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"Il m'a foutu un poing dans la gueule": à 22 ans, Antoine est "dégouté" de l'arbitrage et fait déjà une pause dans sa carrière

À 22 ans, "bientôt 23", Antoine est passionné de football et pratique sa passion en étant arbitre. Seulement, cinq ans après ses débuts, Antoine se dit "dégouté" du monde du foot et ne se "reconnait plus dans l’Union Belge." Un constat qui pousse le jeune ‘homme en noir’ à prendre, déjà, une pause dans sa carrière arbitrale.

Pourtant, Antoine est un dur à cuire. Lui qui s’est déjà fait "fracturer la mâchoire" par le frère d’un joueur qu’il arbitrait. "Le frère d’un joueur est monté sur le terrain et m’a foutu un poing dans la gueule (sic)", raconte Antoine qui arbitrait un match de jeunes U14 quand l’incident est survenu. "J’ai eu la mâchoire fracturée, le gars a été condamné etc", précise-t-il.

Une mésaventure qui ne l’a pas empêché de rechausser ses crampons une fois guéri. Pourtant, la violence et l’animosité autour des terrains "surtout en amateur" ne cessent de toucher Antoine et ses confrères. "Il n’y a pas beaucoup de public dans les rencontres amateures donc on entend très bien ce que disent les gens. On entend souvent des insultes pour nous traiter de vendu, de corrompu, de connard…"

Mais aujourd’hui, la coupe d’Antoine est pleine. "Avec tout ce qu’il se passe pour le moment, je suis dépité", explique-t-il en faisant référence à toutes les dérives des acteurs du monde du football, belge en particulier.

"Pour moi, ce qui fait défaut à l’Union Belge, c’est le manque de transparence par rapport à ce qu’il s’est passé au niveau de la corruption etc [dans le dossier du footbelgate, ndlr]. D’avoir magouillé avec tous les conflits d’intérêts qui existent entre l’UB et les clubs [de Pro League] comme avec Vincent Manaert (Club Bruges) qui était aussi à l’Union Belge et qui est lié aux affaires du footbelgate. Même chose avec Mehdi Bayat (ancien président de l’Union Belge et administrateur délégué du Sporting de Charleroi), pareil avec l’ancien président de Genk Peter Croonen [qui a occupé la présidence du KRC Genk en même temps que le poste de président de la Pro League, avant de démissionner]."

Ça me gave au plus profond de moi-même

Le problème que soulève ici Antoine est malheureusement bien propre au football belge. L’Union Belge ainsi que la Pro League sont remplies de membres des directions des clubs, ce qui soulève une évidente question de conflit d’intérêt. "Je trouve ça scandaleux qu’on retrouve des présidents de clubs à l’Union Belge", clame pour sa part Antoine.

Il y a un mois, le 14 janvier dernier, le parquet fédéral a annoncé vouloir traduire 57 personnes devant la justice dans l'affaire de suspicion de fraude dans le football belge.

Parmi ces 57 personnes, le gratin du football belge avec les directions du FC Bruges, du Sporting de Charleroi, l’ancienne direction historique du RSC Anderlecht mais aussi le président du Standard, Bruno Venanzi.

"Encore le président du Standard qui vend Klauss et Al-Dahkil à Saint-Trond pour étouffer les magouilles qu’il a fait là-bas… Tout ça me dépasse et… Pfff", se désole encore Antoine, la gorge nouée. "Ça me gave au plus profond de moi-même. Je trouve que ça n’a pas sa place dans le football évidemment."

Il est contre le VAR

Outre les systèmes mafieux des hautes sphères du football belge que nous ne pourrons pas décrire dans cet article, pour un manque de place évident, Antoine est aussi déçu de ce qu’il voit sur le terrain et particulièrement par les dernières décisions polémiques du VAR, l’assistance arbitrage vidéo.  

"Quand je vois les décisions du VAR, j’ai envie de me dire qu’il y a encore quelque chose de pas net dans ce championnat", explique le jeune arbitre.

C’en est trop pour Antoine qui a "pris la décision de faire une pause à durée indéterminée, me recentrer sur moi et me poser les bonnes questions sur pourquoi je fais de l’arbitrage."

Cet habitant de Aubel, dans la province de Liège, assure qu’il a "toujours cette passion" pour le football. D’ailleurs, il ne pense pas qu’il pourra rester loin très longtemps de ses terrains adorés. "Je reprendrai probablement avant la fin de la saison mais là j’ai besoin de m’arrêter. J’ai peur de décrocher, de ne plus rien en avoir à secouer et d’arrêter complètement."

"Je ne suis pas le seul"

Le problème avec ce que connait Antoine, c’est qu’il n’est "pas le seul à être dégouté". "J’en ai parlé avec quelques arbitres, certains me disent de ne pas m’occuper de ce qu’il y a au-dessus."

Pour ne rien arranger, "nous sommes en pénurie complète d’arbitres, c’est même un des problèmes majeurs du football belge." Un de plus.

Ce "problème majeur" évoqué par Antoine est bien pris en compte par l’Union Belge qui se démène pour recruter autant d’arbitres que possibleLa situation est à ce point urgente qu’Antoine la décrit comme telle : "Il arrive régulièrement que des matchs de réserve et de P4 n’aient pas d’arbitre. C’est une véritable catastrophe, pour la moitié [des matchs] du championnat en P4, peu importe la région, le match doit se dérouler sans arbitre. C’est souvent un des membres du club ou un supporter qui le fait à la place."

"L’Union Belge n’a pas les c***** de prendre une décision pareille"

Antoine, qui travaille dans le gardiennage, est aussi steward au Standard de Liège. L’animosité grandissante des supporters dans les stades, il en est un témoin privilégié. 

Ces derniers mois, les incidents dans les stades se sont multipliés avec, en point d’orgue, l’envahissement de terrain par les supporters du Standard lors du derby wallon contre Charleroi.

Ces fauteurs de troubles avaient interrompu la rencontre, alors qu’il restait quelques minutes à jouer, pour traverser le terrain et aller provoquer les supporters de Charleroi. Un fumigène a même été tiré vers la tribune des Carolos.

"Tant que l’UB ne réglera pas ce problème de Loi football, il y aura toujours des incidents ainsi et on risque d’avoir des blessés et des morts", prévient Antoine.

Cette ‘Loi football’ rapporte que "dès qu’on entre dans une zone d’heure de match (à partir de 3h avant jusqu’à 3h après la rencontre), il est interdit d’utiliser tout engin pyrotechnique à l’intérieur et à l’extérieur du stade", explique le jeune homme de 22 ans, qui a dû étudier cette loi dans le cadre de sa formation. Sous peine de quoi "pendant le match, une intrusion, une bagarre, un jet de projectile, etc, est condamnable", poursuit Antoine. "En Belgique nous n’avons que 3 ans d’interdiction de stade et 2000 euros d’amende. C’est ridicule. En Angleterre c’est interdiction à vie et on ne voit quasi jamais de débordements."

"L’UB doit intervenir au niveau du gouvernement pour modifier ça sinon on va avoir des blessés et des morts", prévient le steward occasionnel. "Mais l’Union Belge n’a pas les c**** de prendre une décision pareille", regrette-t-il encore.

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