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Chauffagiste le jour et écrivain la nuit: Sébastien pensait pourtant qu'écrire "c'était réservé aux autres"

L’histoire de Sébastien est de celles qui méritent d’être couchées sur papier. Celle d’un homme qui embrasse à pleine bouche une carrière dont il rêvait depuis l’enfance mais qu’il croyait réservée à d’autres. Celle d’un homme qui a vaincu ses propres doutes. Celle d’un homme qui voulait surtout "raconter des histoires".

L’adage dit que l’habit ne fait pas toujours le moine. Dans le cas de Sébastien, c’est une paire d’avant-bras musculeux et tatoués qui, à première vue, ne laissent pas penser que le bonhomme travaille sur son sixième livre en deux ans. Cette carrure d’ours, Sébastien l’a façonnée en treize ans de vie sur les chantiers. Il était soudeur, il est devenu plombier-chauffagiste. Depuis tout petit, il voulait devenir écrivain. Il a fallu un accident de travail pour qu’il réalise son rêve.


Un dos coincé qui va débloquer beaucoup de choses

"Ça a commencé il y a un peu moins de deux ans. J’ai eu un problème de dos et j’ai dû arrêter le travail", raconte Sébastien. "J’étais bloqué, je devais rester chez moi sans rien faire et ma femme en a eu assez de me voir tourner en rond". Son épouse lui conseille de profiter de ce temps pour poursuivre son rêve d’enfance. "Elle m’a fait remarquer que je n’avais rien d’autre à faire qu’écrire et que je devais en profiter". Le meilleur conseil qu’il pouvait recevoir.


Écrire comme thérapie

Coincé à la maison, Sébastien laisse son imagination vagabonder. "C’est à ce moment-là que j’ai commencé mon premier roman ‘Amis pour la vie’. En trois, quatre mois, j’avais terminé. J’avais envie d’écrire depuis longtemps mais je n’avais pas de trame ni d’histoire prédéfinie en tête. J’ai tout écrit sur le moment". En terminant ce premier livre, Sébastien prend surtout une sacrée dose de confiance en lui. "Ça m’a fait du bien, ça m’a montré que j’étais capable de le faire. Écrire, c’était une forme de thérapie, mais je n’avais aucune idée de ce que ça valait".


Des larmes, des larmes de joie

Pour évaluer son niveau, Sébastien n’a qu’une chose à faire: se confronter à la critique. Et une fois de plus, c’est sa femme qui l’a poussé. "Elle m’a dit d’envoyer le manuscrit à des maisons d’édition. Je n’y croyais pas mais je n’avais rien à perdre, donc j’ai quand même tenté le coup". Et au grand étonnement de Sébastien, les retours sont positifs. Ému, l’auteur se souvient que quand il a reçu les réponses, il a pleuré de joie.

Sébastien s’accorde, dans un premier temps, avec une maison d’édition française. Ça ne se passe pas bien. C’est un faux départ mais ce n’est que partie remise. "J’ai rencontré Sébastien début 2018. C’est lui qui est venu vers moi. J’avais participé à une émission radio et en m’entendant parler, il s’est dit qu’une maison d’édition belge, cela pourrait peut-être fonctionner" détaille Julie, de la maison d’édition Fawkes.

Rapidement, l’éditrice est séduite par son nouveau poulain. "Sébastien, c’est un grand monsieur costaud, mais il est d’une timidité ! À notre première rencontre, il n’osait presque pas parler, il avait du mal à me raconter son parcours". Quand on demande à Julie ce qui lui a donné envie de travailler avec Sébastien, sa réponse fuse: "Je n’ai pas peur des mots, j’ai été époustouflée". Et pourtant au début, Julie se demande à qui elle a à faire. Entre le premier coup de téléphone et le premier rendez-vous, ils échangent, à de nombreuses reprises, par écrit. "Il n’y avait pas un mot sans faute d’orthographe, se souvient Julie. C’est très paradoxal parce que quand on lit ses œuvres, c’est admirablement construit. Il n’y a pas d’erreur et le récit est parfaitement structuré. Par contre, on est hyper attentif à ses manuscrits pour être certains de ne laisser passer aucune faute".

Je croyais que c’était réservé à ceux qui étaient à l’Université

Sébastien n’a pas suivi de cours dédiés à l’écriture. Il n’a pas étudié la langue française de manière approfondie. C’est d’ailleurs ça qui, au départ, l’a freiné dans ses envies d’écrire. "Petit, j’imaginais des histoires et je rêvais déjà de devenir écrivain, mais je croyais que c’était réservé à ceux qui étaient à l’université ou qui participaient à des ateliers d’écriture" se souvient-il. Dans la tête du jeune Sébastien, il ne peut pas écrire parce qu’il n’a pas suffisamment appris.

Lire Sébastien, c’est pourtant comprendre que l’art de la narration et la précision de l’orthographe ne sont pas liés. Qu’il est possible de construire des schémas narratifs complexes, sans incohérence tout en étant incapable d’aligner deux mots sans fautes. "C’est là qu’on se rend compte que notre langue n’est qu’un code, en fait" s’émerveille Julie.





La réponse à la question: comment faire avec les gens qui n’ont pas envie de lire?

"Ce qui est génial, poursuit l’éditrice, c’est que Sébastien répond à une de mes grandes interrogations quand j’ai décidé d’ouvrir une maison d’édition. Je me suis longtemps demandé comment faire avec les gens qui n’ont pas envie de lire? Comment les attirer vers les livres ? Aujourd’hui on lit de moins en moins, ou des œuvres de plus en plus courtes. Sébastien, c’est un lien direct avec toute cette tranche de la population. Il arrive à amener vers la lecture des personnes qui ont lu, avec lui, le premier roman de leur vie. Pour moi, entendre ça, c’est une réussite et une grande victoire".


Des chaudières la journée, de la prose le soir

Une fois passée l’excitation de la première œuvre, il a fallu se remettre au travail. Mais guéri de ses problèmes de dos, Sébastien avait beaucoup moins de temps à consacrer à l’écriture. "J’ai repris mon travail de chauffagiste. Donc pour l’écriture de mon deuxième roman, j’écrivais la nuit. Toutes les nuits. J’ai parfois l’impression de mener une double vie…". Un rythme de vie difficile à tenir mais "je n’ai pas le choix si je veux réaliser mon rêve. Je dois travailler la journée pour payer mon loyer et écrire la nuit pour ne pas abandonner mon objectif".

Réussite. Voilà comment désigner le début de carrière de Sébastien. Depuis "Amis pour la Vie", il a publié le premier tome d’une trilogie, "Moly" et un recueil de nouvelles intitulé "D’ici et d’ailleurs". Son univers voyage entre le réel et le fantastique. Certaines œuvres empruntent aux fondamentaux de l’horreur, d’autres se rapprochent des classiques de la littérature fantastique. "Il aime particulièrement jouer avec les espaces temporels" précise Julie.

Sébastien travaille en ce moment sur deux projets en parallèle. Depuis qu’il a commencé, il ne s’arrête plus. "Dès que je peux, j’écris. Et si les portes continuent de s’ouvrir, je ne vais pas m'arrêter… Mon but, c’est de vraiment vivre de l’écriture". 

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