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1000 km à cheval à travers la Mongolie, des rencontres inoubliables: Sophie nous raconte l’expérience la plus enrichissante de sa vie

Sophie souhaite partager ce qu'elle estime être l'expérience la plus enrichissante de sa vie. Elle a participé au Mongol Derby, une course d'endurance de 1000 kilomètres à travers la Mongolie. Un parcours qu'elle a réalisé en un peu plus de 8 jours, grâce à un entraînement strict et à une volonté sans faille. Sa récompense: une aventure humaine inoubliable. Elle nous raconte ses échanges avec la population mongole, les hauts et les bas durant son périple, et nous ramène quelques clichés de paysages à couper le souffle...

La Mongolie "appelait" littéralement Sophie. Et ce depuis son plus jeune âge. "Je voulais y aller depuis toute petite fille, je monte à cheval depuis que j’ai 6 ans, j’ai lu beaucoup de romans là-dessus, j’ai toujours été attirée par le peuple et les chevaux mongols", raconte la jeune femme. Elle aura attendu d’être trentenaire pour concrétiser son rêve. L’été passé, la Belgo-Britannique, vétérinaire de formation, baroudeuse dans l’âme, débute l’aventure par une simple recherche sur Google. Par hasard, elle tombe sur le site du Mongol Derby, une course de 1000 kilomètres à travers les steppes mongoles, un parcours qui retrace le trajet de la route postale de l’empereur Gengis Khan.





"Un deuxième boulot à plein temps"

Sophie contacte l’organisation et propose d’offrir ses services de vétérinaire pour l’édition 2014. Elle nous raconte être tout de suite tombée amoureuse du pays, de ses habitants et de ses chevaux. Dès le début, elle a envie de participer un jour, elle aussi. Puis les difficultés rencontrées par les participants la refroidissent un peu. C’est une rencontre faite sur place qui la motivera à faire le pas. "Le temps a passé, j’ai discuté avec une copine urgentiste rencontrée là-bas. Mais c’est un sacré budget. Je lui ai dit, je n’ai pas les moyens, il faut qu’on trouve des sponsors. Puis j’avais aussi envie de le faire pour une ONG. De fil en aiguille, on a commencé à lancer notre projet. Ça a été comme un deuxième boulot à plein temps sur l’année. On a dû préparer des dossiers, passer des coups de fils..."

L’ONG que Sophie a choisie, c’est l’association "Agronomes et vétérinaires sans frontières" (AVSF). "Je cherchais quelque chose de vétérinaire, mais je ne voulais pas que ce soit purement animal, plutôt quelque chose qui touchait quand même l’humanitaire ou le développement durable. Je connaissais l’ONG, ils sont très présents en Mongolie. Du coup ça correspondait exactement à ce que je recherchais". L’association travaille sur les problèmes liés à la sédentarisation des peuples nomades. Elle tente de les aider à gérer leur élevage et à produire mieux. "Par exemple, ils leur expliquent le système de jachère. Les nomades sont placés à un endroit avec leurs animaux, on leur montre comment ils peuvent déplacer les pâturages. On leur explique comment ils peuvent améliorer leur rendement".






Un entraînement très soutenu

Sophie a grandi à Montignies-lez-Lens, un petit village situé entre Ath, Mons et Soignies dans le Hainaut. C’est dans sa région qu’elle a toujours monté à cheval, surtout quand elle était adolescente, un peu moins pendant les années d’unif. "Je passais plus de temps à les soigner qu’à les monter". Maintenant, elle travaille à Paris, et c’est là qu’elle a commencé l’endurance. "C’est super intéressant, surtout pour une véto, car il y a l’aspect physiologie de l’effort. On s’entraîne à faire des distances de 20 à 160 kilomètres, avec une vitesse limitée ou illimitée. On apprend à préparer tant le cavalier que le cheval. On apprend la gestion de l’alimentation, l’abreuvement, le rythme cardiaque..."

Le Mongol Derby est la plus longue course équestre au monde, elle demande une sérieuse préparation physique. Il faut parcourir 1000 kilomètres en maximum 10 jours. Les participants empruntent des chevaux aux populations, de sorte à ce que chaque cheval n’effectue au total que 40 kilomètres (les nomades les récupèrent le lendemain). Pour avancer, les cavaliers peuvent monter entre 7 heures du matin et 20h30. "Les gens se disent, ils sont assis sur un cheval et c’est le cheval qui travaille. Là on parle de 10-12 heures à cheval, avec du trot et du galop". La jeune femme, plutôt sportive à la base, a été suivie pendant une dizaine de mois par un coach pour bien préparer ses muscles pour le jour J. Pour vous faire une idée de l'effort, elle a perdu 6 kilos durant la course... tout en mangeant entre 4000 et 5000 calories par jour!




