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Encore un médicament en pénurie: il soulageait Florence qui souffre d'atroces maux de tête, comme "un clou brûlant dans le coin de votre oeil"

La Liégeoise de 44 ans est atteinte d’algie vasculaire de la face, une maladie rare qui lui cause des crises de céphalée particulièrement douloureuses. Son traitement est temporairement indisponible en pharmacie. Elle lance un cri d’alarme.

Florence souffre d’algie vasculaire de la face, une maladie qui se caractérise par de terribles crises de céphalée d’un côté du visage. Pour calmer ces douleurs extrêmes, son neurologue lui prescrit des injections. Un produit qui lui permet d’envisager son quotidien avec un peu plus de sérénité, en sachant que la prochaine crise sera surmontable. Pour obtenir ce précieux médicament, "c’est déjà le parcours du combattant", déplore Florence. Mais depuis le mois de juillet, les pharmacies n’ont plus ce produit en stock. Une situation qui la met "très en colère". "Est-ce qu'on va accepter encore longtemps d'être pris en otage sans rien dire ?", lance-t-elle dans une publication sur Facebook. Son père, Pierre, de Gerpinnes, nous a contacté via notre bouton orange Alertez-nous pour attirer notre attention sur le "coup de gueule" de sa fille. Il est lui-même atteint de cette maladie, mais sous une forme moins grave.


"Un clou brûlant dans le coin de votre œil"

"Cela a commencé du jour au lendemain", raconte Florence. La première crise a eu lieu il y a 9 ans. Alors qu’elle faisait un voyage, direction le sud de la France, les symptômes de l’algie vasculaire de la face se sont manifestés soudainement. "C’est difficile de trouver quelque chose qui pourrait ressembler : peut-être enfoncer un clou brûlant dans le coin de votre œil", décrit Véronique. "Œil qui coule, nez qui coule, descente de la paupière et surtout douleur rétro-oculaire", égrène le docteur Raftopoulos, Chef du Service de neurochirurgie de Saint-Luc. "Ça vient plutôt la nuit. Les attaques durent de 15 minutes à deux heures", indique-t-il.

Depuis, les crises n’ont jamais disparu pour Florence. Elle fait partie des 20% de patients pour lesquels la maladie est chronique. Elle ne connait pas de période de rémission de plus d’une semaine. À la différence de son père Pierre qui, lui, souffre de cette maladie de manière épisodique, avec une période de crises tous les trois ou quatre ans.

Comme souvent pour cette maladie, le bon diagnostic n’a pas été posé tout de suite pour Florence. Il a fallu attendre deux ans. Deux années pendant lesquelles rien ne pouvait soulager ses crises : "Il m’est arrivé de prendre une pince et d’essayer de m’arracher une dent", se souvient-elle. "On a envie de détourner l’attention en faisant mal ailleurs", explique-t-elle. "C’est de la torture", corrobore son père.

Son médecin traitant l’a finalement convaincu d’aller consulter un spécialiste, le neurologue Jean Schoenen, Directeur de l’unité de recherches sur les céphalées au CHR de la Citadelle. "C’est lui qui m’a sauvée", confie Véronique.


Imitrex, des piqûres salvatrices

Florence suit un traitement préventif des crises de première intention, à base de Vérapamil, pour diminuer la fréquence des attaques. En cas de crise, elle s’injecte de l’Imitrex, un produit de la famille des Triptan. "90% d’efficacité complète en 5-10min", indique le professeur Schoenen. "Les piqûres pour moi, c’est le miracle. Quand je ne les ai pas je vais peut-être même faire une crise de savoir que je n’en ai pas", explique Florence. Pour soulager la douleur, elle dispose également de bonbonnes d’oxygène. "Mais il faut avoir la patience d’attendre que ça fasse effet", note Véronique.


De graves conséquences dans la vie de Véronique

Désormais, une petite contrariété, comme une température trop froide ou trop chaude, peut déclencher une crise de douleurs intolérables, raconte Véronique. Elle a commencé par réduire son temps de travail, puis a fini par arrêter de travailler au bout de deux ans de crises. "Cela m’a beaucoup handicapé parce que finalement tout est calculé sur mon dernier salaire", déplore-t-elle.

