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Jean-Marc, malade de Parkinson, s'est pris de passion pour le tango: cette danse donne un second souffle à sa vie

À 60 ans, Jean-Marc a décidé de prendre un nouveau départ. Poussé à la retraite par la maladie, il a rebondi en se lançant dans une activité pour laquelle il n'avait a priori pas d'affinités : le tango. Enthousiasmé, il veut désormais faire profiter les autres des bienfaits de cette danse.

Un mariage de 25 ans, 5 enfants, une belle carrière… Jean-Marc a vécu une vie bien remplie. Puis, à l’âge de 57 ans, celle-ci lui a joué un tour inattendu. Diagnostiqué Parkinson, Jean-Marc a peu à peu été contraint de mettre un terme à son activité professionnelle. Non satisfait des traitements qui lui étaient proposés, Jean-Marc a cherché des alternatives. Il a fini par essayer le tango. Une révélation qui l’a mené en Argentine, berceau de cette musique. Sa sœur, Elisabeth, nous a contacté via notre bouton orange Alertez-nous pour porter à notre attention le nouveau projet de Jean-Marc, une Asbl pour faire découvrir les bienfaits du tango aux personnes souffrant de maladies neuro-dégénératives. 

Ce jour où sa main droite s’est mise à trembler alors qu’il roulait à moto

S’il n’y a sans doute pas de bonne manière de découvrir que l’on est atteint de la maladie de Parkinson, l’apparition des premiers symptômes pour Jean-Marc était particulièrement dangereuse. En 2016, alors qu’il roulait à 125 km/h, à moto sur le ring de Lyon, en direction de Marseille, sa main droite, celle qui tient l’accélérateur, s’est mise à trembler.

"De manière étonnante la maladie de Parkinson commence toujours d’un côté et pas des deux à la fois. Il y a toujours une différence de quelques années entre les deux côtés", indique Dr Jean-Emile Vanderheyden, neurologue. Il s’agit souvent de la perte du ballant d’un bras, c’est-à-dire un bras qui balance moins que l’autre, ajoute-t-il.

Les tremblements sont généralement les premiers signes que les malades de Parkinson repèrent. Mais cette pathologie ne se limite pas à cela.

Pour pouvoir rentrer en Belgique à moto, Jean-Marc a attaché sa main droite avec un mouchoir à la poignée d’accélérateur.

Parkinson, un diagnostic qui effraie

Le diagnostic a été établi à l’hôpital de Verviers. "Un neurologue m’a dit ‘écoutez, vous avez la maladie de Parkinson, vous allez apprendre à vivre avec", raconte Jean-Marc. "L’annonce est souvent une sorte de claque dans la figure parce que les gens n’aiment pas trop le mot Parkinson", note le Dr Jean-Emile Vanderheyden. "Ce n’est pas facile à encaisser. Il y a un choc psychologique tant pour la personne que pour son entourage", témoigne Cécile Grégoire, de l'Asbl Action Parkinson.

Le grand public a une image très noire de cette maladie parce qu'avant les années 70, les malades de Parkinson mourraient au bout de 9 ans, un peu comme d'un cancer, explique le Dr Jean-Emile Vanderheyden. En outre, il a tendance à résumer la maladie de Parkinson à d'impressionnants tremblements. Ceux-ci n'apparaissent pourtant que dans 50% des cas au début de la maladie. Et 30% des patients ne tremblent pas, même lorsque la maladie s'est complètement développée, indique le docteur.

"La première chose qu’on fait en consultation, c’est rassurer les patients, leur dire ‘écoutez, c’est plus comme avant. Parkinson ça se soigne bien’", ajoute le spécialiste. Jean-Marc a taché de rester optimiste: "Je vais quand même réussir à faire ci, à faire ça", a-t-il pensé.

La maladie de Parkinson, un déficit de dopamine qui ralentit les mouvements

La maladie de Parkinson se caractérise par un déficit de dopamine dans le cerveau lié à la disparition des neurones qui la produisent. Ce déficit cause une difficulté à initier les mouvements pour les patients. "Le plus dur pour eux, ce sont les blocages. C’est-à-dire qu’ils donnent l’ordre à leur cerveau de faire un mouvement et le mouvement ne se fait pas", raconte Cécile Grégoire. La maladie est d'abord marquée par un ralentissement du patient (la lenteur de ses mouvements), puis viennent les autres signes : tremblements, rigidité et difficultés à la marche.

