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Avec le télétravail, Michaël, un restaurateur bruxellois, ne parvient plus à joindre les deux bouts: "Tout ce que j'ai construit est anéanti"

Michaël tient à un restaurant depuis de nombreuses années près de la gare du Nord, à Bruxelles. Ces derniers mois ont été très compliqués pour ce restaurateur de 37 ans, dont la majorité de la clientèle est constituée de travailleurs des bureaux environnants. Avec le télétravail à 4 jours par semaine, plus personne ne vient dîner dans son établissement le midi, se plaint-il. C’est dans "un état de détresse" qu’il a poussé le bouton orange Alertez-nous pour faire entendre sa situation.

"On oublie trop souvent, lors de cette crise sanitaire, les établissements Horeca qui travaillent dans les quartiers de bureaux", "On ne parle pas assez de la situation des commerces qui sont dans les quartiers de bureaux", "A cause du télétravail, le quartier Schuman et la fréquentation est presque nulle. Le droit passerelle et les primes ne couvrent en aucun cas les frais fixes auxquels il faut faire face…" Vous avez été plusieurs à presser le bouton orange Alertez-nous pour pointer du doigt cette situation à laquelle certains commerçants sont confrontés. Depuis la réinstauration du télétravail à 4 jours par semaine, les bureaux n’accueillent plus autant de travailleurs. Prendre son dîner en ville ou faire ses achats sur le temps de midi est donc devenu très rare.

Michaël tient un restaurant du côté de la gare du Nord à Bruxelles. Depuis quelques mois, il sent la différence. Les choses sont devenues très compliquées. "Il est midi, je me retrouve ici avec une seule table dans mon établissement… alors qu’avant le Covid, c’était rempli", nous raconte-t-il, gorge nouée. Pour lui donner un coup de main dans son restaurant, ce responsable Horeca de 37 ans a fait appel à ses parents. Ses employés se trouvent, quant à eux, toujours en chômage temporaire. Ils ne sont en réalité jamais revenus au boulot. "Avant, j’avais trois temps plein et deux flexi-jobs. Mais ça ne sert à rien de les reprendre pour le moment… Mon papa est pensionné mais il vient m’aider. J’ai aussi mon chef de cuisine qui fait partie de mon équipe", développe Michaël.

Pour lui, ce sont clairement les mesures liées au télétravail qui sont en cause. "Même si le gouvernement n’a pas imposé le télétravail à 100%, les travailleurs qui peuvent revenir un jour par semaine ne le font pas quand c’est sur base volontaire. Ils préfèrent rester chez eux", regrette celui qui ne parvient plus à joindre les deux bouts. "Je les comprends tout à fait, ils ne perdent pas une heure aller-retour, ils peuvent déposer les enfants à l’école et les reprendre, ils peuvent faire autre chose dans la maison pendant les pauses… Mais il faut penser aux commerçants. 95% de ma clientèle, ce sont des gens qui travaillent dans les différentes sociétés aux alentours…", poursuit-il.

Un signal d’alerte au gouvernement

Michaël nous dit enregistrer une perte de 70% de son chiffre d’affaires. "Je ne sais pas comment je vais subvenir à ma société. Cela fait deux ans que ça dure… voilà mon état de détresse", dit-il. Et c’est précisément cet état de détresse qui l’a poussé à prendre contact avec notre rédaction. "C’est un signal d’alerte que je veux faire car je pense que je ne suis pas le seul dans cette situation. Je veux que le gouvernement entende ça." Mais selon le Ministre fédéral des Indépendants et des PME, le gouvernement est déjà bien conscient de la situation. David Clarinval rappelle d’ailleurs que des aides sont toujours à disposition de ces commerçants, notamment la possibilité de réduire ou de reporter le paiement des cotisations sociales. "Il y a la double passerelle quand ils sont complètement fermés mais aussi la simple passerelle quand ils ont une diminution du chiffre d’affaires de 40% par rapport à 2019, même s’ils sont ouverts. Ils peuvent demander une simple passerelle, elle leur sera octroyée quel que soit le secteur dans lequel ils sont actifs", insiste-t-il.

