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Pénurie de prof de math & mère en colère: son fils ingénieur civil est DISPO mais la réforme n'en veut pas

Un couple d'ingénieurs civils. À 23 ans, ils ont chacun brillamment achevé leurs études en juin dernier. Ils pensaient enseigner les mathématiques et les sciences quelques temps. Deux matières pour lesquelles la Fédération Wallonie-Bruxelles manque de professeurs depuis des décennies. Mais voilà, la réforme des titres et fonctions conjuguée à la rigueur de l'administration les en empêchent. Et révoltent la maman, ancienne enseignante elle-même. Les choses devraient changer prochainement, la ministre Martine Schyns ayant annoncé un assouplissement de la réforme.

Rebondissant sur notre série "RENTRÉE RATÉE" publiée hier et qui faisait état d'une pénurie de professeurs dans plusieurs établissements de l'enseignement secondaire, Anne nous a livrés le "DÉGOÛT" de son fils et sa compagne via notre bouton orange Alertez-nous. Tous deux âgés de 23 ans, ils ont brillamment terminé leurs études d'ingénieur civil en juin dernier à l'université catholique de Louvain (UCL) à Louvain-la-Neuve. Tous deux sont "hyper impliqués" auprès des jeunes depuis longtemps, le premier dans les mouvements de jeunesse, la deuxième à travers des cours de math prodigués à des adolescents. "Dans l'attente d'un contrat à la hauteur de leur investissement dans leurs études", les deux jeunes scientifiques ont pensé apprendre les mathématiques et les sciences dans le secondaire. Une idée bienvenue quand on connait la difficulté de certaines écoles à trouver des profs de math.

Mais, voilà, ce ne sera pas possible. En tout cas, pas tout de suite.

Avec la réforme des titres et fonctions, ni l'un ni l'autre ne peuvent encore proposer leurs services comme ça. "Plus moyen d'enseigner, même en étant titulaire d'un Master d'Ingénieur, sans posséder un titre pédagogique", déplore Anne. Le couple d'ingénieurs, pas découragés, a donc décidé d'entamer l'Agrégation de l'Enseignement Supérieur. Mais, il était trop tard, les inscriptions étaient clôturées depuis deux semaines. "BAM! Inscriptions tardives REFUSEES!" s'énerve Anne, déplorant le manque de souplesse alors que, souligne-t-elle, la situation est problématique: "Il y a des centaines de jeunes sans cours de math dans les écoles!" Dès lors, son fils et sa compagne doivent décliner tous les jours des propositions pour des remplacements comme profs de math, nous assure cette mère.


Assouplissement de la réforme: une école pourra engager le fils d'Anne, mais seulement en ultime recours

Bientôt cependant, une porte va se rouvrir pour nos deux ingénieurs. En effet, comme nous vous l'annoncions hier, la ministre Martine Schyns va assouplir la réforme et permettre à des écoles de faire appel, en ultime recours, à des candidats ne disposant d'aucun titre pédagogique. Que signifie concrètement "ultime recours"? Le directeur doit d'abord essayer de trouver une personne en possession de l'un des trois titres suivants, du plus au moins approprié: titre requis (TS), titre suffisant (TS) et titre de pénurie (TP). La recherche se fait notamment via une plateforme internet, Primoweb. En cas d'échec, il pourra alors se tourner vers de gens comme le fils d'Anne et sa compagne.

"Quelqu’un de l’extérieur, ça vaut mieux que personne du tout", reconnait volontiers Eric Etienne, le porte-parole de la ministre. Quand une école est arrivée au bout de ses possibilités de recrutement de professeurs de la base de données Primoweb, "à ce moment-là, l’école fait un PV de carence disant qu’ils n’ont trouvé personne. Ils peuvent alors engager des personnes sans titre dans l’enseignement", explique-t-il. La seule différence par rapport à avant, c'est que les écoles recouraient à ces recrutements hors enseignement trop facilement, sans avoir la certitude qu’il ne restait pas de "vrais" professeurs sur le carreau. Ici, le fait d’épuiser les listes prioritaires "prouve qu’on ne lèse personne ayant le titre requis".


Déjà dans les années 90: les angoisses de son père, directeur d'école à la recherche de profs de math et de néerlandais

Si cette mère de famille réagit de manière si épidermique à l'impasse dans laquelle a abouti le désir d'enseignement de son fils, c'est qu'elle connait bien le milieu pour y avoir travaillé de nombreuses années, de même que son paternel avant elle. Celui-ci a œuvré comme directeur d'école. "Je me souviens de ses angoisses à la recherche de profs de math et de langues, déjà dans les années 90!", confie-t-elle, rappelant que la pénurie ne date pas d'hier et que la réforme des titres et fonctions n'est pas l'unique responsable des difficultés actuelles. La pénurie, Eric Etienne, le porte-parole de la ministre de l'Enseignement (Marie-Martine Schyns), ne la nie pas: "C’est constant depuis plusieurs dizaines d’années, et c’est effectivement pour les langues germaniques, les sciences et les math qu’il est le plus difficile de trouver un professeur ayant le titre requis avec agrégation", dit-il.


Elle se souvient: "Je n'ai jamais eu de cours de néerlandais deux semaines d'affilée avec le même prof"

Même s'il parait quasi endémique aux écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis de longues décennies, le manque d'enseignants ne doit pas être pris comme une fatalité face à laquelle il faut abandonne toute lutte. Car ses effets sont, pour l'ex-enseignante, dévastateurs. "En tant qu’ancienne enseignante, je ne connais que trop les DÉGÂTS occasionnés par le manque de profs dans les écoles, les salles d’étude surchauffées où les jeunes zonent sans but et la plupart du temps sans surveillance, et les LACUNES catastrophiques qu’ils accumulent d’année en année", déplore-t-elle. Et pour affermir son propos, c'est dans son propre passé d'élève qu'elle retourne avant un cinglant constat: "Je suis moi-même aussi une Bruxelloise NON-BILINGUE parce que je n’ai jamais eu de cours de néerlandais 2 semaines d’affilée ou avec le même prof dans toute ma scolarité!", conclut-elle.

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