La maladie a également affecté ses relations sociales. Florence s’est retrouvée de plus en plus isolée. "Il y a beaucoup d’incompréhension de l’entourage. On a l’impression que les gens ne nous croient pas", regrette-t-elle. "Ça crée tellement de stress dès qu’on doit sortir de chez soi. Est-ce que je vais avoir une crise ? Est-ce que je vais pouvoir me piquer ? J’ai dû réapprendre à vivre avec ça", confie-t-elle.


Des démarches fastidieuses pour obtenir son traitement

Dans ces circonstances, avoir ses médicaments à disposition est essentiel à son bien-être. En particulier les piqûres d’Imitrex, qui représentent l’assurance de calmer ses attaques. Mais pour obtenir ce médicament, Florence doit effectuer de nombreuses démarches. Elle a besoin d’une ordonnance de son médecin généraliste pour chaque boîte d’Imitrex (2 piqûres), alors qu’elle a besoin de 7 boîtes par mois. Tous les trois mois, elle doit renouveler l’autorisation de son neurologue, puis la transmettre à sa mutuelle afin d’obtenir l’accord du médecin conseil pour le remboursement des médicaments.


Ses indispensables piqûres sur la liste des médicaments indisponibles en Belgique

Depuis le mois de juillet, le médicament Imitrex est en rupture de stock, se lamente Florence. Un problème d’approvisionnement effectivement repris dans la liste des médicaments avec une "indisponibilité temporaire", constituée par l’agence fédérale des médicaments et des produits de santé. Cette dernière fait état, pour ce médicament, de "problèmes de production" qui devraient prendre fin en février 2019. Or il n’existe pas de médicaments équivalents.

Depuis début 2018, l’autre médicament qu’elle prend en traitement de fond, le Vérapamil, a été en rupture de stock à plusieurs reprises. "Par période", indique Véronique. Mais c’était moins problématique car elle peut alterner avec un médicament semblable.


Une pénurie aux causes multiples

La pénurie de médicament est un problème mondial. En Belgique, comme en France, plus de 400 médicaments sont concernés. Certains peuvent être remplacés par des génériques, d’autres pas. Pourquoi cette pénurie ? D’une part, parce que les firmes pharmaceutiques fonctionnent à flux tendu. Elles n’ont pas de stock. "On est dans un monde économique, et l’industrie pharmaceutique, avec les pressions sur les prix, tend à rationaliser la production des médicaments et à faire des flux tendus", indique Alain Chaspierre, porte-parole de l'Association pharmaceutique belge (APB). Un défaut de qualité, un problème de transport, peuvent engendrer une pénurie. "Pour certains médicaments, il n’y a plus qu’un site de production au niveau mondial, et dès qu’il y a le moindre petit grain de sable dans la production les pays du monde entier sont affectés", poursuit Alain Chaspierre.

D’autre part, l’industrie pharmaceutique détermine un quota pour chaque pays, pour lutter contre l’importation parallèle : "Quand le quota est dépassé, le pharmacien le commande auprès de son grossiste, mais ne reçoit plus la boîte, puisque le grossiste n’a pas été approvisionné", explique Alain Chaspierre. "Le pharmacien peut quand même l’avoir en téléphonant à la firme qui envoie, par la poste, un nombre de boîtes restreint", précise-t-il.


Une solution pour Véronique, pas de réponse globale au problème

Véronique a bien failli ne plus avoir du tout de ce médicament qui lui évite des crises intenables. Mais la gravité de sa maladie a été prise en compte et elle a finalement pu obtenir ses piqûres d’Imitrex : "On doit demander au pharmacien qui téléphone chez GSK, le groupe qui fait ce médicament. On a le droit au médicament au compte-goutte, en justifiant de la maladie", explique-t-elle.

Le problème de pénurie de médicaments est récurrent ces dernières années en Belgique. Des antibiotiques, des médicaments d’anesthésie, des antihypertenseurs, des vitamines et des anticancéreux figurent sur la liste des médicaments en indisponibilité. Le cabinet de la ministre De Block estime que le problème est limité et qu’il est très rare qu’un patient ne puisse recevoir les médicaments dont il a besoin. En France, le sénat a rendu un rapport qui préconise un série de mesures pour tenter de régler le problème. Notamment des exonérations fiscales pour les fabricants qui s’implanteraient en France. Depuis une quinzaine d’années, les trois quarts des sites de production des principes actifs des médicaments ont été délocalisés en Asie, essentiellement en Chine.

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