Des médicaments efficaces, mais des effets secondaires insupportables pour Jean-Marc

Depuis les années 70, des médicaments, qui remplacent la dopamine dans le cerveau, permettent de traiter les patients. Ils ne meurent plus de la maladie, ont une espérance de vie normale, mais restent handicapés.

Les médicaments qui ont été prescrits à Jean-Marc ont eu des effets secondaires très importants sur lui. "C’est comme si j’avais bu la veille à chaque fois. Je ne tremble pas, mais je suis une loque", déplore-t-il.

Jean-Marc a décidé d'arrêter de prendre ses médicaments. Face à cette maladie dégénérative, Jean-Marc préfère retarder leur prise "le plus possible", explique-t-il.

Ses capacités de concentration réduites, il finit par vendre son entreprise

Au-delà de ses aspects moteurs, la maladie de Parkinson réduit les facultés de concentration et la motivation des patients. "Quand vous manquez de dopamine, les circuits de concentration sont atteints et les circuits de motivation, la recherche de la récompense, sont également réduits", explique le Dr Jean-Emile Vanderheyden."J’ai été jusqu’à patron d’une entreprise de 40 personnes pendant un an ou deux. Et puis on se retrouve à avoir besoin d'un coup main pour faire un bête tableau Excel", raconte Jean-Marc.

Pour faire face à ses difficultés, Jean-Marc s'est tourné un temps vers des drogues illégales, comme la cocaïne. Puis il a finalement tout arrêté, vendant la dernière entreprise qu'il dirigeait, une imprimerie de 4 personnes : "Je n’étais plus capable de me concentrer plus d'une heure sur un dossier par jour", raconte-t-il. "On se sent fort diminué".

Le tango, une danse à laquelle Jean-Marc a immédiatement accroché

Poussé à la retraite par la maladie, Jean-Marc a continué de chercher comment mieux vivre avec. En cherchant sur Internet, il a lu que le tango pouvait avoir des bienfaits pour les malades de Parkinson.

Jean-Marc n'a jamais été un grand danseur. Il se qualifie même de plutôt "lourdaud". Mais il a décidé d'essayer, de prendre des cours. Ses premiers pas de tango lui ont fait directement un effet positif : "Tout de suite, dès que j’ai entendu le rythme de la musique, ça m’a fait une espèce de connexion dans le cerveau, comme s’il y avait des choses qui se reconnectaient", raconte-t-il.

"C’est le rythme qui va permettre au parkinsonien de retrouver un mouvement plus facile, parce qu’il est guidé par le rythme", explique le Dr Jean-Emile Vanderheyden. Les marches militaires, accompagnées de musique militaire, fonctionnent également. Il s'agit de stimuler les neurones des patients pour créer des synapses, c’est-à-dire des connections supplémentaires dans les neurones existants.

C'est pourquoi une Asbl comme Action Parkinson organise à Bruxelles des ateliers thérapeutiques pour les malades : tango, gymnastique douce, qi gong, danse, marche nordique, boxe, pilates... "Des activités recommandées scientifiquement, adaptées, qui sont dans l'intensité et dans l'amplitude", explique Cécile Grégoire. "Le tango et le qi gong ou le tai chi, sont les plus recommandées parce qu’elles favorisent à la fois la concentration, la mémoire, l’équilibre et le déplacement", ajoute-t-elle.

C’est comme si j’avais pris un Xanax. Je suis détendu.

La convivialité du tango a un rôle positif sur l'humeur des malades

Après avoir pris quelques cours à la maison avec un professeur particulier, Jean-Marc est sorti danser le tango dans le club La Mi'Lune à Liège. "On redécouvre une vie sociale qu’on a plus, parce qu’on a tendance à se renfermer", raconte-t-il. "Ils sortent, ils se bougent, ils voient des gens… Ils sont dans l’acceptation et ça, c’est énorme tant au niveau psychologique, moral que social", corrobore Cécile Grégoire.

"Quand j’ai dansé une tanda complète [3 morceaux, ndlr] avec quelqu’un et que ça s’est bien passé, parce qu’il y avait coordination dans les mouvements, c’est comme si j’avais pris un Xanax. Je suis détendu", raconte Jean-Marc.

