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Des seringues au sol et une odeur de drogue dans l'air: "Voilà la situation que nous vivons tous les jours à Cureghem", dénonce un habitant

Samuel, un habitant de Cureghem, dans l’entité d’Anderlecht, a poussé le bouton orange Alertez-nous car il ne supporte plus la situation dans son quartier. Ces dernières années, la consommation de drogue et l’insécurité générale qui y est liée ont largement augmenté, selon lui. Et il estime que les autorités locales ne font rien.

"J’assiste, médusé, à deux individus dans une voiture en train de se shooter à leur aise à la vue de tous. Le lendemain, devant chez nous, il reste les deux seringues usagées ayant servi à leur shoot de la veille. Voilà la situation que nous vivons tous les jours au niveau du métro Clémenceau à Cureghem", nous a écrit Samuel (nom d’emprunt), via le bouton orange Alertez-nous, choqué d’un tel spectacle.

Cet habitant préfère garder l’anonymat par peur des représailles. C’est dire l’ambiance qui règne au sein de son quartier, à Cureghem, dans l’entité d’Anderlecht. Mais il ne tolère plus la situation actuelle qui, selon lui, se dégrade année après année. "Je suis dans le quartier depuis plus de 20 ans et cela fait deux ou trois ans que je constate que le problème de drogue prend de l’expansion. Je vois des gens qui se droguent et des deals de drogue à tous les moments de la journée", déplore Samuel.

Ce qui l’a définitivement incité à réagir et à nous contacter ? La présence de ses seringues, à même le sol, à la vue de tous et surtout des enfants qui sortent de l’école et qui assistent à cela. "Ça me choque, surtout quand on sait qu’une école se trouve à proximité et que des gamins passent matin, midi et soir devant ce spectacle. C’est dramatique. Je ne crois que ce soit l’idéal pour leur éducation de se retrouver en permanence face à ces comportements", pointe du doigt notre interlocuteur.

C’est presque devenu une zone de non droit où les gens font ce qu’ils veulent sans aucune répression

Même si le problème de drogue existe depuis de nombreuses années dans le quartier, pour Samuel, ces derniers mois ont été encore pires que les précédents. Et cet habitant a l’impression que le quartier est totalement laissé à l’abandon par les pouvoirs publics. "C’est presque devenu une zone de non droit où les gens font ce qu’ils veulent sans aucune répression. Il y a une forme de laxisme de la part de la police, qui passe mais ne fait pas grand-chose. D’ailleurs, peu de patrouilles circulent dans le quartier."

Face à des seringues usagées sur le sol, des capsules de protoxyde d'azote qui trainent et une odeur de drogue qui flotte dans l’air, Samuel se sent littéralement impuissant. "Je suis spectateur de ça mais je ne sais rien y faire. J’ai beau interpeller la police de temps en temps mais rien ne change. J’ai l’impression que ce n’est pas rapporté et qu’aucune disposition n’est prise par rapport à ça. Je voudrais que la situation s’améliore, que quelque chose soit fait par rapport à ça pour la vie du quartier", confie-t-il. Pour lui, une insécurité générale règne dans le quartier depuis de nombreuses années à cause de ces problèmes de drogue.

Et le quartier de Cureghem est effectivement déjà bien connu des autorités locales pour ces raisons. "C’est un phénomène dont on a pris connaissance il y a deux ans maintenant, avec une consommation de rue assez importante, à la fois de l’héroïne et du crack", nous indique le bourgmestre d’Anderlecht. Un système d’action a d’ailleurs été mis en place, nous informe Fabrice Cumps, pour lutter contre cela. Cela se fait en collaboration avec différents partenaires associatifs spécialisés dans l’accompagnement des personnes toxicomanes et le sans-abrisme. "Ils vont à la rencontre de ces personnes avec des maraudes", dit-il. C’est par exemple le cas de l’ASBL Modus Vivendi qui opère partout dans Bruxelles. Cette association se focalise sur l’aide aux personnes qui consomment de la drogue, peu importe leur situation.

Des maraudes trois fois par semaine pour aborder ces personnes en difficulté

Trois fois par semaine, deux ou trois membres de l’ASBL arpentent les rues de Bruxelles durant quatre heures pour les approcher et tenter de les aider. "L’idée, ce n’est pas d’attendre que ces personnes franchissent notre porte, c’est d’aller là où elles sont", nous glisse la directrice de Modus Vivendi. "Chaque association fait des maraudes, c'est-à-dire du travail de rue, en fonction de son personnel. Nous, on en fait trois par semaine mais vu le nombre de personnes à toucher, ce n’est pas assez. Il faudrait être partout et tout le temps mais ce n’est pas possible donc on essaye de s’organiser", poursuit Catherine Van Huyck.

