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Danielle, 73 ans, nouvelle victime de l'arnaque au Digipass: ses comptes "ont été vidés", "tout est parti"

Malgré le travail de prévention des banques, malgré les témoignages relayés régulièrement par les médias, il y a encore des Belges qui donnent volontairement les codes de leur Digipass par téléphone. Danielle veut que son histoire serve d'exemple. Veuve et pensionnée, elle dit qu'elle a "tout perdu" en quelques minutes. Voici son histoire.

Les personnes plus âgées sont les cibles favorites des arnaqueurs en ligne. Même si elles ont tendance depuis quelque temps à se méfier de tout et de tout le monde, elles demeurent plus fragiles face à des méthodes plus conventionnelles.

C'est ce qui est arrivé à Danielle, 73 ans, piégée par téléphone. Elle ne va pas souvent sur internet, et c'est donc via une connaissance qu'elle a contacté la rédaction de RTL info, pour "prévenir les autres" du drame qui vient de la toucher.

Un dédommagement pour les appels intempestifs

C'est justement parce qu'elle ne va que rarement sur internet pour lire l'actualité que Danielle, qui habite Ath, n'avait jamais entendu parler de l'arnaque au Digipass, une marque passée dans le langage commun que l'on trouve sur certains petits boitiers donnés par les banques pour effectuer des opérations en ligne. Boitier que Danielle "utilise régulièrement" pour ses opérations bancaires. Voici son histoire…

"Le 10 avril dernier, quelqu'un a téléphoné. Une dame qui parlait un français impeccable. Quand ce sont des accents étrangers, je me méfie et le plus souvent je raccroche. Ici, c'était un français parfait".

Au téléphone, l'arnaqueur se fait passer "pour quelqu'un de la Commission européenne", qui lui apporte une bonne nouvelle. La procédure est rôdée et tout est mis en œuvre pour tromper la victime.

"Elle me demande je suis souvent ennuyée par des coups de téléphone intempestifs pour des publicités. Je lui réponds 'Oui, comme tout le monde'. Elle me dit alors de prendre un papier pour noter mon numéro de dossier, et que j'allais recevoir une indemnité, une intervention de 1.120 euros".

Méfiante, mais pas assez

A ce moment-là, Danièle, veuve depuis 20 ans et pensionnée, se méfie un peu. "Je lui ai demandé le numéro de téléphone de la Commission européenne, elle m'a dit 'Sans problème', et me l'a donné. Ça m'a mis en confiance".

D'autant plus que les arnaqueurs sont deux à parler un excellent français. "La dame m'a dit: 'De toute façon, ce n'est pas moi qui m'occupe du reste, c'est notre juriste, Natacha Lambert'. Et elle me l'a passée".

Danièle le reconnait, à ce moment-là, elle est en confiance, ses barrières sont levées. Et la méthode des escrocs est bonne. "Je suis méfiante de nature, et je dis aux gens de se méfier. Mais là je me suis laissée avoir comme une gosse de 7 ans. C'est comme s'ils m'avaient endormie".

La suite, vous l'imaginez, est lourde de conséquences. La fausse juriste lui demande de prendre son Digipass, ce petit boitier de la banque dans lequel on glisse sa carte pour effectuer des opérations sur internet. "Elle m'a dit 'Ne me donnez pas votre numéro de compte ni votre code PIN, parce que c'est secret'. Elle m'a demandé le numéro qui était au-dessus (le numéro de carte, NDLR). Elle m'a donné des chiffres à mettre dans la petite boite blanche de la banque, avec ma carte, puis m'a demandé la réponse. C'était naturellement tout ce dont ils avaient besoin pour réaliser l'opération".

Tout cela a lieu par téléphone, alors que Danièle n'est pas devant son ordinateur. "Je n'avais pas peur, mon ordinateur était fermé, je n'avais pas l'impression qu'on rentrait dans mes comptes, je ne pensais pas que c'était possible".

La banquière a voulu bloquer mes comptes, mais il était déjà trop tard

Elle "se réveille" et va immédiatement à la banque, mais il est trop tard

Comme souvent, c'est quand ils deviennent trop gourmands que les escrocs se font démasquer. "Ils m'ont demandé de scanner ma carte d'identité recto-verso. Je me méfie de nouveau, et je leur dis que je n'ai pas d'appareil pour le faire, alors que j'en ai. Et là, la juriste m'a dit que ce n'est pas grave, que je peux aller me faire aider chez le marchand de journaux pour qu'il envoie la photo à une adresse email".

Le franc de Danièle tombe. "Je suis revenue à moi, je me suis réveillée". Elle raccroche et appelle sa banque. "On m'a dit: 'Oulalah, vous avez été arnaquée'. La banquière a voulu bloquer mes comptes, mais il était déjà trop tard. Elle me dit 'Tous vos comptes sont vidés, tout est parti, le compte courant et le compte épargne'. C'est le choc".

