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Le doigt de Cindy s’est nécrosé, une partie a dû être amputée: s’agit-il d’une morsure par une araignée violoniste?

Le doigt de Cindy a commencé à gonfler au mois de juillet. Après plusieurs tentatives pour essayer de le sauver, il a fallu prendre une décision radicale. Les médecins ont évoqué l'hypothèse d’une morsure par une araignée violoniste, mais sans aucune certitude. Quelques cas ont été recensés dans le sud de la France.

C’est un père désemparé qui nous a contactés. Dans son message laissé via le bouton orange Alertez-nous, il indiquait que sa fille "avait probablement été mordue par une araignée violoniste au mois de juillet, ici en Belgique". Triste, le papa confiait qu’après plusieurs tentatives médicales pour soigner le doigt de sa fille, les médecins envisageait "l’amputation". Il a décidé d'en parler pour essayer d'alerter l'opinion publique et faire en sorte "que cela n’arrive pas à d’autres personnes".

On ne savait pas du tout ce que c’était. Personne n’avait jamais vu ça

"C’est" arrivé vers la fin du mois de juillet. Cindy ne sait pas trop comment l’expliquer : "Je n’ai rien vu, rien senti". Son index gauche a gonflé et a commencé à se nécroser.

Aide-soignante de profession, elle a décidé de se rendre aux urgences de l’hôpital de Lobbes dans lequel elle travaille. Le lendemain, elle est opérée. Deux interventions ayant pour objectif de nettoyer la toxine. "On ne savait pas du tout ce que c’était. Personne n’avait jamais vu ça", confie-t-elle. L’habitante de Sivry-Rance consulte ensuite une clinique spécialisée dans le traitement de la main à Bruxelles. C’est là qu’on évoque la possibilité d’une morsure d’araignée. Cindy subit deux nouvelles opérations et notamment une greffe pour tenter de sauver son doigt.

Cela ne va toujours pas, cela ronge mon os

Malheureusement, cinq mois plus tard, il faut prendre une décision dure : "Cela ne va toujours pas, cela ronge mon os. Je fais infection sur infection. Je n’ai plus le choix", confie Cindy. Une partie de son doigt, la première phalange, a dû être amputée.

Cindy est droitière. Dans sa vie de tous les jours, dans son travail, "cela ne devrait pas lui poser trop de problème", lui dit-on. Mais "psychologiquement, ça risque d’être dur", l’aide-soignante en a pleinement conscience. "Ce n’est vraiment pas de bol et c’est tombé sur moi", souffle-t-elle. Comme un sentiment d’impuissance: "qui a déjà entendu parler d’une histoire pareille?".

Une morsure d’araignée ?

Les araignées sont venimeuses mais la grande majorité des venins ne sont pas dangereux pour l’homme. Celui de l’araignée violoniste peut l’être. La blessure de Cindy remonte à l’été dernier, à la fin du mois de juillet. Il faisait chaud et il y avait pas mal d’insectes. Elle a d’abord pensé à une piqûre de moustique.

L’éventualité de l’araignée n’a été évoquée que bien plus tard. Plusieurs cas de morsure, avérés ou soupçonnés, ont été rapportés dans la presse française ces dernières années. Une nécrose des tissus peut survenir après une morsure par une araignée violoniste. Cela correspond à la mort prématurée des cellules. Le symptôme le plus visible est le noircissement de la peau.

La Loxosceles rufescens doit son surnom d’araignée violoniste à la présence d’une tâche ressemblant à un violon sur son céphalothorax (la réunion de la tête et du thorax). Cette espèce d’araignée qui mesure de 7 à 9 mm se rencontre dans le bassin méditerranéen, et notamment dans le sud de la France.

Cette petite araignée peut être aperçue sous des cailloux, dans son habitat naturel. De temps en temps, elle rentre dans des maisons, le plus souvent lors de la saison des amours lorsque les araignées vagabondent à la recherche de partenaire pour la reproduction. Elle ne mord que dans de rares cas, lorsqu’elle se sent attaquée ou quand malencontreusement elle se retrouve coincée entre des vêtements et la peau. En outre, elle ne libère pas systématiquement son venin à chaque morsure.

Sa morsure peut entraîner des nécroses des tissus, lorsqu’il y a eu injection de venin. Une nécrose qui doit être prise en charge très rapidement pour éviter d’éventuelles complications, comme une infection bactérienne entraînant une amputation. La morsure est indolore. "On ne la sent absolument pas. C’est après qu’on ressent une sorte de démangeaison. Et que peut apparaître une vilaine blessure", décrit Arnaud Henrard, docteur en biologie et arachnologiste au musée royal de l’Afrique centrale. Pour le spécialiste des araignées, ce sont des complications bactériennes qui sont le plus souvent à l’origine de problèmes.

Une espèce non observée en Belgique

Mais cette espèce d’araignée n’est pas présente en Belgique. "D’après nos connaissances sur la faune belge, elle n’a jamais été observée chez nous", indique le docteur en biologie. Concrètement, aucun individu n’a jamais été retrouvé en Belgique. Et pour poser un diagnostic certain, éclaire le scientifique, "il faut avoir vu l'action de morsure et récupérer l'araignée afin de l'identifier formellement".

Il existe aussi un test biologique très précis, appelé test ELISA, qui permettrait après une prise de sang de détecter spécifiquement les types de protéines qui sont produits avec le venin. 700 espèces d’araignées sont recensées dans le royaume et il n’y a aucune araignée autochtone qui présente des venins dangereux pour la santé.

Dans le sud de la France, là où cette araignée violoniste évolue, il y a eu des cas avérés ces dernières années. "L’araignée avait été directement observée et capturée", précise le scientifique. Peut-on imaginer que l'animal ait été "ramené" en Belgique par des vacanciers? Le docteur en biologie appelle à la prudence: "Dans certains cas, on suppose trop vite. Si on n’a pas l’araignée en main, on ne peut faire aucun rapprochement certain. Et il y a d’autres pistes, certaines complications bactériennes peuvent présenter des symptômes qui ressemblent à ceux de blessures provoquées par une araignée violoniste". En d'autres termes, il n’y a pas de risque zéro, mais il est très peu probable d’avoir affaire à ce genre de morsures en Belgique.

Cindy considère aussi qu’il ne "s’agit que de suppositions", car on n’a pas retrouvé d’araignée. Une autre hypothèse est évoquée dans des articles de presse: est-ce que cet animal pourrait remonter vers le nord, sous l’effet du réchauffement climatique? Là encore Arnaud Henrard se montre prudent: "Un certain impact indirect du réchauffement climatique a pu être observé chez certaines espèces d’araignées mais cela n’a pas été constaté à ce jour pour l’araignée violoniste".

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