Accueil Actu

L'assureur Ethias vend son portefeuille de comptes First à une société étrangère: y a-t-il des risques pour les épargnants?

C'est officiel. L'assureur belge Ethias s'est (enfin) débarrassé de ses comptes First, ces produits d'assurance vie individuelle, assortis de généreux rendements garantis à vie. Dans un contexte de taux durablement bas, Ethias a choisi de vendre son portefeuille de comptes jugés trop encombrants. Que se passe-t-il pour ses épargnants? Y a-t-il un risque pour ceux qui ont conservé leur compte?

14 septembre 2008: faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers. Après des heures de négociation, aucun repreneur ne se présente. C’est la fin d'une grande institution financière, la chute d’un authentique fleuron de Wall Street. La banque laisse une ardoise de 691 milliards de dollars et 25.000 employés sur le carreau. Cette faillite historique entraîne avec elle la chute de la bourse américaine, puis quelques semaines plus tard celle de toutes les bourses mondiales.

Face à cela, les trois grandes institutions financières Fortis, Dexia et KBC sont menacées, tout comme l’assureur Ethias. L’Etat belge leur accorde une aide afin de renflouer les caisses. Une recapitalisation à hauteur de 1,5 milliard d’euros est attribuée à Ethias. L’assureur doit, à la demande du régulateur, accroître sa solvabilité afin d'être mieux armé face aux marchés financiers volatiles et aux faibles taux d'intérêt. Ethias prend une décision majeure: celle de clôturer ses comptes First.

Pour rappel, le compte First désigne un produit d’assurance-vie de branche 21 dont le rendement garanti est considéré comme très généreux. Ces comptes proposent un taux d'intérêt moyen de 3,44% garanti à vie. Comme l’indique un rapport du Sénat, les produits First ont connu une croissance considérable au début des années 2000. Ethias est tenu de payer un rendement très élevé aux détenteurs de ces comptes. Or dans un contexte de taux bas, difficile pour les assureurs de rémunérer grassement leurs clients. Ethias se tourne donc vers une solution radicale: se débarrasser de ses portefeuilles encombrants.


Des opérations de séduction pour inciter les clients à se séparer de leurs comptes

En 2012, l'assureur belge adresse donc un courrier à ses clients détenteurs d'un compte First. Il leur propose de transférer leurs comptes First vers un autre produit d'assurance, Certiflex-8, ayant un taux garanti de 2,55%. A ce moment-là, tout est fait pour inciter les clients à procéder à ce transfert. Ethias leur garantit un bonus de 50 euros par tranche de 10.000 euros transférés et l'exemption de frais d'entrée. Mais sur les 7 milliards d'euros que constituent ces produits, seuls 670 millions sont retirés par leurs détenteurs, précise un article de La Libre publié en avril 2012.

Durant les années qui suivent, plusieurs opérations sont lancées par l’assureur afin d’inciter ses clients à se séparer de leurs comptes. A chaque fois, la méthode de séduction est la même. On propose au client de fermer son compte First en échange d’une prime. Ce type d’opérations a été renouvelée à plusieurs reprises. En 2017, une prime de sortie de 25% de la valeur du contrat est proposée. "Au total, cette opération a permis la clôture de 7.437 Comptes FIRST sur les 12 240 qui existaient fin mai", indique l'assureur dans un communiqué de presse. 

Avril 2018, fin de la saga. Ethias vend son portefeuille de contrats d’assurance-vie à la société de réassurance Monument Re, basée aux Bermudes, via sa filiale irlandaise Laguna Life DAC. La Banque Nationale approuve cette transaction, la vente est finalisée début octobre dernier. 4.400 comptes, qui n’avaient pas été clôturés par leurs détenteurs, sont ainsi vendus à Laguna Life DC. Les 4.400 détenteurs de ces comptes ont ainsi reçu un courrier leur notifiant la nouvelle. Deux options se proposaient à eux: fermer leur compte et profiter d'une prime équivalente à 25% du capital ou conserver ce compte et ainsi continuer à bénéficier du rendement garanti élevé du compte à vie. 



"Il faut être conscient du fait que la stabilité de Laguna est difficile à évaluer sur le long terme"

"J’ai reçu une offre pour fermer ce compte mais son offre est beaucoup moins intéressante que celle proposée par Ethias l’année dernière. Je ne trouve aucune information pour savoir si c’est risqué de laisser cet argent sur ce compte. Dans le courrier, ils précisent que la garantie n’est plus d’application. Je ne sais pas quoi faire sachant que c’était la seule chose qui pouvait me rapporter un peu d’intérêt", se demande l’un de nos lecteurs via le bouton orange Alertez-nous. Compte tenu des conditions qui lui semblaient "floues", ce lecteur a finalement décidé de clôturer son compte. 

Des épargnants dénoncent donc une offre moins intéressante. Mais qu'en est-il réellement? Nous avons étudié l'offre proposée par la société irlandaise. "La structure de cette offre vous permet de revenir sur la dernière offre de rachat d'Ethias SA lors de l’été 2017", renseigne la société. Si la dernière offre de rachat proposait par Ethias atteignait donc 125.000 euros, Laguna s'aligne et propose exactement la même offre. Les intérêts perçus entre juillet 2017 et décembre 2018 ne sont donc pas pris en compte. Face à cela, Test-Achats dénonce une duperie envers les clients. "S’ils veulent quitter Laguna, ils peuvent donc répondre à l’actuelle offre de rachat, mais ils sont alors privés des intérêts normalement mérités depuis le début de cette année !", écrit l'association. 

Y a-t-il un risque pour ceux qui ont conservé leur compte? "Pas dans l'immédiat", nous répond Test-Achats. Tous les risques ne sont pour autant pas exclus selon l'association belge de consommateurs. "Il faut être conscient du fait que la stabilité de Laguna est difficile à évaluer sur le long terme. Il s’agit d’une compagnie d’assurances assez jeune, qui mène une politique d’expansion au moyen d’acquisitions. Si elle devait connaître de sérieux problèmes, le capital des épargnants courrait aussi un réel danger", nous explique Florine De Raet.


Test-Achats dénonce un "flou entretenu" de la part d'Ethias

L'association avait conseillé aux détenteurs de comptes First de s'en séparer. "Et comme ils ne bénéficient plus dans ce cas de la protection des dépôts, nous avons conseillé à tout le monde de revendre. Certainement à ceux qui sont allergiques à toute forme de risque", avait-elle indiqué. Pour rappel, la loi belge prévoit une garantie pour les épargnants de compagnies d'assurances-vie. Dans le cas où un assureur est déclaré en faillite, le Fonds de garantie prévoit un remboursement dans un délai de 3 mois avec un montant maximal de 100.000 euros par personne et par institution. Or il ne s'agit nullement d'une garantie européenne. L'Irlande ne disposant pas d'un système de garantie équivalent, cette garantie s'annule avec la vente de ce portefeuille. 

A l'inverse, la société repreneuse indique dans un communiqué. "Monument Re entend, dans le cadre de son appétit pour le risque, assumer les risques liés aux actifs et exploiter efficacement ces entreprises ou portefeuilles, offrant une sécurité à très long terme aux assurés", " écrit-elle. De son côté, Test-Achats regrette le fait qu'Ethias ait "entretenu le flou" concernant le repreneur. "Les épargnants ne connaissant pas, à l’époque, l’identité de l’éventuel repreneur, ne pouvaient pas recueillir d’infos sur sa solidité financière", nous assure Florine De Raet. 

À lire aussi

Sélectionné pour vous