce genre de conflits pour lesquels ils ne sont pas forcément compétents. Et quand un procès-verbal est dressé sur base d’une infraction, il y a peu de chance qu’il aboutisse à un jugement. "Dans pas mal de cas, le parquet ne va pas poursuivre et va classer le dossier sans suite car il est déjà débordé", assure le juge De Walque. Sans oublier qu’une procédure devant un tribunal peut durer de longues années.

Les plaintes sont-elles alors vraiment utiles ? D’après Vanessa, le dépôt de plusieurs plaintes n’a pas permis de changer la situation. "Cela reste un réflexe sain de déposer plainte auprès de la police car cela permet de constituer un dossier. En tant que plaignant, vous pourrez alors amener des éléments devant un juge de paix", rappelle le juge De Walque.

Pour tenter de retrouver une paix tant espérée, la mère de Vanessa ne devrait donc pas se limiter à déposer plainte. Demander de l’aide auprès d’un médiateur serait la piste à privilégier dans un premier temps. Et si aucune solution à l’amiable n’est envisageable, elle pourra décider de faire appel à un juge de paix.

Dernière possibilité: déménager. Car malheureusement aucune mesure d’éloignement n’existe pour les conflits de voisinage. Impossible donc de forcer son voisin à faire ses valises.

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