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Aurélie et Grégory sur le point d'annuler leur mariage à Saint-Nicolas: un document a tout mis en péril

Alors que la cérémonie de mariage est prévue pour cet été, le 20 juillet, elle et son compagnon ont cru un temps devoir tout annuler. En cause, un document officiel dont la validité, vous allez le voir, aura eu du mal à être reconnue.

"Nous voulons nous marier, mais cela fait cinq mois qu'on nous fait tourner en rond pour un papier". C'est une jeune maman paniquée de Saint-Nicolas (province de Liège) qui a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous. Aurélie, 31 ans, est mère de trois enfants. Elle a vécu de nombreux rebondissements administratifs et judiciaires dans les préparatifs de son mariage avec Grégory, son compagnon depuis 10 ans maintenant.

Le destin parfois nous réserve des surprises

Pour bien comprendre, remontons un tout petit dans le temps. Aurélie et Gregory se rencontrent en 2009, lors d'une fête où ils ont des amis en commun. "Je parle avec tout le monde et on a rapidement sympathisé", se souvient Aurélie, "On s'est revu dès le lendemain. Ensuite, on a continué à se fréquenter. On ne se serait jamais dit ce jour-là qu'on allait avoir trois enfants, acheter une maison et qu'on allait maintenant se marier. Le destin parfois nous réserve des surprises". Aujourd'hui, Grégory et Aurélie sont les heureux parents de trois petits garçons âgés de 8, 5 et 3 ans.

C'est en 2013 que le projet de leur engagement voit le jour. En présence des deux familles et des amis du couple, Grégory va demander la main d'Aurélie. "Il m'a fait sa demande devant tout le monde", se rappelle la mère de famille qui a répondu favorablement. Mais d'emblée, le projet est "mis de côté" car la priorité est accordée aux enfants et à l'achat d'une maison. "Le mariage était plutôt considéré comme une finalité de tout", précise l'habitante de Saint-Nicolas. Affaire à suivre.


Douze ans après son arrivée, Grégory devient Belge

Arrivé en 2005 sur le sol belge en provenance du Congo (RDC) où il est né, Grégory - à l'époque adolescent - va entamer des démarches pour obtenir la nationalité belge. Pour y parvenir, il a besoin d'un acte de notoriété: "En cas d’impossibilité ou de difficultés sérieuses à se procurer un acte de naissance dans leur pays d'origine (…) il est possible de suppléer à l’acte de naissance en produisant un acte de notoriété délivré par le juge de paix du lieu de résidence", fait savoir l'asbl "Objectief" qui œuvre pour l'égalité des droits pour tous les habitants, quelle que soit leur origine. Ce sera chose faite un an après, en 2006. Grégory possède un acte de notoriété. Le document lui facilitera les démarches administratives pour obtenir la nationalité belge. Ce n'est cependant qu'en 2017, soit après plus de 12 années de présence sur le sol belge, que Grégory obtiendra la nationalité belge.

Le projet de mariage remis au goût du jour

En parallèle, il y a un peu plus d'un an, le couple devient propriétaire d'une maison à Saint-Nicolas. Tous les voyants sont alors au vert et donc forcément, le projet de mariage ressort de la boite. "Gregory a remis le mariage sur le tapis. Les enfants étaient aussi en demande tout comme nos familles", raconte Aurélie. La date est alors fixée au 20 juillet 2019. Les invitations sont lancées. Les préparatifs peuvent débuter. Ils ne le savent pas encore, mais ce sera le début des problèmes.


La commune demande l'avis du Parquet

Prévoyants, le couple se rend en janvier de cette année à l'administration communale de Saint-Nicolas pour entamer les démarches en vue du mariage de cet été. En Belgique, les futurs époux qui sont inscrits dans le registre de la population doivent fournir une carte d'identité et une copie de leur acte de naissance. L'officier de l'état civil juge si les documents remis sont suffisants. S'il soupçonne que vous ne remplissez pas les conditions requises pour vous marier ou qu'un mariage frauduleux est sur le point de se tenir, l'officier de l'état civil peut refuser la tenue de la cérémonie. S'il a un doute, l'officier de l'état civil peut demander l'avis du procureur du Roi (Parquet). Et c'est ce qui va se passer.


Périmé

On l'a vu Grégory ne possède pas d'acte de naissance à proprement parler, mais bien un acte de notoriété. Thierry Dechamps, l'officier de l'état civil de Saint-Nicolas, estime alors que l'acte de notoriété de Grégory, daté de 2006, est "périmé". Il contacte le Parquet de Liège pour solliciter son avis. Contacté par nos soins, le Parquet de Liège confirme la procédure: "La commune nous a interrogé à cet effet et nous leur avons répondu que ce n’était pas possible et que Monsieur devait demander un nouvel acte de notoriété." 

L'officier de l'état civil informe le couple qui tombe des nues. A quelques mois du mariage, impossible de se procurer un nouvel acte de notoriété, d'autant plus que la procédure prend un certain temps. Charlotte Limbourg, membre de l'asbl Objectief, fait savoir: "Globalement, cette procédure dure à peu près 1 an en ce compris l’homologation par le tribunal de Première instance qui est vraiment ce qui prend énormément de temps." Une durée incompatible avec les délais du couple qui se marie dans moins de 6 mois à ce moment-là.


