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Après un accident de la route et des complications médicales, Santo, un indépendant, contraint de fermer définitivement son café-restaurant: "Plus d'argent"

Les ennuis du patron d'un café-restaurant bruxellois se sont enchaînés depuis l'accident dont il a été victime en juin 2017. Toujours pas sur pied après des complications médicales, et son dossier en attente au parquet depuis 10 mois, il dit avoir été finalement contraint d'arrêter définitivement son activité faute de rentrées financières suffisantes. Il déplore la lenteur du parquet qui tarde à remettre ses conclusions sur les responsabilités dans l'accident.

"Renversé avec mon scooter par un automobiliste inattentif, impossible pour moi de travailler et le parquet me laisse sans réponse. À rideaux fermés, les factures s'accumulent", nous a écrit Santo Carrubba via le bouton orange Alertez-nous.

Le Bruxellois de 45 ans est le patron d'un café restaurant à Forest, mais désormais son établissement reste la plupart du temps désespérément fermé. "J'ai perdu les ¾ de ma clientèle, déplore-t-il. Et j'ai loupé toute la belle saison durant laquelle le commerce tourne à plein régime". Durant tout l'été 2017, Santo n'était en effet pas en état d'ouvrir sa taverne, qu'il gère seul. En cause, un accident dont il a été victime le 8 juin dernier. "Au moment où je démarre d'une pompe à essence, deux voitures sont en double file", raconte-t-il. Au guidon de son scooter, il veut doubler les deux véhicules en s'assurant qu'aucun des deux n'a enclenché son clignoteur pour redémarrer. "C'est là que la seconde vire à gauche et me percute. Le conducteur n'a pas regardé dans son rétroviseur et n'a pas mis son clignotant. J'ai été traîné à terre et gravement blessé au pied gauche", affirme-t-il.


"J'ai été plâtré de travers"

Victime d'une double fracture de la malléole et de la fibula (anciennement appelé péroné), Santo se rend aux urgences d'un hôpital bruxellois, où il estime que sa prise en charge a laissé à désirer : "J'ai été plâtré avec le pied de travers. Il n'y avait personne de disponible et j'ai dû faire en sorte de me procurer moi-même une botte de marche. Pendant ce temps, mon pied gonflait dans le plâtre", raconte-t-il. Comme le précise le rapport médical effectué par la suite et qu'il nous a fait parvenir, sa jambe est alors redressée, il est plâtré, mais il présente de fortes douleurs liées à une importante "phlyctène". Il s'agit d'une lésion de la peau, se présentant parfois sous forme de cloques, en raison des brûlures liées à l'accident.

Souffrant de ses blessures, il décide de se rendre dans un autre service d'urgences bruxellois. Cette fois, il va à l'hôpital Erasme où un gonflement important et une sérieuse phlyctène sont observés. Il est à nouveau plâtré jusqu'à l'opération, programmée quelques jours plus tard, car il faut attendre que les cloques dégonflent et que le risque d'infection soit écarté.


Une nouvelle lésion découverte lors de l'opération

Lors de l'intervention, des petits fragments d'os liés à la fracture de la cheville sont enlevés. Mais les médecins s'aperçoivent d'une autre lésion, au niveau de l'articulation de la cheville : la syndesmose, qui fait le lien entre les deux os de la jambe, le tibia et la fibula. Ce type de lésion est assez rare et son diagnostic assez difficile. Généralement, cela touche les sportifs comme les skieurs, les surfeurs, les footballeurs… C'est pourquoi elle n'a pas pu être détectée directement. Une "plaque" est posée, mais quelques jours plus tard, Santo doit être réopéré.

Tout un dispositif est mis en place pour le remettre sur pied : pose d'un fixateur externe pour plusieurs semaines, ainsi que le placement d'une vis "syndesmodique".



"Je suis toujours sous antibiotiques"

Au total, Santo explique être passé 4 fois sur le billard. Et plus de 10 mois après l'accident, il n'est toujours pas tiré d'affaire. "Je suis toujours sous antibiotiques", dit-il, atteint par une bactérie très résistante, le Pseudomonas aeruginosa, qu'il a vraisemblablement contractée au moment où on lui a enlevé ses broches. Malgré 6 mois d'antibiotiques, la bactérie est toujours présente dans l'os. "J'ai une botte de marche, mais je ne peux pas travailler correctement tant que je ne peux pas poser le pied à terre", explique-t-il.

