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Gaël, paraplégique, remarche grâce à un exosquelette: "J’avais des flammes dans les yeux, c’était génial!"

Partiellement paralysé des membres inférieurs depuis un accident du travail, Gaël est à la recherche constante de nouveaux moyens pour faciliter son quotidien. L’acquisition d’un exosquelette se présente comme la solution la plus radicale, lui permettant d’enfin "sortir de sa chaise". Ses premiers essais l’ont enthousiasmé et convaincu d’en acheter un.

Gaël, 44 ans, handicapé et en chaise roulante, nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour nous faire part d’un projet qui lui permettrait de regagner une certaine autonomie: apprendre à utiliser, puis acquérir un exosquelette. Il souhaite aussi faire connaitre son association, baptisée "Marcher à nouveau", qu’il a créée pour venir en aide aux gens qui, comme lui, "en ont en marre de rester en chaise". Ce père de famille, qui habite à Woluwe-Saint-Lambert avec sa compagne et leurs enfants, ne mène plus la même vie qu’avant. Il nous a raconté son parcours, de l’accident au moment magique où il a pu remarcher pour la première fois lors d’un test d’un exosquelette.


Après une chute de 8 mètres, il s’est retrouvé "paralysé d’un coup"

Il y a cinq ans, Gaël travaillait en tant qu’électromécanicien dans une station d’épuration de Bruxelles-Nord. L’accident s’est produit le 19 octobre 2011. "Je suis descendu dans un puits. J’étais accroché comme les gens qui font de l’escalade. Ma sangle a cassé. J’ai fait une chute de 8 mètres", relate-t-il. Gaël s’est cassé le bassin presque entièrement et garde des lésions partielles de la moelle épinière. En revanche, ses jambes n’ont pas été touchées.

Je suis tombé à cheval sur un des murets. J’ai eu un flash dans les yeux. J’ai essayé de bouger mes jambes, je n’y arrivais pas. J’ai commencé à toucher mes jambes et je ne les sentais plus. Je me suis retrouvé paralysé d’un coup.

4 mois de douleurs atroces

Gaël a été hospitalisé à Saint-Luc. Il s’est évanoui rapidement après son arrivée et s’est réveillé deux jours plus tard aux soins intensifs. "Je me suis retrouvé avec deux tiges qui sortaient de mon bassin. J’étais sous morphine. Je me demandais où j’étais", se souvient-il. Gaël est resté hospitalisé pendant huit mois. Les premiers mois étaient très durs. La morphine l’a aidé à supporter ses atroces douleurs. "C’était horrible, j’avais mal. Les infirmiers étaient 5 ou 6 pour me retourner. Rien que le fait de me retourner, je hurlais", raconte-t-il.


Il décide de "vivre pour ses enfants" et retrouve le moral

Paraplégique pendant 4 mois, il a récupéré "un tout petit peu" l’usage de ses jambes, parce que les nerfs repoussent d’un millimètre par mois, explique-t-il. "Un jour j’ai senti une décharge électrique, j’ai commencé à sentir mes genoux", se souvient-il. Gaël a été transféré dans le service de revalidation de l’Institut Albert Ier et Reine Elisabeth. Il a suivi des séances de rééducation et d’ergothérapie. Si au début, il n’acceptait pas sa nouvelle condition, il a finalement fait le choix de "vivre pour ses enfants" et décidé de tout faire pour gagner un maximum d’autonomie. "J’étais motivé. J’en voulais", confie-t-il.


Gaël n’est plus tout à fait paraplégique

Sorti de l’hôpital en juillet 2012, il est aujourd’hui paraparétique, c’est-à-dire qu’il conserve un certain degré de sensibilité et de motricité volontaire : "J’ai une jambe que je sens très bien, la droite. La jambe gauche a eu plus de lésions. Je la sens, mais très peu. Je ne sens pas le pied gauche du tout." Gaël peut se lever "un petit peu" et marcher quelques pas, mais c’est tout. En septembre 2012, il a d’abord repris le travail à mi-temps, puis en 4/5, au sein de la même entreprise, mais dans domaine de l’informatique, parce qu’il n’a plus les capacités physiques nécessaires à ses tâches d’électromécanicien.


En quête permanente d’une plus grande autonomie, il découvre le concept d’exosquelette

Si sa reconversion professionnelle est réussie, son quotidien en chaise roulante n’est "pas évident", confie-t-il. Rester dans une position assise continuellement pose de nombreux problèmes — ostéoporose, digestion — et l’oblige à suivre des séances de kiné quotidienne. Alors Gaël cherche constamment des solutions pour améliorer son quotidien, et notamment "quelque chose pour sortir de (sa) chaise"...