Aurélie accompagnée de ses trois garçons

Deux versions s'affrontent

En février, Aurélie se rend une première fois au Palais de Justice de Liège. Là, un juge de paix va lui indiquer que l'acte de notoriété de 2006 est bel et bien toujours valable. Fort de cet appui, elle retourne voir l'officier de l'état civil. Mais ce dernier maintient sa position rappelant que le Parquet le soutient et qu'il faut un nouvel acte de notoriété. Thierry Dechamps, l'officier de l'état civil de Saint-Nicolas, détaille: "Monsieur brandit son ancien acte de notoriété que le Parquet a refusé de prendre vu qu'il n'était que fourni dans le cadre de la nationalité belge. Ici, c'est pour un mariage. Le Parquet lui a demandé donc de faire un nouvel acte de notoriété." Une version qui varie de celle du juge de paix qu'Aurélie a consulté. Les semaines passent, la cérémonie approche, le couple est dans l'impasse.


Tout dépend de l'utilité

Alors qui dit vrai ? Qui a raison?

Lors de la rédaction de cet article, nous avons contacté pas moins de 5 avocats, parquets, juristes spécialisés dans le droit de la famille. A chaque fois, les réponses étaient floues ou les spécialistes du droit ne pouvaient nous répondre avec certitude sur ce point. Un véritable brouillard juridique entoure la validité d'un acte de notoriété. Pour certains, l'acte de notoriété est un document n'ayant aucune date de péremption et est utilisable à vie. D'autres s'alignent sur la version de l'officier de l'état civil et du Parquet de Liège.

En réalité, la confusion vient d'un changement de loi en 2013. Sous l'impulsion de la ministre de la justice de l'époque, Annemie Turtelboom, l’article 5 du code de la nationalité dans le cadre d’une demande de nationalité a été modifié. Résultat, depuis 2013 un acte de notoriété obtenu dans le cadre d’une procédure de nationalité ne peut plus être utilisé pour un mariage. Il faut désormais un acte de notoriété par procédure. Malgré ce changement de loi, certains continuent donc de penser qu'un acte de notoriété peut être utilisé à vie, quelle que soit la procédure.


La cérémonie sur le point d'être annulée

En avril, Aurélie contacte des avocats qui se disent prêts à porter l'affaire en justice. Mais c'est une option qu'elle n'envisage guère, vu les coûts d'une telle démarche. Autre problème, et de taille celui-ci: les frais pour la cérémonie du mariage sont réglés. "Tout est déjà quasi payé. Salle, traiteur, alliances, costume, robes. L'église est réservée. Les invités conviés." C'est la panique. Mais c'est sans compter sur la volonté insondable du couple de s'unir. Alors il y a quelques jours, Aurélie tente le tout pour le tout et se rend une fois de plus au Palais de Justice de Liège, déterminée à résoudre la problématique. A l'étage du Parquet, on maintient la version d'un nouvel acte de notoriété à produire. Plus bas, à l'étage du juge de paix on campe sur ces postions: pas nécessaire d'en produire un nouveau. Aurélie est au bord de la crise de nerfs. "Le pire, c'est qu'ils sont tous dans le même immeuble. C'est aberrant, aucune communication entre eux. Limite, ils se chamaillaient entre eux par rapport aux articles de loi." On invite Aurélie à revenir le lendemain, le temps de la réflexion et de tirer l'affaire au clair. "Nous étions vraiment désespérés. Mentalement, physiquement, on en pouvait plus. On se sentait pas écouté. On a pensé annuler le mariage."

Grégory est belge! Pourquoi on chipote comme ça?

Vendredi 31 mai. Aurélie se rend au Palais de justice la boule au ventre. Elle va être fixée. Elle est reçue par une juriste déléguée par ordonnances du Procureur du Roi. "Je lui explique toute la situation." Aurélie insiste sur l'urgence et sur un élément-clé: "Grégory est Belge! Pourquoi on chipote comme ça? Il n'a eu aucun souci pour obtenir la nationalité belge ou un crédit à la banque. Il est belge, papa de nos trois enfants, ce n'est en rien un mariage frauduleux." Tenant compte de la nationalité Belge de Grégory et de l'approche de la cérémonie, le Parquet va permettre la tenue du mariage à titre exceptionnel. Néanmoins, le Parquet oblige Grégory à entamer des démarches pour obtenir un nouvel acte de notoriété, et ce avant le début de mariage; même si celui-ci sera forcément obtenu après la cérémonie. Aurélie remercie le Parquet et la juriste qui lui sont venue en aide et souligne que la juriste a été d'une "grande compréhension et d'une grande écoute".

C'est le soulagement à Saint-Nicolas pour le couple. "Il était temps. C'est un poids d'enlever. On a montré le papier à nos deux familles. Ce weekend on va trinquer à cela", nous raconte Aurélie. "On peut enfin sourire et continuer à avancer", elle qui dit avoir voulu raconter son histoire car d'autres personnes doivent peut-être rencontrer la même situation. 

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