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"On voulait le faire pour sauver une vie": un couple surpris de ne pas pouvoir donner du sang de cordon à l’hôpital de Charleroi

C’est un trésor qui peut sauver des vies. Le sang contenu dans le cordon ombilical qui relie un bébé et sa maman peut contribuer à guérir des patients atteints de maladies graves. Un couple de Charleroi souhaite faire un don à la naissance de leur enfant. Mais la réponse négative du gynécologue les a complètement surpris. Comment expliquer ce refus plutôt inattendu ?

Renaud et Cassandra attendent un heureux événement pour le mois d'août. Ce couple originaire de Thiméon, dans le Hainaut, va accueillir son premier enfant. Pendant sa grossesse, Cassandra est suivie par son gynécologue au Grand Hôpital de Charleroi (GHdC).

Fin avril, lors d'une consultation, les futurs parents lui ont demandé comment faire un don de sang de cordon. Pendant l'accouchement, il est en effet possible de récolter le sang contenu dans le cordon ombilical, cet organe qui relie le placenta au fœtus pour le nourrir et évacuer les déchets.


A quoi sert le sang de cordon ?

Le prélèvement est réalisé juste après la naissance du bébé dès que le cordon est coupé. Cet acte indolore est sans risque pour le nourrisson et la mère qui doit juste compléter un formulaire de consentement au préalable. Tout le processus est gratuit et anonyme.

Comme la moelle osseuse, le sang de cordon est riche en cellules souches qui peuvent donner naissance à n’importe quelle autre cellule du sang (globules rouges, globules blancs, plaquettes). Ces précieuses cellules permettent de combattre des maladies graves du sang comme la leucémie, en les greffant aux patients. Leur sang est ainsi "renouvelé".

"Nous avions pris nos renseignements pour réaliser un tel don. On voulait le faire pour sauver une vie plutôt que de jeter ce sang à la poubelle", confie Renaud, qui nous a contacté via notre bouton orange Alertez-nous.

"Quelle ne fut pas notre surprise quand le gynécologue nous a dit que ce n'était pas possible. Par manque de moyens financiers, l'hôpital ne le fait plus car il ne serait plus en mesure de stocker le sang jusqu'à l'enlèvement. C'est scandaleux. Je suis choqué parce que beaucoup de personnes cancéreuses ont besoin de cellules souches", déplore l'habitant de Thiméon.


"Pour le moment, la banque possède assez d’échantillons"

Qu'en est-il exactement ? La porte-parole du Grand Hôpital de Charleroi (GHdC) confirme que ce type de don n'est actuellement plus pratiqué mais pour une autre raison. "Ce n'est pas un problème budgétaire. Le sang de cordon prélevé ici est congelé et stocké dans une banque aux Cliniques Universitaires Saint-Luc à Bruxelles. Et le service nous a assuré que pour le moment il possède assez d'échantillons et qu'il nous recontactera en cas de besoin", assure Marie Ludwigs, responsable du service communication du GHdC.

Ce ne sont effectivement pas les maternités qui gèrent les dons de sang de cordon. Les prélèvements y sont réalisés, mais toujours en collaboration avec une banque de sang de cordon qui possède l’autorisation légale d’exercer. "Elle procède à la préparation, aux tests de contrôle de qualité, au stockage et à la distribution des unités de sang de cordon quand cela est nécessaire", explique le docteur Etienne Baudoux, directeur de la banque de sang de cordon du CHU de Liège.

En Belgique, il existe cinq banques de sang de cordon: deux à Bruxelles (Saint-Luc et Bordet), une à Liège (CHU), une à Gand et une à Leuven. Chaque année, elles envoient des unités de sang à travers le monde et en reçoivent pour réaliser des greffes.

Mais pourquoi les Cliniques Saint-Luc ne désirent-elles plus effectuer de prélèvements à Charleroi ? "Comme la demande de sang de cordon est en constante diminution et que le répertoire actuellement disponible est considéré comme suffisant pour couvrir les besoins, il est logique de réduire le nombre de prélèvements et donc de maternités avec lesquelles nous collaborons. C’est notamment le cas pour la Maternité du GHdC", explique le professeur Stréphane Eeckhoudt du service de biologie hématologique aux Cliniques universitaires Saint-Luc.


Une érosion de l’utilisation du sang de cordon: pourquoi ?

Le Dr Baudoux du CHU de Liège confirme qu'il n’est pour le moment plus nécessaire de "recruter" en masse car il existe une érosion de l’utilisation du sang de cordon dans le monde causée par plusieurs facteurs.