Le but est de proposer du matériel clean pour les personnes sans-abri

L’ASBL Modus Vivendi dispose de plusieurs antennes d’accueil à Bruxelles. Il existe, par exemple, un comptoir d’échange de matériel stérile pour réduire les risques liés notamment aux maladies infectieuses comme le SIDA ou l’Hépatite. "Le but est de proposer du matériel clean pour les personnes sans-abri", explique-t-elle. Mais les actions de Modus Vivendi ne s’arrêtent pas là. L’ASBL offre également un accompagnement global de la personne dans le besoin. "Ce n’est pas juste leur donner du matériel pour se shooter et ensuite les laisser se débrouiller, insiste la directrice. C’est aussi un accompagnement psychosocial, une remise en ordre des papiers, de la mutuelle… On accompagne physiquement les personnes. Elles sont aussi parfois blessées ou dans des états physiques déplorables donc on les soigne."

Pour mieux contrôler la consommation de drogue en rue, un projet de salle de shoot verra prochainement le jour à Bruxelles. Il s’agit d’un lieu accessible gratuitement et sans aucune condition pour consommer de façon plus sécurisée. Mais pour la directrice de l’association, ce n’est pas assez. "Une salle de consommation sur Bruxelles, ce n’est pas suffisant. Il faut prendre l’exemple de Paris qui est en train d’en multiplier. Il n’y a pas de surprise, la consommation de drogue a fortement augmenté ces dernière année, la précarité aussi."  

Pour le bourgmestre d’Anderlecht, il s’agit pourtant déjà d’un début de réponse pour faire face à cette problématique. Il sait cependant que les efforts pour lutter contre ce phénomène doivent se poursuivre. "La salle de shoot est un des éléments du puzzle, mais les réponses actuelles ne sont pas suffisantes puisque le phénomène n’a pas disparu. On espère quand même que ça apportera des solutions. C’est la ville de Bruxelles qui l’ouvre mais ça sera vraiment à la limite avec Anderlecht. C’est à la fois sur trois communes et deux zones de police. J’ai déjà eu des rencontres avec mes deux collègues bourgmestres et avec les chefs de corps pour appréhender ce phénomène de manière globale. La réponse qui sera apportée par la ville de Bruxelles pourra aussi servir à Anderlecht", assure-t-il.

La police veut limiter les nuisances pour les habitants

Un autre élément "du puzzle" que Fabrice Cumps pointe du doigt concerne la problématique des squats. La police de la zone Midi en est d’ailleurs bien consciente et elle tente activement de lutter contre cela. "On s’attaque à plusieurs choses en même temps : les squats, où les gens se shootent dans certains de ces lieux, mais aussi aux deals, à tout ce qui est propreté et nuisances. On essaye surtout de limiter les nuisances pour les habitants du quartier, c’est ça le plus important", détaille Jurgen De Landsheer, le chef de corps de la zone de police Midi.

Et même si les riverains n’en ont pas nécessairement l’impression, les policiers circulent régulièrement dans les environs. Il y a, d’une part, des patrouilles d’intervention. Et, d’autre part, des patrouilles spécifiques pour se focaliser sur ce type de phénomène. La police se base également sur les signalements des riverains pour orienter leurs zones d’intervention. "On va organiser et orienter les patrouilles vers les quartiers où il y a des problèmes de deal, de stupéfiants et surtout de nuisances. Le plus important, pour nous, c’est de créer des quartiers vivables pour les habitants. Dans ce quartier, à Cureghem, il y a effectivement des patrouilles mais on ne peut pas mettre des policiers 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à chaque coin de rue malheureusement."

Pour Jurgen De Landsheer, cette présence policière n’est pas non plus la solution à tout. Il souligne, comme le bourgmestre d’Anderlecht, l’importance d’un travail collaboratif avec les différents acteurs. "Il faut chercher des solutions avec les partenaires, les associations, les communes, les régions… Et travailler ensemble contre la consommation et le deal de stupéfiants", note-t-il avant d’ajouter qu’il s’agit surtout d’un problème de moyens et d’un manque de concertation entre les services, "mais ça commence et je suis très confiant."

Des moyens supplémentaires vont en effet être octroyés pour s’attaquer aux trois communes de la zone. Une brigade cycliste et davantage de policiers seront présents sur le terrain afin d’accentuer et améliorer le travail de terrain de la police de proximité. "On va donner plus de moyens à nos divisions, donc dans les quartiers. On cherche aussi de plus en plus de partenaires pour travailler ensemble. Il faut vraiment que l’on créé une opération globale intégrale avec tous les services sur le terrain pour lutter contre l’insécurité et les nuisances. On va y arriver car cette collaboration est demandée de tous", conclut le chef de corps de la zone de police Midi.

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