Le fixateur externe lui a été retiré, mais ses nombreux passages sur la table d'opération, ces longs mois dans le plâtre et ces semaines d'antibiotiques laissent à Santo un goût amer. "En 3 mois, j'aurais pu marcher", lance-t-il.


Son établissement en grand danger

Si les suites de l'accident ont été pénibles pour Santo d'un point de vue médical, au niveau financier et privé aussi, l'heure est grave. Durant les trois premiers mois qui ont suivi l'accident, il a pu compter sur les 800 euros d'indemnités octroyés par la mutuelle, mais ce n'était pas assez pour "payer 600 euros de loyer, l'eau, l'électricité, les charges sociales…" Raison pour laquelle il déclare avoir rouvert son établissement quelques heures par semaine afin de faire rentrer de l'argent. Mais l'effet inverse s'est produit. Comme il a retravaillé, il n'a plus reçu ses indemnités.

Ces dernières semaines, sa priorité a été de faire en sorte que sa taverne ne coule pas. "Heureusement que j'ai un peu d'aide de la famille et de l'argent de côté, mais on arrive au bout", s'impatiente-t-il. Quelques heures par jour, il fait en sorte d'ouvrir sa taverne "pour payer les factures". Il nous déclare se débrouiller pour assurer le service, assis derrière son comptoir ou aidé de béquilles, et recevant l'aide bénévole d'une personne pensionnée de son entourage.

Finalement, alors que cet article était clôturé et prêt à être publié, Santo nous a appris qu'il avait pris la douloureuse décision de fermer son établissement d'ici peu: "Je ferme mon commerce fin mai... Plus d argent pour continuer."


"On ne peut pas tout prévoir"

L'indépendant n'a pu compter sur aucune autre aide étant donné qu'il a fait le choix de ne pas avoir d'assurance santé complémentaire, en raison des mésaventures auxquelles il a fait face par le passé. "On n'a pas tous les moyens de se payer des DKV ou des assurances extraordinaires. Surtout qu'on vous fout dehors dès que vous vous cassez le doigt et qu'ils doivent intervenir, dit-il. Je trouve ça aberrant. On ne peut pas tout prévoir, surtout quand la personne est en tort".


On peut retravailler à temps partiel tout en continuant à toucher ses indemnités

Selon Renaud Franquart, spécialiste du statut social des indépendants à l'UCM (Union des Classes moyennes), une solution intermédiaire aurait pu lui permettre de retravailler à temps partiel tout en continuant à percevoir des indemnités. "Il existe des possibilités pour retourner au travail avec l'autorisation du médecin conseil, et il est alors possible de continuer à toucher cette somme de la mutuelle", explique Renaud Francart.


La lenteur du parquet empêche toute intervention des assurances

Dix mois après l'accident, ce que Santo déplore surtout, c'est la lenteur du parquet, malgré les efforts de son avocat et de son assureur pour obtenir des réponses.

"J'attends qu'ils prennent en charge mon dossier pour qu'ils décident de la culpabilité de l'un ou de l'autre. À priori, je suis dans mon droit, mais on ne sait jamais… Cette attente interminable, ça devient du n'importe quoi et ça ne rend pas service à mon commerce", déclarait encore Sandro récemment, avant de se résoudre à mettre un terme à son activité horeca.

Au niveau de son assurance, tout est également bloqué en raison de la lenteur de la justice. "Ils me répondent : 'On attend le dossier répressif du parquet. Nous ne savons rien faire tant que nous n'avons pas le dossier'".

Le Bruxellois envisage de se porter partie civile pour avoir accès au dossier mais il attend les conseils de son avocat pour voir si c'est la solution la plus judicieuse le concernant.  "J'essaye de sortir de la merde, scande-t-il. Mais je suis dépendant de la décision d'un juge et des assurances qui ne bougent pas. Je lance un appel à l'aide".

Au parquet de Bruxelles, cette attente de 10 mois est considérée comme "habituelle". "L'enquête est toujours en cours", nous répond-on.

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