Tout d’abord, le stock actuel est donc visiblement déjà très important grâce aux dons volontaires qui ont fortement augmenté au cours des années. "Les banques de sang de cordon se sont constituées il y a plus de 25 ans. Depuis 1994, il y a eu une hausse du nombre d’unités conservées jusqu’à totaliser aujourd’hui plus de 700.000 unités au niveau mondial", indique le Dr Baudoux. Et la Belgique fait partie des précurseurs en la matière. Notre royaume a un inventaire global actuel de 21.900 échantillons. "La Belgique possède par rapport à sa population et en comparaison avec d’autres pays le plus grand nombre d’unités stockées par 100.000 habitants", souligne le directeur.

Il y a des solutions alternatives et c’est heureux

Parallèlement, les greffes de sang de cordon se sont également multipliées partout dans le monde entre 1994 et 2010. "On peut parler d’une ascension quasi exponentielle", assure le spécialiste. En 2010, il y a eu une stagnation pendant 3 ans suivie d’une diminution dans l’utilisation du sang de cordon. Pourquoi ? Car les pratiques de transplantation ont évolué ces dernières années. "Aujourd'hui, on est capables de réaliser des greffes avec des donneurs qui n'ont que la moitié des caractères de compatibilité en commun avec le patient. Les donneurs se trouvent donc beaucoup plus facilement dans l'entourage des patients. Un frère, une sœur, une tante, etc.", explique le Dr Baudoux. Résultat: il y a eu un déplacement des greffes réalisées avec du sang de cordon vers des pratiques alternatives de transplantation. "Ce n'est pas un choix des banques de sang de cordon, c'est l'évolution de la médecine. Il y a des solutions alternatives et c’est heureux. Cela veut dire que l’on peut greffer plus de patients qu’auparavant", précise-t-il.

Une réalité confirmée par le Pr Eeckhoudt: "Actuellement, les besoins en sang de cordon ont sensiblement diminués car il y existe d’autres possibilités thérapeutiques plus performantes. Ils sont toutefois encore utilisés en deuxième choix pour les enfants et d’autres cas très rares."


Des critères de qualité plus exigeants et moins de prélèvements

Alors que les banques ont enrichi sans cesse leurs stocks grâce aux nombreux dons pendant 25 ans, le sang de cordon a donc été de moins en moins utilisé. Cette situation a amené les banques à être plus exigeantes au niveau de la qualité et à diminuer les collaborations avec les maternités.

"Aujourd'hui, on ne fait plus de recrutement intensif auprès des mamans puisque l’on préfère avoir deux unités de bonne qualité plutôt que 100 unités de qualité moyenne. On réalise des tests à l'arrivée à la banque et toute unité qui ne correspond pas aux critères est dirigée vers d'autres utilisations comme la recherche. On ne perd pas le produit mais on ne cherche pas à en produire plus que nécessaire puisque l'on est très sélectif", explique le Dr Baudoux.

Une raison financière pousse aussi les banques à réduire les prélèvements puisqu’elles sont chargées des formations du personnel, de l’achat du matériel, etc. en suivant des règles strictes. "Les banques de sang de cordon doivent être accréditées pour le prélèvement, la conservation et l’utilisation du sang de cordon. Cette accréditation rassemble de nombreuses conditions à remplir, notamment pour les maternités dans lesquelles les prélèvements sont réalisés. Cela nécessite des visites régulières de l’équipe de la banque de sang de cordon dans les différentes maternités", précise le Pr Eeckhoudt.

"On a constaté qu’économiquement cela devenait moins soutenable de recruter tous azimuts pour avoir des grands nombres d'unités. La banque de sang de cordon finlandaise a arrêté de prélever totalement depuis déjà plusieurs années. En Belgique, il y a aussi moins de maternités qui participent au prélèvement de sang de cordon. On a un peu réduit la voilure", confirme le Dr Baudoux.


Une possibilité de retour en arrière ?

Et cette situation va-t-elle perdurer ? Le directeur de la banque de sang de cordon du CHU insiste sur le fait qu’il s’agit d’une période de transition. "Il n’est pas exclu que l’on revienne au sang de cordon dans quelques années ou même plus rapidement. On n’a d’ailleurs pas tout arrêté. On a tenu à maintenir en place le savoir-faire des équipes de prélèvement pour que si jamais on devait recommencer à intensifier le prélèvement on puisse le faire dans des délais raisonnables. Et il est toujours utile de remplacer des unités de moins bonne qualité par d’autres de meilleure qualité."

Les hôpitaux qui collaborent avec des banques de sang de cordon vont donc continuer à proposer de réaliser ce geste solidaire qui reste important. Si Renaud et Cassandra désirent concrétiser leur souhait, ils devront donc se tourner vers une autre maternité. "Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous refusons des dons, c’est juste que nous ne faisons pas de prélèvements s’il n’y a pas de bonnes raisons", conclut le Dr Baudoux. 

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