La suite est prévisible. "L'argent est parti à Londres où il a été dépensé immédiatement", lui apprend la banque, qui ne peut rien faire pour elle. "Leur assurance n'interviendra pas". Elle a été à la police qui l'a "gentiment reçue" mais qui a dit qu'il y avait "très peu de chance de récupérer l'argent".

"Qu'on remette des guichets !"

Depuis que c'est arrivé, environ un mois au moment d'écrire ces lignes, Danielle se sent "très mal, c'est comme si j'avais été violée, si on était rentré dans ma maison et qu'on avait tout vidé, ça revient juste au même". Elle en a parlé avec ses enfants qui ont tenté de la rassurer, en disant notamment que ce n'était que de l'argent. "Mais quand on est pensionné, remonter la pente ce n'est quasiment plus faisable, ou alors il faut aller retravailler".

Danièle n'a pas voulu nous dire combien elle avait perdu. Cela "dépasse les mille euros", et "c'est handicapant au jour le jour, car ça fait 20 ans que je suis veuve, que je vis sur mes réserves, et maintenant tout est parti".

Elle n'en veut pas vraiment à la banque, même si elle estime que cela arrive parce qu'on "oblige les gens à utiliser la banque sur internet: qu'on remette des guichets, et ça n'arrivera plus".

Elle utilise d'ailleurs le site de la BNP Paribas Fortis pour faire ses paiements "depuis qu'on a dit qu'on ne pouvait plus faire ses opérations dans la banque", soit "6 ou 7 ans", estime-t-elle.

Elle continuera à le faire car elle n'a pas le choix, mais Danièle n'est pas rassurée. "Je tremble à chaque fois que j'emploie cette boîte".

Que dit BNP Paribas Fortis ?

Comme toutes les banques, BNP Paribas Fortis est particulièrement attentive aux arnaques dont peuvent être victimes ses précieux clients. Devenues digitales et mobiles, les banques ne peuvent en effet pas se permettre qu'ils doutent de la sécurité de leur argent. Le cas de Danielle est considéré comme du vishing (pour vocal phishing, hameçonnage par téléphone).


Source: BNP Paribas Fortis

BNP nous a donc expliqué ce qu'il s'était passé. Sans rentrer dans le détail car elle est soumise à un devoir de réserve concernant les cas individuels, la banque nous a précisé que les escrocs ont été malins: au lieu de virer de l'argent sur un compte en banque qui est (théoriquement) relié à une identité et donc traçable, ils ont utilisé les codes du Digipass de Danielle pour effectuer un paiement en ligne.

Méthode que vous avez peut-être déjà utilisée pour régler certains achats sur des sites web. Mais il est possible de l'utiliser pour charger un "compte" en ligne, comme Paypal. C'est probablement ce qu'ont fait les malfrats: c'est plus discret pour voler de l'argent en douce et le dépenser de manière plus ou moins anonyme. "Souvent nous faisons la comparaison avec un paiement au supermarché: une fois que vous avez entré votre code dans le terminal, il n'est plus possible d'arrêter la transaction", nous a expliqué le service de presse de BNP.

Si les escrocs avaient effectué un virement sur un autre compte, Danielle aurait pu bloquer ce virement. La banque nous a confirmé que "durant une certaine période", il était possible d'annuler une telle transaction, car l'argent ne quitte pas directement le compte. Mais il faut réagir rapidement.

Concernant l'assurance, par contre, et comme le signalait notre victime, "il n'y a pas de remboursement prévu" si le client donne de son plein gré ses codes par téléphone. "C'est une fraude qui va loin, c'est considéré comme de la négligence, une assurance ne peut pas intervenir".

Nos conseils

Nous ne le répèterons jamais assez: en aucun cas il ne faut communiquer par téléphone des chiffres apparaissant sur votre Digipass, ou tout autre dispositif permettant d'accéder à son compte en banque sur internet pour le consulter ou faire des opérations. Ces chiffres sont justement là pour garantir que c'est vous, et uniquement vous, qui pouvez accéder à ce qu'on appelait autrefois 'PC Banking' et désormais 'Online Banking' ou 'Homebanking'.

De manière générale, sachez que si on vous appelle pour vous promettre de l'argent, c'est soit la Loterie Nationale qui vous accueillera ensuite dans ses bureaux pour vous aiguiller en tant que 'grand gagnant', soit une arnaque qui tentera, comme avec Danielle, de vous voler de l'argent.

Hélas, il y a nettement plus de chances que ce soit la deuxième explication que la première, donc raccrochez immédiatement.

Les personnes âgées ne lisent pas beaucoup d'informations sur internet. N'hésitez donc pas à parler de la triste histoire de Danielle à vos parents, grands-parents, voisins, etc.

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