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Caroline en incapacité de travail parce qu’elle souffre de rectocolite hémorragique: "Pourquoi le délai est si long pour toucher les indemnités de la mutuelle?"

Atteinte par une maladie inflammatoire du côlon, Caroline doit se prêter chaque mois à des séances d’injection par intraveineuse. Un traitement qui a peu à peu perdu son efficacité. Son état de santé actuel ne lui permet pas toujours d’effectuer ses recherches d’emploi.

Caroline est une jeune maman de 26 ans, sans emploi, qui souffre de rectocolite ulcero hémorragique depuis trois ans. Cette maladie inflammatoire chronique des intestins lui cause des douleurs intenses et la contraint à aller à la selle en urgence de nombreuses fois par jour.

En période de crise, cette habitante de la périphérie bruxelloise n’est plus en mesure de travailler. Alors elle ne touche plus d’allocation de chômage versée par la FGTB, mais des indemnités d’incapacité de la Mutualité Chrétienne.

Au mois de mai et juin, elle raconte n’avoir touché que 200 euros de chômage, mais pas d’indemnité de son organisme assureur: ses certificats médicaux, pourtant envoyés en recommandé, n’auraient pas été reçus par la Mutualité Chrétienne. Ce qui a retardé le paiement. "Je suis maman, j’ai des factures à payer, comment on vit avec 200€ pour le mois ?", écrit-elle via le bouton orange Alertez-nous.

Des diarrhées sanguinolentes, premiers symptômes de cette maladie inflammatoire des intestins

Les problèmes de santé de Caroline ont commencé après la naissance de son premier enfant en février 2018. "Je me suis retrouvée à avoir des urgences intestinales et je n’avais que du sang qui sortait", raconte-t-elle. "Les symptômes de rectocolite ulcero hémorragique, c’est principalement la diarrhée qui, souvent, est sanguinolente. C’est à dire qu’il y a du sang dedans", explique le Professeur Piessevaux, chef du service d'Hépato-gastroentérologie des Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles. "J’ai été consultée un gastro en urgence qui m’a confirmé, après une coloscopie, la présence la maladie", poursuit la mère de famille, qui vit à Woluwe-Saint-Etienne. "Le diagnostic se fait par un examen endoscopique. C’est-à-dire aller voir avec une caméra dans les intestins (…) On voit les ulcères et on peut faire des prélèvements qui confirment ce diagnostic", explique le Professeur.

Cette maladie s’appelle "rectocolite" parce qu’elle atteint le rectum (les derniers centimètres du colon) et le colon. "Ulcero hémorragique", parce qu’elle provoque des ulcères dans les intestins, des ulcères qui saignent. C’est une "maladie inflammatoire chronique idiopathique" : il y a une inflammation des intestins qui est chronique et dont on ne guérit pas. "Idiopathique", terme médical utilisé pour dire qu’on n’en connait pas la cause. "On doit voir les maladies inflammatoires chroniques des intestins un peu comme une activation de notre système immunitaire, comme si on avait eu une transplantation, qui rejette l’organe. Dans ce cas-ci notre propre côlon", explique le Professeur Piessevaux. À la différence de l’autre maladie inflammatoire chronique des intestins, la maladie de Crohn, la rectocolite ulcero hémorragique n’atteint que le colon, pas le reste de l’intestin.

Caroline connaissait déjà cette maladie parce que sa mère et sa grand-mère l’ont également. S’agit-il d’une maladie héréditaire ? "Pas strictement, répond le spécialiste. Quand quelqu’un a cette maladie, ses enfants ne l’auront pas forcément. Mais il y a des familles où la maladie survient un peu plus fréquemment d’autres".

Le traitement que caroline a suivi pendant deux ans ne fonctionne plus

Si la rectocolite ulcero hémorragique ne se guérit pas, elle se soigne. Pour Caroline, le traitement consiste en des séances de perfusion intraveineuse, une fois par mois, à l’hôpital. "On perfuse des anticorps qui vont aller bloquer certaines voies inflammatoires dans notre corps. Au lieu d’écraser tout notre système immunitaire avec de la cortisone ou des médicaments, il y a des substances qui vont agir de façon plus spécifique avec des anticorps pour aller bloquer certaines voies de signalisation qui transmettent l’inflammation dans notre système immunitaire", explique le Professeur Piessevaux.

Depuis le diagnostic de sa maladie, le traitement de Caroline a dû être adapté. Pendant deux ans, Caroline s’est vu administrer du Remicade par intraveineuse, un anticorps anti-TNF (Tumor Necrosis Factor) : le TNF est une molécule présente naturellement dans l’organisme, mais qui, secrétée en trop grande quantité, engendre une inflammation des tissus. En se fixant sur cette molécule, les anti-TNF, comme Remicade, bloquent son action et diminuent l’inflammation.

Ce traitement, Remicade, a fonctionné un temps, puis n’a plus fait effet. "Au bout d’un moment ça ne marche plus, confirme le Professeur. Soit parce que la maladie devient plus grave. Ça, on ne sait pas très bien pourquoi. Soit à cause d’un mécanisme qui fait que notre propre corps fabrique des anticorps contre le Remicade, contre les anticorps qu’on perfuse". Depuis le mois de mars, Caroline est donc passée à des injections d’Entyvio, un immunosuppresseur utilisé lorsqu’il y a une perte de réponse aux anti-TNF. Mais pour Caroline, ce nouveau traitement ne fonctionne "pas du tout", déplore-t-elle.

