Accueil Actu

Charleroi: Willy et son épouse vivent avec des panneaux à leurs fenêtres depuis un an suite à un incendie survenu en face

L'incendie d'un bâtiment de la Sambrienne a provoqué l'explosion des fenêtres de la maison d'en face sous l'effet de la chaleur. Depuis lors, ses occupants vivent avec des panneaux à leurs châssis. La société de logements sociaux Sambrienne assure avoir fait tout son possible pour les aider. Un problème d'assurance est au coeur de cette situation précaire.

Le problème de Willy, 87 ans, et de son épouse, 77 ans, débute dans la matinée du 12 octobre 2017. Il n'est même pas 6h lorsqu'une ardente lueur sort de sa torpeur la rue du Fort à Charleroi. Un violent incendie embrase un vieux bâtiment appartenant à la société de logement de service public La Sambrienne. Celui-ci est situé juste en face de la maison du couple. Les maisons avoisinantes sont menacées et les pompiers font appel à des renforts de plusieurs casernes pour combattre les flammes. Après une lutte acharnée, les hommes du feu parviennent à maîtriser l'incendie.

L'immeuble de La Sambrienne a auparavant abrité les Restos du Cœur. Mais depuis que l'association a quitté les lieux en 2015, de nombreux sans-abris et squatteurs occupent régulièrement l'endroit. Heureusement, l'incendie n'a fait aucune victime. En revanche, il a fait de gros dégâts, y compris à l'habitation du couple de personnes âgées.

Le bâtiment de la Sambrienne en juin 2017, avant l'incendie © Googlemaps

Il fait noir partout dans la maison

Plusieurs mois après l'incendie, Nicolas passe devant la maison de Willy et remarque les panneaux fixés aux châssis. Il discute avec les habitants et c'est lui qui nous prévient de la situation via notre bouton orange Alertez-nous: "Suite à l'incendie, les vitres de la maison ont explosé. Deux personnes plutôt âgées y habitent. Elles ont passé l'hiver comme ça. Personne ne s'en préoccupe".

Nous contactons alors Willy. Il nous raconte habiter la rue depuis plus de cinquante ans. Il vit avec sa femme et son fils handicapé. "Je connais le quartier depuis toujours. Je n'ai jamais eu de problème ici. Mais depuis que le bâtiment d'en face a été abandonné, des squatteurs sont venus. C'est probablement eux qui ont provoqué le feu. La Sambrienne n'a jamais fait quoi que ce soit pour sécuriser les lieux", affirme-t-il.

Résultat: "Les carreaux ont cassé, dans ma salle de bain les châssis ont fondu. On est venu mettre des plaques en bois pour protéger un peu. Maintenant il fait noir partout dans la maison", nous décrit Willy. "Ça va déjà faire plus d'un an que nous sommes sans fenêtres et que nous avons une maison abîmée. Mais nous ne sommes plus jeunes, donc aucune banque n'accepterait de nous prêter l'argent pour réparer", ajoute-t-il, dépité.

© Googlemaps - RTL INFO

Nous interrogeons Willy sur son assurance. Pourquoi n'est-elle pas intervenue pour couvrir les dégâts? Ses explications sont malheureusement vagues. Nous prenons donc les coordonnées de son courtier pour en savoir plus.


Le couple n'était plus assuré au moment de l'incendie

Sébastien Bosmans, courtier en assurances et administrateur du Bureau Wérion, nous explique la situation. "Monsieur et madame avaient auparavant une assurance via un autre courtier. D'après ce que j'ai pu comprendre via nos contacts avec eux et avec leur précédent assureur, un dégât des eaux est survenu chez eux. Il y a eu un désaccord durant le traitement de leur dossier et la compagnie d'assurances a résilié le contrat. Nous avons vérifié, et la procédure de résiliation a été faite de façon valable", confie Sébastien Bosmans.

Lorsque le feu qui ravage le bâtiment de la Sambrienne survient, le couple n'est alors plus couvert par une assurance incendie. "Aujourd'hui, ils sont assurés chez nous, mais nous ne pouvons pas intervenir de façon rétroactive. Nous ne pouvons rien faire, nous n’avons aucun moyen pour leur venir en aide", explique le courtier.

Ce n'est pas un problème technique ou de mauvaise gestion, mais un geste criminel

Après avoir pu éclaircir la situation de Willy et de son épouse, nous contactons La Sambrienne. Le 16 juin 2015, soit plus de deux ans avant l'incendie, le rachat pour un euro symbolique du bâtiment par la société de logements sociaux à la Ville de Charleroi est acté chez un notaire. En contrepartie, La Sambrienne s’engage à réhabiliter le site d’une superficie de plus de deux hectares avec notamment la prise en charge des coûts de démolition des bâtiments. L'immeuble abritait autrefois le Service d'Entretien et de Maintenance de la Ville, avant que les Restos du Cœur n'y prennent place. La Sambrienne y a vu l'opportunité d'installer son nouveau siège et de nouveaux logements, tandis que la commune y a vu l'occasion de se débarrasser d'un chancre.

"On est là face à un incendie criminel. Ce n'est pas un problème technique ou de mauvaise gestion, mais un geste criminel. Donc nous n'avons aucune responsabilité, donc aucun moyen d'action", nous assure David Conte, porte-parole de La Sambrienne. "Le jour même de l'incendie, on a envoyé des équipes pour sécuriser les lieux, y compris les garages du couple et leur maison en plaçant des panneaux pour éviter que le froid ne rentre", ajoute-t-il. "Maintenant, le dossier est aux mains des assureurs, avec le souci qu'on connaît".