Le simple droit passerelle, Michaël en bénéficie déjà mais il estime que ce n’est pas suffisant. "J’ai droit à 1.330 euros. Et comme je suis en société, je suis en plus taxé à 30% dessus. Quand on a un loyer à payer, des charges fixes de 5 à 6.000 euros, comment voulez-vous que je m’en sorte ?", déplore le restaurateur. Pour s’en sortir, ce gérant a dû faire quelques sacrifices, à commencer par puiser dans ses propres réserves financières. Il a aussi dû restreindre sa carte afin de minimiser les pertes et proposer des produits qui tiennent un peu plus longtemps dans le temps. Il a également arrêté son contrat avec sa société de nettoyage. "Je fais moi-même maintenant pour maintenir ma société qui ne sait pas subvenir à tous ces frais supplémentaires." Michaël a même essayé d’ouvrir son restaurant durant le week-end, mais là encore, les efforts ne se sont pas montrés concluants. "J’ai passé 12 heures ici pour vendre deux cafés donc j’ai abandonné. Ça ne servait à rien."

C’est toute ma vie l’Horeca, je n’ai connu que ça. Tout ce que j’ai construit est anéanti

S’adapter continuellement à la situation, c’est malheureusement aujourd’hui le lot de nombreux commerçants. "On voit que dans certains quartiers des grandes villes, comme à Bruxelles, il y a une forte diminution des personnes présentes dans les bureaux de par le télétravail", reconnaît le ministre David Clarinval qui tempère ensuite : "Il est possible qu’à long terme, des adaptations des commerces soient nécessaires. Certaines devront peut-être s’adapter en conséquence. Mais pour le moment, on n’en est pas encore là."

Pourtant, du côté du Syndicat Neutre pour les Indépendants (SNI), on incite déjà les commerçants à se développer dans le commerce en ligne. "A partir du moment où la grande majorité des travailleurs se trouvent en télétravail parce que le Codeco l’exige ainsi, c’est autant de consommateurs qui restent chez eux et qui ont également des habitudes de consommation différentes. Directement, les sandwicheries, les petits restaurants et brasseries installés autour des zonings sont les premiers à payer l’addition. Nous conseillons donc aux commerçants de travailler pendant cette période-là sur l’e-commerce par le net", nous explique Christophe Wambersie. Le président du SNI estime en effet qu’il est indispensable "d’entretenir la relation avec son client" pour "les inviter à venir leur rendre visite, avoir des promotions et d’autres activités."

Des mesures pour éviter la désertification des quartiers de bureaux

Malgré ses multiples aménagements, Michaël nous confie tout de même avoir très peur pour l’avenir et pour son restaurant. Une affaire familiale qui dure depuis 22 ans et qu’il ne voudrait pas voir s’écrouler à cause de la crise sanitaire. "Jamais je n’aurais cru que ça nous tomberait comme ça sur la tête. C’est toute ma vie l’Horeca, je n’ai connu que ça. Tout ce que j’ai construit est anéanti. On se réveille un jour et tout s’arrête. Tout le quartier est mort, tout le monde souffre et on ne voit pas le bout du tunnel." Une situation difficile que comprend très bien l'administrateur général de Comeos, la Fédération belge du Commerce et des Services. Dominique Michel estime en effet que les craintes de ce restaurateur sont tout à fait justifiées puisque le télétravail pourrait s'installer de manière durable. "Il y a une sorte de désertification des centres-villes qui va encore s'accélérer. On estime que, même après la période Covid, il y aura beaucoup d'entreprises qui vont continuer avec une partie de télétravail et une partie de travail en physique", souligne-t-il. 

Le défi, selon le représentant de Comeos, sera donc de lutter un maximum contre "la désertification de zones entières", dans ces villes constituées de nombreux bureaux. "On doit examiner les mesures qui doivent être prises pour les soutenir et évaluer les impacts de fond sur l'ensemble des secteurs du commerce et de l'Horeca. Certaines entreprises sont parvenues à bien récupérer mais un certain nombre d'entreprises, particulièrement dans les quartiers touchés par le travail à distance, doivent être aidées et c'est à ça que l'on doit s'atteler maintenant", soutient Dominique Michel.

Le souhait de notre restaurateur de 37 ans est aujourd'hui très clair: tre entendu par le politique car la situation d’un commerçant n’est pas celle d’un autre." Et même si les commerçants n’en ont pas nécessairement l’impression, le Ministre fédéral des Indépendants assure "se battre tous les jours au Codeco et en Kern" pour les secteurs touchés par la crise. "J’espère qu’on va pouvoir sortir de cette crise rapidement et que les indépendants vont pouvoir retrouver des couleurs", conclut David Clarinval.

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