Un matériel super limité: pas de quoi changer de vêtements

La course débute le 6 août, les participants arrivent quelques jours plus tôt pour suivre quelques formations et tester le matériel. L’organisation fournit la bride et la selle, les participants amènent le reste. Ils n’ont droit qu’à 5 kilos supplémentaires, ce qui implique d’emporter uniquement ce qui est strictement nécessaire, pas même de quoi changer d’habits: "J’avais juste avec moi un sac de couchage, un matelas, quelques médicaments, un sous-vêtement de rechange, et une paire de chaussettes". Sur place, les cavaliers doivent se débrouiller pour dormir: soit chez l'habitant, soit à la belle étoile.






Une mauvaise chute au début

L’objectif de Sophie: boucler la course en 8 jours, et finir dans les 10 premiers (il y a 40 participants). Mais elle démarre mal: "Le deuxième cheval que j’ai eu était très peureux, et je n’arrivais pas à suivre. Il n’arrêtait pas de faire des écarts. J’ai fait une chute, je l’ai perdu et j’ai fait ce parcours en 6 heures et demie au lieu de 3, parce que j’ai dû récupérer le cheval...". Elle persévère, gagne petit à petit du terrain, et parvient à finir la course en 8 jours et demi, ce qui lui permet de terminer neuvième.




Durant ces longs jours, Sophie n’a pas craqué. "Je me suis dit qu’à un moment j’allais arriver au mur, et puis à chaque fois je retrouvais une énergie et je rebondissais". Deux jours avant la fin, elle a a tout de même subi une grosse crise d’hypothermie: "On est passés de 36-37 à 8 degrés. J’ai eu un moment de blackout quand on est arrivés à la station. Je me suis réveillée avec 10 vêtements autour de moi et je grelotais. J’avais froid, j’essayais de contrôler ma respiration".





On lui donne un cheval qui "vole": "J’avais les larmes aux yeux pendant ces 40 kilomètres-là"

Mais elle est rapidement remise d’aplomb. Alors qu’elle s’apprête à reprendre la route, elle vit le plus beau moment de la course. "J’ai demandé à un nomade un cheval 'qui vole'. On a un traducteur mais j’ai mimé des mouvements d’oiseau. Il m’a prise par l’épaule, il m’a emmenée dehors, m’a montré un petit cheval mongol noir. Ce cheval, c’était vraiment ça, il a volé, je ne me suis jamais sentie autant en sécurité, j’avais les larmes aux yeux pendant ces 40 kilomètres-là, il allait à fond la caisse, il avait vraiment choisi ce cheval pour moi... c’est même difficile d’en parler", explique-t-elle, la voix chevrotante.






Sophie a eu un énorme coup de coeur pour ce pays et ses habitants: "Les Mongols sont des gens très accueillants, très gentils. On avait des interprètes mais on en n'a pas forcément besoin, le langage des signes, le sourire, le partage, c’est plus qu’assez. Ils adorent sourire. Le premier jour après ma chute, ils en ont parlé entre eux, ils avaient remarqué que j’étais toujours souriante, et pour eux, sourire, c’est la vie".





Passer d'un cheval à l'autre: pas facile

Aujourd’hui, Sophie se dit prête à monter n’importe quel cheval: elle en a monté 26 différents. "On est sollicités chaque fois un peu différemment, car ils ont des morphologies différentes. On peut passer d’un cheval exceptionnel à un cheval plus difficile, c’est chaque fois un moment d’inconnu au début. Ça reste des chevaux semi-sauvages. Je restais super vigilante jusqu’à la dernière ligne droite. Ils pouvaient à tous les coups faire un écart. Finalement c’est bien que je sois tombée au début, ça m’a mis un rappel".







La jeune femme était partie avec une coéquipière, l’urgentiste qu’elle avait rencontrée l’année dernière. Celle-ci a malheureusement dû être hospitalisée après deux jours. "Elle a cœur brisé, c’est toute une préparation qui n’a pas abouti".

Sophie a pu récolter 922€ pour l'association "Agronomes et vétérinaires sans frontières". Après cette expérience, elle souhaite continuer l’endurance, puis retourner l’année prochaine en tant que vétérinaire. Même s’il n’existe pas de course similaire dans le monde, elle souhaite aujourd’hui se chercher un nouveau défi. Peut-être un trek en Argentine ?

Deborah Van Thournout

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