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Charlène, une habitante d'Arlon, a du mal à trouver son médicament en pharmacie: le coronavirus jouerait un rôle

Le médicament qui l'aide à soigner son Lupus, une maladie auto-immune, est plus difficile à trouver en ce moment. En cause, des laboratoires s'intéresseraient de près au principe actif du médicament, l'hydroxychloroquine. Son effet pourrait être efficace contre le coronavirus.

"On doit galérer pour se soigner et on trouve cela anormal." Charlène (prénom d'emprunt car elle veut garder l’anonymat), une quarantenaire de la région arlonnaise, souffre d'un maladie chronique auto-immune: le lupus. Son système immunitaire s’attaque à des cellules de son organisme. Les principaux symptômes sont des lésions au niveau de la peau et des douleurs articulaires.

Une hypothèse, le coronavirus

Depuis les récents événements liés à la propagation de la maladie Covid-19, Charlène affirme avoir de plus en plus de mal à se procurer dans les pharmacies le médicament qui permet de stabiliser sa maladie: le Plaquenil. Or, "c'est indispensable pour mes douleurs, sinon elles se réveillent et ce sont de graves complications", explique-t-elle . En 20 ans de traitement, elle déclare n'avoir jamais rencontré un tel manque de Palquenil dans les pharmacies. Elle évoque même une réelle "pénurie." "En voulant racheter une boite, on m’a dit qu’il n’y en avait plus." La soeur de Charlène qui souffre également du lupus rencontrerait les mêmes difficultés dans le Brabant wallon.

Grâce à l'aide de sa pharmacienne qui a du contacter plusieurs autres officines, Charlène a finalement pu s'en procurer et se constituer une réserve.

Pas de pénurie

Selon la pharmacienne de Charlène, des laboratoires se pencheraient en ce moment sur le Plaquenil car son principe actif serait efficace pour lutter contre le coronavirus. Joint par nos soins, l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) évoque un manque de disponibilité du Plaquenil en ce moment mais pas jusqu’à une pénurie. Anne Eeckhout, est la porte-parole de l'AFMPS. Elle fait savoir: "On a déjà eu certaines questions ces derniers temps sur ce médicament, mais on n’a pas de réels problèmes sur le territoire. Nous n’avons pas d’indications que le Plaquenil est indisponible. Le médicament n’est visiblement pas disponible dans certaines pharmacies, mais il reste toujours la possibilité de le commander." Anne Eeckhout invite les consommateurs à se rendre sur PharmaStatut.be. La plate-forme est quotidiennement mise à jour par des membres de l'AFMPS. Elle renseigne sur les pénuries existantes de médicaments en Belgique. A ce jour, le Plaquenil n'y figure pas.

Nous ne sommes pas en rupture de stock

L'AFMPS dit avoir récemment contacté Sanofi, la firme qui produit le médicament.  L'entreprise confirme que la demande a augmenté ces derniers temps mais se montre rassurante: "On reste vigilant au niveau des commandes même si, oui, elles sont plus élevées que d'habitude" informe Sophie Van Wel, directrice de communication de Sanofi.  Ces demandes proviennent d'hôpitaux mais aussi d'un grossiste en médicaments. "On ne peut pas honorer cette plus forte demande. Nous gardons telles quelles les commandes habituelles. Il s'agit d'un médicament pour soigner le lupus tout de même. On surveille la situation de très près. Nous ne sommes pas en rupture de stock" assure-t-elle. Du côté de l'Association Pharmaceutique Belge (APB), aucune pénurie de Plaquenil dans les pharmacies n'a été remontée, nous dit-on.

Comment expliquer le phénomène? 

Alors, comment expliquer cette plus forte demande du Plaquenil au niveau des commandes ? Des consommateurs feraient-ils des réserves par crainte? Ou des laboratoires l'utiliseraient en ce moment afin de réaliser des tests? Il semblerait que la deuxième hypothèse soit la plus crédible, sans pour autant écarter la première. Pourquoi ? Depuis l'apparition du Covid-19, des dizaines d'essais cliniques à travers le monde sont en cours. Leur but: tester sur le SARS-Cov-2 (le virus de la maladie coronavirus Covid-19) des antiviraux efficaces pour d'autres infections. Parmi les molécules qui ont montré une certaine efficacité, il y a la chloroquine qui a démontré une activité in vitro contre le virus.

Des essais encourageants

Fin février, un traitement contre le paludisme à base de chloroquine a montré des signes d'efficacité contre le nouveau coronavirus. Selon une étude chinoise publiée le 19 février, un essai clinique mené dans une dizaine d'hôpitaux chinois pour mesurer "l'efficacité de la chloroquine sur le traitement de pneumonies associées au Covid-19" a donné des résultats encourageants avec des essais sur "plus de 100 patients". D'après les scientifiques auteurs de l'étude, le phosphate de chloroquine s'est révélé "plus efficace que le traitement reçu par le groupe comparatif pour contenir l'évolution de la pneumonie, pour améliorer l'état des poumons, pour que le patient redevienne négatif au virus et pour raccourcir la durée de la maladie".

Cette étude -très succincte- a été publiée dans la revue BioScience Trends de façon préliminaire, c'est-à-dire sans avoir été validée par un comité d'experts scientifiques. Plusieurs experts appellent à la prudence en l'absence d'études plus poussées et en raison de ses effets indésirables qui peuvent être graves. De plus, l'étude ne donne pas de chiffres permettant de quantifier l'efficacité de la molécule par rapport au traitement administré au groupe témoin.

Une ruée "catastrophique"

Quel rapport avec le Plaquenil? Eh bien, le principal actif du Plaquenil, c'est l'hydroxychloroquine. L'hydroxychloroquine a des propriétés similaires à celles de la chloroquine, avec une absorption gastro-intestinale rapide et une élimination par les reins. Résultat, des laboratoires belges s'intéresseraient de près au Plaquenil, ce qui pourrait expliquer les commandes plus importantes mentionnées par Sanofi et le manque observé dans des pharmacies. Pour l'Association Pharmaceutique Belge, cette "ruée sur ce médicament dont l’intérêt n’est pas démontré pour le coronavirus serait catastrophique pour les patients qui en ont réellement besoin", tient à faire savoir Alain Chassepierre, porte-parole de l'APB. 

La maladie Covid-19 a déjà provoqué plus de 100.000 contaminations et plus de 3.800 morts dans le monde. Plusieurs pays continuent de tester de nombreuses molécules pour trouver un traitement,en attendant la mise au point d’un vaccin qui demande beaucoup plus de temps.

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