La cortisone, efficace, mais à éviter sur le long terme

Caroline est tombée enceinte au mois d’avril. Les médecins ne veulent pas changer son traitement avant l’accouchement. Alors Caroline prend de la cortisone (des comprimés de "médrol") qui s’utilise lorsque la rectocolite se manifeste de manière plus aigüe. "Comme ça fonctionne bien, ça peut souvent couper une crise. Mais il faut éviter d’en prendre de façon chronique", note le Professeur Piessevaux. Il existe d’autres façons d’administrer de la cortisone (mousse, médicaments) pour essayer d’éviter les effets secondaires, précise-t-il.

L’ablation du rectum et du côlon en dernier recours

Les traitements varient en fonction de la sévérité de la maladie. Cette sévérité peut aller de presque pas de symptômes, avec une atteinte sur quelques centimètres au niveau du rectum, jusqu’à une forte altération de l’état général, lorsqu’il y a une crise aigüe et que tout le gros intestin est touché, explique le Professeur Piessevaux. Pour une atteinte de quelques centimètres, le traitement peut se limiter à des médicaments locaux, des suppositoires ou des lavements. Dans les cas les plus graves, une opération est nécessaire, qui consiste à enlever tout le côlon et tout le rectum. "Elle a l’avantage d’être radicale. Puisque le sujet de la maladie a disparu, on est guéri", note le Professeur. Il est possible de vivre sans côlon car sa fonction se limite à extraire du liquide pour obtenir des sels liquides. "Comme ça n’intervient pas dans l’absorption des aliments, on sait tout à fait bien se nourrir sans gros intestin, explique le Professeur. C’est juste un petit peu moins confortable pour le patient qui a plus de perte de liquide, puisqu’il n’a plus cette fonction de concentration et d’extraction d’eau".

Un quotidien bouleversé en période de crise

Lorsqu’elle est en période rémission, Caroline mène une vie "tout à fait normale". Mais pour le moment, elle vit des moments difficiles. "Cette maladie me fatigue énormément", confie-t-elle. Souvent, Caroline dort une grande partie de la journée. En outre, elle évoque "des crampes abdominales à en pleurer" et des "migraines atroces". Et elle va jusqu’à 20 fois par jour aux toilettes, ce qui finit par faire mal. "Il n’y a que du sang qui sort", note-t-elle. Et ces passages à la selle doivent se faire "dans la minute", dit-elle.

En incapacité de travail, elle a attendu de longues semaines le versement de ses indemnités

"Tant que la maladie n’est pas contrôlée, c’est incompatible avec un emploi", raconte Caroline. Depuis qu’elle a perdu son travail de secrétaire en octobre 2018, son foyer vit du salaire de son mari, employé aux cliniques universitaires Saint-Luc, et de ses allocations de chômage, qui s’élèvent à 600, 700 euros par mois, indique-t-elle.

Dans sa situation actuelle, Caroline n’est pas capable de suivre les formations que lui propose le VDAB (le service de l’emploi flamand), même en ligne : "Je n’arrive même pas à suivre le cours parce que je suis plus aux toilettes que derrière mon écran", constate-t-elle. Trois semaines au mois de mai, puis trois semaines au mois de juin, Caroline a donc dû se déclarer en incapacité de travail. Ce qui arrive fréquemment dans le cadre de la maladie chronique qui l’affecte.

"J’envoie toujours mes certificats médicaux le jour où je les reçois du médecin. Généralement, ils [la Mutualité chrétienne, Ndlr] mettent trois, quatre, semaines à payer", raconte Caroline. Mais cette fois-ci, au mois de mai et juin, Caroline n’a perçu que ses allocations de chômage, amputées des sommes qui correspondent aux jours d’incapacité de travail, soit environ 200 euros pour chacun de ces mois. "C’est inadmissible qu’on laisse les gens dans une telle galère !"

Un imbroglio administratif, cause du retard de paiement ?

Par téléphone, les démarches pour réclamer ses indemnités d’incapacité auprès de la Mutualité Chrétienne ont été fastidieuses : "J’ai tout le temps une version différente en fonction de la personne avec laquelle je parle au bout du fil. On m’a dit la première fois qu’on n’aurait jamais reçu mes documents, alors que j’avais envoyé avec accusé de réception. Finalement, j’ai pu avoir un rendez-vous en agence fin juin".

Elodie Debrumetz, porte-parole de la Mutualité Chrétienne, affirme qu’il s’agit d’un "problème individuel". "Nous n’avons aucun problème de retard de paiement des indemnités", assure-t-elle. "Concernant ce dossier spécifique, le retard s’explique par le fait que nous n’avions pas reçu la feuille de titulaire complété, des courriers se sont croisés, certains montants renseignés étaient erronés, il a fallu le temps de les corriger et les documents qui nous avaient été envoyés n’étaient pas adressés à la bonne adresse", affirme Elodie Debrumetz. Il s’agissait pourtant de l’adresse habituelle, réagit Caroline. Celle-ci a finalement touché 470 euros d’indemnité mi-juillet pour ses jours d’incapacité du mois de mai. Elle doit recevoir mi-août ses indemnités correspondant à sa période d’incapacité du mois de juin.

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