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Faut-il limiter l'accès aux études supérieures ? A la Haute Ecole de Vinci à Bruxelles, +50% d'étudiants en première année de kiné

Certaines filières dans les écoles supérieures ont trop d’étudiants. Un décret leur impose de ne pas refuser d’étudiants. Conséquence : certains sont obligés de suivre les cours assis par terre. Exemple en kiné à la Haute école Léonard De Vinci : environ 400 étudiants l’an dernier, environ 600 cette année mais seulement 380 places assises dans l’auditoire.

"Pourquoi ne pas avoir arrêté les inscriptions lorsqu'il était encore temps ?" La question est celle d'une mère de famille qui s'inquiète via le bouton orange Alertez-nous de la qualité de l'enseignement que va recevoir sa fille. Cette dernière entame en cette rentrée des études en kinésithérapie dans une haute école bruxelloise. Problème, elle peine à trouver une place dans les auditoires tant le nombre d'étudiants est important.

Ce mercredi, c'est cours de physique pour les BAC 1 'Kiné' à la Haute École Léonard de Vinci de Bruxelles (Campus Alma). "Y a-t-il encore des places disponibles?", demande à haute voix l'enseignante en charge du cours.

L'auditoire se remplit sous ses yeux en un instant et se retrouve très vite en pleine capacité. "On peut prendre jusque 380 étudiants dans l'auditoire, et comme à priori, il y a 550 étudiants qui doivent suivre ce cours, plus d'une centaine suivront le cours de chez eux", explique-t-elle.

Classes de cours et auditoires sont tellement saturés en ce début d'année que certains élèves sont obligés d'être assis à même le sol, de suivre des cours depuis un couloir annexe voire de chez eux.

"C'est compliqué, on est juste à côté de l'auditoire et on ne peut même pas être en classe", raconte légèrement frustrée une étudiante. L'un de ses camardes, situé également hors de l'auditoire, poursuit : "On est à quelques mètres de l'auditoire. Ce n'est pas confortable. Je suis sur un banc et je suis à moitié en train de tomber", se désole-t-il.

La raison de cette situation chaotique résulte d'un bon soudain dans les inscriptions à la Haute École De Vinci: 400 étudiants l'an dernier pour plus de 600 cette année. La Haute École n'a pu que constater cette vague. En effet, un décret daté des années 70 interdit de refuser l'inscription à un étudiant pour des études supérieures (exception faite pour les études de médecine ou des écoles d'arts où des concours d'entrée existent). Sophie Breedstraet est la directrice du secteur Santé de la Haute Ecole de Vinci. Elle développe : "On n'a pas le droit de refuser des étudiants, on n'a pas le droit d'invoquer la taille de nos locaux ou même les risques au niveau des pompiers. Il y a vraiment une question de sécurité là derrière. C'est une question qui est politique."

Petites annonces: cherche auditoire pour 600 élèves

Le nombre important de nouveaux étudiants à la Haute de Vinci représente un véritable défi. "La première semaine de la rentrée cela a été une surprise. On a accusé le coup", reconnaît la directrice: "On s'est posés avec l'équipe de coordination pour voir comment on allait gérer et absorber ce nombre. (…) Nous n'avons pas encore toutes les solutions. Pour le moment, nous fonctionnons avec des cours en auditoire qui sont soit dédoublés, soit avec un fonctionnement comodal: l'étudiant peut s'inscrire pour venir au cours ou suivre le cours à distance. Nous sommes également à la recherche de locaux, d'auditoires aux alentours pour faciliter la vie des étudiants."

La Haute École de Vinci n'est pas le seul établissement victime de son succès. Des photos sur les réseaux sociaux montrent des auditoires bondés à l'ULB également.

Des étudiants obligés de suivre des cours à même le sol. Il faut dire que les études dans le supérieur attirent de plus en plus. En cinq ans, on observe en moyenne une augmentation de 5% dans les hautes écoles, d'après des récents chiffres publiés dans La Libre. A la Haute École, ce chiffre est dix fois supérieur: +50% en un an. 