Début 2016, il surfe sur internet quand il tombe sur un article dans lequel quelqu’un mentionne le terme d’"exosquelette". Le déclic est immédiat. "Je me suis dit ‘c’est pour moi, c’est clair !’", se souvient-il. Gaël évoque le sujet à ses médecins à l’hôpital Saint Luc : "Toute l’équipe m’a soutenu à fond."


L’appareil ne convient pas à tous les paraplégiques, mais Gaël remplit les conditions

Il s’est rendu à Aix-la-Chapelle, le 11 novembre dernier, dans le centre de réhabilitation NRK, un des plus modernes d’Allemagne. Il est venu muni d’une lettre de recommandation et de papiers médicaux attestant de son état. Car le produit qu’il souhaitait tester, le ReWalk 6.0, ne s’adresse pas à tous les paraplégiques. L’utilisateur doit pouvoir utiliser des béquilles, mesurer entre 1 m 60 et 1 m 90 et peser moins de 100 Kg. La densité des os doit être suffisante et le squelette ne souffrir d’aucune fracture, peut-on lire sur le site de la marque israélienne.


"Je voulais partir avec l’exosquelette. J’étais bien, c’était impressionnant"

Gaël a pu essayer pour la première fois un exosquelette, et il en garde un souvenir inoubliable.

Ça pèse 15 kilos au total, je pensais le sentir sur mes jambes, mais en fait pas du tout. J’ai fait un ou deux pas. J’avais des flammes dans les yeux. Ma femme et moi, on était tellement émerveillés ! C’était génial !

Le 14 décembre dernier, Gaël s’est rendu avec sa femme, que l'on peut entendre dans la vidéo ci-dessus, chez Doppler, professionnel orthopédique à Contern, au Luxembourg, pour un second test de l’exosquelette. "L'objectif de la session de test ReWalk est de présenter à la personne paraplégique le produit, de le personnaliser spécifiquement pour lui, et d'identifier les besoins spécifiques de la formation qui sera nécessaire avant l’acquisition d’un exosquelette personnel", nous a expliqué Peter Doppler, partenaire du fabricant. Cette deuxième expérience pour Gaël, longue de deux heures et demie, lui a procuré "la même sensation de légèreté". "On est tombé sur des grands professionnels, raconte-t-il, enthousiaste. C’était génial ! Je voulais partir avec l’exosquelette. J’étais bien, c’était impressionnant. Ça passait tout seul !"


"Vous vous sentez marcher, c’est vraiment fou"

Gaël nous a raconté en détail cette séance. Un ingénieur et un kinésithérapeute de la société ReWalk étaient présents. Ils ont pris des mesures de ses jambes et de son bassin afin de parfaitement ajuster les rotules de l’exosquelette aux siennes. Ils ont passé les deux plaques qui soutiennent les pieds à l’intérieur de ses chaussures. Gaël explique qu’il s’est "transféré" dans l’exosquelette. "On s’assoit dedans facilement, c’est comme un siège en fait." Il a été sanglé au niveau du bassin, des jambes et de la poitrine.

Pour cette séance de test, c’est un ingénieur qui contrôlait la télécommande de l’appareil, une "montre un peu spéciale", précise Gaël, où sont enregistrés les programmes "debout, assis et en marche". Gaël s’est mis debout en poussant sur ses béquilles. L’exosquelette s’est levé tout seul, et lui avec. "Ça fait très bizarre. Vous n’avez rien à faire, il fait tout pour vous", s’émerveille-t-il. Ensuite, les capteurs de l’exosquelette détectent les mouvements. Il suffit que l’utilisateur bouge ses béquilles pour que l’appareil déclenche un pas, explique-t-il. Dans son cas, comme son atteinte motrice n’est que partielle, il n’a eu qu’à bouger un peu son pied droit pour que l’appareil le fasse avancer. "L’exosquelette reproduit la marche lui-même, complètement. Vous vous sentez marcher, c’est vraiment fou", s’étonne-t-il encore. Pour tourner ? "Ça glisse bien, il suit votre mouvement". "Si vous voulez vous arrêtez, vous vous arrêtez. Il s’arrête tout seul. Il le sent. Il suffit de se mettre droit", ajoute-t-il.


Les bénéfices sur la santé de l’usage d’un exosquelette

Au-delà de l’aspect grisant de cette expérience, Gaël n’est pas sans ignorer les bienfaits que pourrait lui procurer l’utilisation quotidienne d’un exosquelette. Car une myriade de problèmes de santé sont liés au fait de rester en position assise, allant des escarres aux infections urinaires. Les chercheurs de ReWalk ont dressé la liste des bénéfices que peut apporter l’usage de l’exosquelette sur la santé: maintien de la densité osseuse, meilleure condition physique générale avec un renforcement des muscles du tronc, meilleur sens de l’équilibre, meilleur fonctionnement de la vessie, meilleure digestion... Cet exosquelette pourrait permettre d’éviter de nombreux frais de santé aux personnes paraplégiques, souligne Andreas Reinauer, chef de produit chez ReWalk.