La gestion des squats

Pour la Sambrienne, la responsabilité incombe donc aux auteurs de l'incendie. Mais la société a-t-elle fait son possible pour sécuriser les lieux? Son porte-parole dément les accusions de Willy selon lesquelles "rien n'a été fait". "Notre service juridique agit à l'instant où on nous signale un squat. Dès qu'on a un problème de squat, l'affaire est lancée avec un huissier, une procédure en justice, etc. Avec les coûts qui y sont liés", explique le porte-parole, qui reconnaît aussi que dans les grands ensemble comme celui qui s'érigeait à la rue du Fort, "c'est complexe".

David Conte en dit plus sur la façon d'aborder cette problématique. "Nous avons deux façons de gérer les squats. D'abord juridique en faisant expulser au plus vite les squatteurs, puis en sécurisant les lieux. Nos services techniques ont souvent été sur place pour empêcher l'accès", précise-t-il. "Puis il y a une approche plus sociale. Nous sommes conscients qu'il y a des situations de sans-abrisme et de consommation de drogue. Nous travaillons donc avec le secteur social spécialisé pour apporter une méthode plus douce. Nous menons une concertation avant l'expulsion pour éviter aux personnes déjà précarisées d'avoir des ennuis judiciaires. Cela permet aussi d'avoir un contact pour trouver une solution pour ces personnes".

"Concernant les habitants dont la maison a été endommagée, on a fait tout ce qu'on pouvait pour aider ces personnes. Malheureusement, on ne peut pas intervenir plus que les limites imposées par la législation et l'assurance", conclut David Conte.


Willy et sa femme refusent toute offre de la Sambrienne

Lorsque nous le recontactons, Willy reconnaît avoir reçu des offres de La Sambrienne pour tenter de trouver une solution. "Ils proposaient de racheter la maison ou les garages, mais j'ai refusé", avoue-t-il. En résumé, d'après les explications du couple, il semble que La Sambrienne ait proposé de racheter les garages pour que Willy puisse utiliser l'argent pour réparer ses châssis, tout en gardant un supplément. Mais Willy refuse catégoriquement. "On va rester comme ça", dit-il.


Encore une petite chance pour notre couple?

Face à la situation précaire de ces personnes âgées, nous contactons le porte-parole d'Assuralia, l’union professionnelle des entreprises d'assurances, pour tenter de trouver une ultime solution. "Dans ce cas, l'élément central semble être le besoin de trouver une responsabilité à l'incendie. Ce sont donc les règles du code civil qui s'appliquent. Elles indiquent que la charge de la preuve incombe à la victime. Mais il n'est pas toujours facile pour une victime de trouver et prouver la responsabilité d'un individu ou d'une entité", explique Wauthier Robyns. Si une instruction pénale avait été ouverte, les victimes auraient pu s'aider des éléments de l'enquête pour trouver la responsabilité et se faire connaître comme personnes lésées. Mais ça n'a pas été le cas ici.

Difficile donc pour un homme de 87 ans et sa femme de 77 ans de se lancer dans une enquête. "Dans ce dossier, il est peut-être intéressant de voir si monsieur et madame ne disposaient pas à l'époque d'une assurance protection juridique, qui est souvent liée à une assurance familiale. Si c'est le cas, elle peut être utilisée dans les cas où un dommage a été causé par autrui. Ces assurances peuvent couvrir les frais de défense jusqu'à certains montants. Et si l'assureur affirme qu'il ne peut pas intervenir, il est encore possible de trouver un avocat qui accepte de défendre son dossier. Dans ce cas, l'assurance devra couvrir les frais", précise le représentant d'Assuralia.

Nous contactons directement Sébastien Bosmans, le courtier en assurances du couple. Il y a trois possibilités pour que Willy et son épouse aient eu une assurance protection juridique lors de l'incendie: qu'elle soit liée à une assurance incendie (impossible vu que cette assurance avait été résiliée), qu'elle ait été contractée séparément ou qu'elle soit intégrée à une assurance familiale.

"Je vois dans mes dossiers qu'ils n'ont pas souscris à une protection juridique de façon séparée… Et je vois qu'ils n'ont jamais eu d'assurance familiale avant que je ne leur propose d'en prendre une, après l'incendie", confie le courtier.

Malheureusement pour Willy et son épouse, aucune chance donc pour qu'une assurance couvre des frais de défense dans cette affaire. Et même si cela avait été possible, la procédure aurait encore été longue et n'aurait pas forcément abouti.


Un tout nouveau quartier va voir le jour


© Sambrienne


Le bâtiment a été démoli © RTL INFO

Élément positif pour le couple: le bâtiment de la Sambrienne a été démoli. La société de logements y a lancé son projet 5e Élément. D'ici quelques années, quand les travaux seront terminés, la Sambrienne va y établir son siège. 30 kots et 80 logements seront proposés à la location et 40 à la vente. Une surface de 6.000m² devrait aussi voir le jour. Le budget de ce tout nouveau quartier est actuellement estimé par la Sambrienne à un peu plus de 27 millions d'euros.


© Sambrienne

À lire aussi

Sélectionné pour vous