En outre, ces activités ont un rôle bénéfique pour la musculature du patient.


 
Jean-Marc conquis par les "Milongas" de Buenos Aires

Il y a deux ans, Jean-Marc a décidé de partir pour un voyage à Buenos Aires, en Argentine, avec son club de danse. Un pays qu'il a déjà visité il y a 5 ans pour un road trip à moto. Lors de ce deuxième voyage, Jean-Marc a rapidement pris "les voies secondaires", dit-il. Le Belge s’est adjoint les services d’une danseuse qui l’a emmené dans tous les bals tango les plus confidentiels. Ce qu'il appelle les "milongas de garage" : "C’est une Asbl qui repeint un garage, qui met de la musique et, hop, on danse. Là, j’ai découvert vraiment des relations humaines qui sont assez vraies, assez proches et non codifiées dans le tango classique, de scène, que l’on voit à la télé".

Les danseuses qui lui ont fait découvrir ces endroits lui louaient leur service en tant que "taxi danseuses". Un job en vogue depuis quelques années dans la capitale argentine, souvent exercé par des étudiantes qui cherchent arrondir leurs fins de mois. Ces personnes sont payées pour danser le tango, guider les novices : "La taxi danseuse fera tout pour que son client apprenne, s’amuse bien et danse. Elle rattrapera ses faux pas, ses pertes d’équilibre…". "C’est pas des trucs sexuels, précise Jean-Marc. C’est comme un moniteur de ski".

Un troisième voyage en Argentine décisif

De retour Belgique, la vie de Jean-Marc a pris un tournant majeur avec la fin de son mariage qui a duré 25 ans. À cause de la maladie de Parkinson ? "Sans rejeter la faute ni sur l'un, ni sur l'autre. Le couple n'a pas réussi à prendre ce tournant-là", résume-t-il. Son entreprise vendue, ses 5 enfants à l'âge adulte, rien ne le retenait plus en Belgique.

En 2019, il est donc reparti à Buenos Aires, seul avec sa valise. "C’était une expérience fantastique. J’ai commencé à sortir le soir en milonga (des bals tango, nldr), 4 à 5 fois par semaine", raconte-t-il. Parmi la multitude des milongas organisées dans la capitale argentine, Jean-Marc n’avait plus qu’à choisir, ou se laisser guider par une taxi-danseuse. "Petit à petit, on commence à connaitre des gens. Quand on arrive dans une salle, on est reconnu. Puis on ose danser avec la copine de la taxi danseuse qui l’a rencontrée. On se créé un petit milieu via ces accompagnatrices professionnelles".

Son attrait pour l'Argentine n'en est sorti que grandi. Tandis qu’en Belgique, la dépression le gagnait, avec des perspectives peu réjouissantes à court terme — divorce, vente de la maison familiale… —, Buenos Aires lui est apparu comme le lieu idéal pour prendre un nouveau départ. Alors la décision a fini par s'imposer comme une évidence : il s’installera à Buenos Aires pour de bon. 

Media Luna, un nouveau projet motivant pour Jean-Marc

Une fois qu'il habitera enfin la capitale argentine, Jean-Marc sait que sa vie ne pourra tourner indéfiniment autour de quelques sorties dans des milongas. "Je me suis dit, qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? Je ne vais pas danser tout seul avec des taxi danseuses toute ma vie", raconte-t-il. Une idée a donc germé : emmener d’autres malades à la découverte du tango et de ses bienfaits. Pour ce faire, il a monté Media Luna, une association qui organisera des séjours à Buenos Aires, des initiations et des stages de tango. Il s’est entouré d’une équipe de trois personnes : une prof de danse, une responsable de la communication et une responsable de la logistique des séjours.

Mi-mars, alors que Jean-Marc était occupé à régler tous les aspects de son déménagement en Argentine, la crise du coronavirus a mis à mal ses projets. Il a dû reporter l’achat d’un appartement sur place. Un stage de tango organisé par Media Luna à Buenos Aires a été annulé. 

"J'attends que la situation se débloque", dit-il. En Argentine, le gouvernement impose toujours un confinement à Buenos Aires et dans d'autres grandes villes. Donc pas question d'y organiser des milongas pour le moment. Mais Jean-Marc a la ferme intention de relancer son projet dès que ce sera possible. Les détails sur le site internet de l'association.

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