Un entrainement de plus d’un mois et une (très) grosse dépense prévue pour la fin d’année

La prochaine étape est de suivre une formation de 4 à 6 semaines dans un centre ReWalk certifié. Gaël ira dans celui de Saarbrücken, en Allemagne. Il s’agit de la dernière phase obligatoire avant l’achat ou la location de l’exosquelette de la marque israélienne. "Cette formation vous prépare à l’utilisation quotidienne de ReWalk. Son coût est généralement pris en charge par votre mutuelle", peut-on lire sur une brochure du produit. "Je vais faire la formation début du printemps, vers avril. C’est un entrainement très intensif. Je suis en train de voir avec eux", annonce Gaël.

À l’issue de ces 4 à 6 semaines d’entrainement, le père de famille envisage de louer l’appareil pendant 4, 5 mois, puis de l’acquérir "pour la fin 2017". Le prix de cet exosquelette s’élève à 80.000 euros hors taxe, nous a indiqué Andreas Reinauer, chef de produit chez ReWalk. "Le prix inclut l’exosquelette, la personnalisation de l’appareil, la configuration, la formation ainsi que tous les accessoires nécessaires au fonctionnement de ReWalk", précise le responsable.


Son assurance ne veut pas rembourser, il dénonce un mauvais calcul

Gaël a reçu un devis de 86.500 euros de la part de la société israélienne. Si l’assurance AG "accidents de travail" prend habituellement en charge ses soins de santé, celle-ci a "catégoriquement refusé" le remboursement de l’appareil, regrette-t-il. "Ils m’ont dit ‘vous n’en avez pas besoin’", rapporte-t-il, amer. "Ils ne voient pas l’avenir. Ils voient 86.000 euros. Mais il faut voir combien je leur coûte", explique-t-il. Gaël évaluent ses frais de santé à 10.000 euros par an, en raison notamment de ses 5 séances de kiné par semaine. L’exosquelette ayant des effets bénéfiques sur la santé, son coût initial serait amorti au bout de quelques années, estime-t-il.

"En Allemagne, les mutuelles remboursent. Il y a beaucoup de gens qui ont ce système. C’est un des pays les mieux équipés", affirme-t-il. Les responsables de ReWalk misent en effet sur un remboursement par les assurances publiques ou privées. Mela Ikanovicla, directrice marketing de l’entreprise, nous a d’ailleurs indiqué que le remboursement des exosquelettes par les assurances allemandes avait représenté "un tournant" dans le développement de l’entreprise.

"La technologie existe mais on nous le refuse", déplore Gaël. "Plus il y aura de gens avec ce système, plus on pourra faire baisser les prix", affirme-t-il. Pour aider les personnes dans le même cas que lui, ce père de famille a créé une association, baptisée "Marcher à nouveau", ainsi qu’un site internet afin de "récolter de l'argent pour (son) association". "Je peux vous aider à acquérir un exosquelette pour pouvoir remarcher si vous rentrer dans les conditions", peut-on lire sur la page d’accueil du site. A long terme, Gaël espère "faire bouger les politiques" par rapport au remboursement de ce type de produits. "La technologie va beaucoup plus vite que les politiciens et les mutuelles", regrette-t-il.


Gaël analyse le marché encore balbutiant des exosquelettes

Les exosquelettes à usage médical forment un marché à peine émergent et sont développés par des structures relativement petites. "Il y a plus de 100 personnes dans le monde qui possèdent leur exosquelette ReWalk personnel. En tout, plus de 250 exosquelettes sont en usage, à la fois dans des centres de réhabilitation et chez des particuliers", nous informe Sven Floes, le responsable des ventes allemand. "Nous sommes encore à l’état de startup dans de nombreux pays", précise-t-il. A titre de comparaison, l’entreprise néo-zélandaise Rex Bionics, l’un de ses principaux concurrents, produit des exosquelettes à 100.000 euros. Il y en a actuellement 40 en usage dans le monde.

Gaël suit attentivement l’évolution de ce marché. Il a repéré un nouveau modèle d’exosquelette développé par la startup californienne SuitX, le "Phoenix", à 36.000 euros. Au mois de mars, il a l’intention de se rendre en Italie, où une société le commercialise, pour essayer l’appareil et comprendre les raisons de ce prix nettement inférieur.

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