"Le financement ne suit pas cette évolution", estime Lucas Van Molle, président de la Fédération francophone des étudiants. "On se retrouve à avoir une qualité d'enseignement qui diminue parce que l'enseignement supérieur n'est pas financé à hauteur de ses besoins. On le voit ici avec la question des infrastructures. Les établissements n'ont pas les moyens d'accueillir dignement tous les étudiants qui s'inscrivent."

Une rencontre prochainement organisée

Du côté du cabinet de la ministre de l'Enseignement Supérieur, Valérie Glatigny, on estime que ce nombre croissant d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur francophone démontre d'abord qu’il est très accessible – "C’est positif, car on connait l’importance d’un diplôme pour l’intégration socioprofessionnelle des jeunes." Mais cet accroissement pose aussi "un défi financier et logistique", reconnait-on. Et de développer: "Cette augmentation peut constituer un défi en matière d’encadrement, et notamment pour certaines filières en hautes écoles, dont la filière kiné à de Vinci. Le Cabinet rencontrera prochainement les commissaires et délégués du Gouvernement responsables pour les hautes écoles afin d’analyser la situation sur base de critères objectifs", annonce-t-on.

L'enseignement supérieur est définancé depuis 20 ans

Afin d’améliorer l’encadrement des étudiants et les moyens à disposition des établissements, des moyens financiers sont prévus. Le récent conclave budgétaire a accouché d'un refinancement de l'enseignement supérieur plus important que prévu: 50 millions structurels dès 2022, 70 millions en 2023 et 80 millions en 2024. C’est donc 30 millions de plus en 2024 que ce qui était initialement prévu - 80 millions d’euros au lieu de 50 millions. Des montants qui réjouissent la Ministre Valérie GLATIGNY: "Je salue l’ambition démontrée par l’ensemble du Gouvernement en matière de refinancement de l’enseignement supérieur. Dans un contexte où la population étudiante augmente constamment ces 20 dernières années, ces moyens financiers supplémentaires permettront d’améliorer l’encadrement des étudiants, la qualité."

Ces montants nouveaux montants annoncés restent insuffisants pour la FEF: "Ca va dans le bon sens mais ca reste insuffisant. Les recteurs estiment qu'il faudrait 150 millions d'euros par an. Il faut un refinancement ciblé et nous attendons sur quelles balises ces montants seront mis." 

Alors, faut-il s'attaquer au principe de libre accès aux études supérieurs qui empêche les hautes écoles de refuser un étudiant qui s'inscrit. Pour les différents acteurs, ce point représente un véritable consensus global.

Position de la ministre de l'Enseignement supérieur Valérie Glatigny:

"Le renforcement de la sélection ne fait pas partie de notre stratégie. Nous misons plutôt sur un refinancement de l’enseignement supérieur, une réforme du parcours étudiant, et une meilleure orientation. Nous visons 'la démocratie de l’excellence' où chacun pourra avoir la possibilité de certifier des compétences dans un domaine dans lequel il/elle excelle."

Position de la Fédération francophone des étudiants, Lucas Van Molle:

"Restreindre l'accès pour nous, c'est hors de question. Ce serait vraiment un aveu de faiblesse de l'État. On n'a pas les moyens de vous accueillir donc on va sélectionner. En communauté française, on a l'enseignement secondaire le plus inégalitaire de l'OCDE. La sélection à l'entrée des études est un filtre social qui va exclure. Les couches le plus précaires de la population de l'enseignement supérieur."

Sophie Breedstraet - directrice du secteur Santé de la Haute Ecole de Vinci:

"Je n'ai pas envie de cet examen d'entrée. Ce n'est pas une bonne idée. Nous accueillons aussi une partie d'étudiants qui viennent de l'étranger, de certains pays où les candidats sont habitués à préparer une entrée dans l'enseignement supérieur. Ce serait curieux d'avoir plus de candidats hors Belgique que de candidats belges. Ce serait dommage. A priori, ce sont les finances belges qui paient les formations de nos candidats. La question de la limitation me semble raisonnable. Il faut pouvoir accueillir les étudiants comme il le faut et ne pas se rendre compte au dernier moment du nombre d'inscrits. Sans doute mieux répartir sur les différents instituts qui forment aux mêmes métiers."

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