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Un employé de bpost dénonce des pressions de la direction en cas d'absentéisme: "On commence à avoir peur d'être malade"

Via le bouton orange Alertez-nous, un employé d'un centre de tri de bpost évoque la peur d'être malade. Certains collègues n’oseraient plus s’absenter aujourd’hui par peur de représailles. Comment réagit la direction ? Ce sentiment de pression est-il justifié ? Et est-il observé dans d’autres entreprises ?

"On est des êtres humains, pas des machines (...) On commence à avoir peur d'être malade". Ce travailleur œuvre dans un centre de tri au sein de bpost. Via le bouton orange Alertez-nous, il dénonce de difficiles conditions de travail. Il évoque une pression accrue de la part de la direction sur les employés. 

Ce n'est pas rare que l'on vienne travailler même malade

"Depuis un certain temps, on a une pression de la part du manager au niveau des absences et des maladies. C'est devenu une forme de harcèlement. On vous demande de justifier vos absences. On nous dit 'Tes absences commencent à poser un problème', 'Si tu es encore absent, la prochaine étape est ton C4'", assure-t-il. La pression serait telle que les employés n'osent plus déclarer leurs accidents de travail, ni même s'absenter pour cause de maladie. "Ce n'est pas rare que l'on vienne travailler même malade", affirme-t-il. 

Cet employé rapporte que face à cette situation, le personnel préfère prendre des jours de congés en cas de maladie plutôt qu'un arrêt de travail. Le but: minimiser le nombre de certificats médicaux et ainsi les absences pour maladie. "L'année dernière, j'ai été malade. J'ai pris une semaine de repos pour ne pas remettre un certificat médical et être convoqué aux entretiens. J'évite les entretiens en mettant des jours de repos lorsque je ne me sens pas bien", confie-t-il. 

27.000 employés chez Bpost Belgique

Selon lui, au-delà de 20 jours d'absence durant une année, le personnel de bpost est licenciable. "On a une angoisse. On sait que si l'on se permet d'être malade, on va avoir une pression et entrer dans le collimateur. On est automatiquement reconvoqué", affirme-t-il. 

27.000 personnes travaillent pour bpost en Belgique. L'entreprise possède cinq centres de tri sur le territoire belge. Sur place, le personnel se charge du tri des lettres et des colis. La direction se dit surprise par de telles accusations. On nous explique que, comme dans de nombreuses entreprises, la crise sanitaire a perturbé son fonctionnement et entraîné une charge de travail conséquente pour les employés.

"Après le pic de fin d’année 2021, nous sommes entrés dans une phase plus calme en termes de charge de travail mais la turbulence liée à Omicron s’est bel et bien poursuivie jusque mi-février. Nous comprenons que ce contexte compliqué ait pu avoir des conséquences négatives sur le vécu et le ressenti de certains collaborateurs", nous explique-t-on. Avant d'ajouter: "Le bien-être de notre personnel est notre priorité. Toute forme de licenciement reste un échec pour l’entreprise".

Quant aux formes de pression liées à l'absentéisme, la firme dément. "Nous n’exerçons aucune pression sur nos employés malades (...) Les problèmes récents sont liés à la récente vague du virus Omicron. Nous accordons une attention particulière au bon suivi de la situation de nos employés afin de mieux les accompagner pour faciliter un retour au travail sans pour autant leur mettre la pression", rapporte Laura Cerrada Crepo, porte-parole pour la firme. 

Des entretiens sont bel et bien réalisés en cas d'absence mais selon la direction, ils ont pour but de "trouver une solution appropriée pour le bon déroulement de l’organisation de l’entreprise". La médecine du travail est également impliquée. "Nous recrutons et formons nos employés dans une perspective durable et non pas en vue de les licencier au bout de 20 jours en cas d’absence", ajoute la porte-parole. Au sein de bpost, des conseillers en prévention ainsi que des assistants sociaux sont présents pour garantir le bien-être des employés. 

Concrètement, les "entretiens absentéisme" existent depuis longtemps chez bpost. Ils ont été suspendus pendant la période de la crise sanitaire. Depuis quelques semaines, ils refont leur apparition au sein de l'entreprise. Du côté du syndicat CGSP Poste, aucune plainte liée à ce type d'entretiens n'a, pour l'heure, été relevée. "On appelle ça un entretien absentéisme. On n'appelle pas ça une punition. Lors d'un entretien absentéisme, on essaie de mesurer les dérives dans un sens comme dans l'autre, autant pour l'employeur, que pour l'employé", explique Thierry Tasset, secrétaire général CGSP Poste. 

Marie Lamoral est conseillère chez Mensura, un service Externe de Prévention et de Protection au Travail. Elle confirme que des entreprises mettent en place des entretiens avec leurs employés à leur retour de congés maladie. Et elle reconnaît que cette démarche n'est pas toujours bien perçue par les travailleurs. "Certains ont l'impression que c'est une manière de devoir se justifier et que c'est une intrusion dans la vie privée", explique-t-elle.

Pourtant, la conseillère estime que ces entretiens sont souvent réalisés dans l'intérêt du travailleur et de la direction. Car de plus en plus d'organisations mettent en place des politiques d'absentéisme. "C'est quelque chose qui se faisait moins avant par la peur du secret médical et le fait de ne pas vouloir trop aborder l'absentéisme en entreprise", assure la conseillère. Cela passe notamment par des entretiens entre le salarié malade et la direction. "L'idée est de lui permettre de reprendre le travail avant la reprise ou au moment de la reprise", estime Marie Lamoral. 

Aller travailler en étant malade porte un nom. C'est ce que l'on appelle le présentéisme, ou absentéisme rose. Cela s'explique pour plusieurs raisons: la crainte de devoir se justifier auprès de la direction mais aussi la peur de désorganiser son entreprise. 

Selon une étude du prestataire de services RH SD Worx réalisée auprès de 25.000 employeurs et 190.000 employés en Belgique, l'absentéisme a atteint un niveau record en 2021. Ce dernier a atteint 6,13% contre 5,33% en 2019. Plus de la moitié des travailleurs ont été absents au moins un jour pour cause de maladie de courte durée. Les secteurs les plus touchés par l'absentéisme sont ceux dans lequel le télétravail n'est pas possible. C'est donc notamment le cas dans le commerce et la production alimentaire, l'industrie, le secteur des transports et la logistique.

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