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Hicham a disparu en 2002: "Mort ou vivant? Cette question NOUS HANTE, moi et nos deux filles, depuis bientôt 16 ans"

En 2002, Hicham, le compagnon de Delphine et père de deux de ses filles disparaissait mystérieusement. Près de 16 ans plus tard, elle est toujours sans nouvelle de lui et ne sait pas ce qui lui est arrivé.

Delphine (prénom d'emprunt car elle veut garder l'anonymat) était une jeune femme de 19 ans, maman d’une petite fille de 11 mois et enceinte de son deuxième enfant. Elle vivait avec son compagnon, Hicham, à Namur. Du jour au lendemain, sa vie a été bouleversée par un événement tragique, la disparition de son amoureux. Quinze ans plus tard, elle a pris contact avec notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous pour raconter son histoire. "Le 10 janvier 2002, mon compagnon de l’époque a disparu. Nous avions déjà une petite fille et j’étais enceinte de la deuxième. Ces deux petites filles sont aujourd’hui en pleine adolescence. Nous n’avons toujours aucune réponse, ni aucun indice. Mort ou vivant? Ces questions nous hantent depuis bientôt 16 ans", nous écrit-elle.


Son compagnon quitte la maison vers 20h pour aller travailler dans une soirée de village, c’est la dernière fois qu’elle le verra

Delphine a 16 ans et demi quand elle rencontre Hicham. Il est arrivé en Belgique depuis le Maroc quelques mois auparavant. Ils se croisent dans la rue à Namur, il l’aborde, ils discutent un peu, ils font connaissance et c’est le coup de foudre. Deux ans plus tard, ils accueillent leur premier enfant, une petite fille, Aïcha (prénom d'emprunt). Quelques mois plus tard, Delphine tombe à nouveau enceinte. Elle n’est qu’à deux ou trois mois de grossesse quand Hicham disparaît.

Ce 10 janvier 2002, elle s’en souvient comme si c’était hier. Son compagnon quitte la maison vers 20h pour aller travailler dans une soirée de village. C’est la dernière fois qu’elle le verra. Il a rendez-vous avec les personnes qui l’ont recruté à la gare de Namur, de là ils le conduiront au lieu de la fête. "Il avait invité plein de copains à lui à venir le rejoindre à la soirée. Un très bon ami à lui de l’époque et sa femme m’ont téléphoné sur le téléphone fixe en me disant qu’il ne leur répondait pas sur le GSM et qu’ils ne trouvaient pas la soirée où ils devaient le rejoindre. Je leur ai répondu qu’il était déjà parti et que je ne savais pas les aider", nous explique-t-elle.


"J’avais l’espoir qu’ils soient tous rentrés chez le copain pour ne pas nous réveiller la petite et moi"

Ce coup de téléphone inquiète Delphine qui sent tout de suite que quelque chose ne va pas. "Ils m’ont rappelée un peu après pour me dire que le GSM était coupé (au début ça sonnait, mais ça ne répondait pas), et depuis, il est toujours resté coupé", se souvient-elle. Delphine parvient tout de même à s'endormir, mais à son réveil le lendemain matin, Hicham n'est toujours pas rentré. "J’appelais le GSM, il était toujours coupé, j’ai fini par rappeler son ami. J’étais un peu en stress, mais je me disais que ça allait aller, qu’il n’y avait rien de grave, j’avais l’espoir qu’ils soient tous rentrés chez le copain pour ne pas nous réveiller la petite et moi, détaille-t-elle. Mais quand je l’ai appelé, il m’a dit qu’il ne l’avait jamais trouvé et qu’il avait fini par rentrer chez lui avec sa femme. Là, j’ai commencé à m’affoler. Dès le début, j’ai senti qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond.


Un guet-apens?

Les amis d’Hicham continuent de chercher la soirée où il devait travailler, mais impossible de la trouver. Au final, après renseignements, ils comprennent qu’elle n’existait pas. "Nous, ça nous a semblé tout de suite être un genre de guet-apens", commente Delphine. Dès le lendemain de la prétendue soirée, le 11 janvier, elle se rend au commissariat de police de Namur pour déclarer la disparition de son compagnon. "Il faut savoir que la police, surtout dans des cas de disparition de personnes majeures, ils ne font pas grand-chose, à part recevoir une plainte pour disparition. Ils ont pris ma plainte", se souvient-elle.


"On ne savait pas où chercher"

Les amis d’Hicham et de Delphine prennent les choses en main pour tenter de le retrouver et parcourent les rues de Namur à la recherche de personnes qui le connaissent pour savoir s’ils sont au courant de quelque chose. Mais personne n’a rien vu. Un de ses frères et sa sœur qui vivaient aussi dans la région de Namur à l’époque prêtent main forte à Delphine. "Ils ont cherché avec moi, ils m’ont soutenue, etc. On a cherché ce qu’on pouvait chercher. On était quand même bloqué parce qu’on n’avait pas d’infos, on ne savait pas où chercher. À part aller faire le tour de la ville avec des photos et arrêter toutes les personnes qui pourraient nous aider, on n’a pas pu faire grand-chose d’autre. On a fait ça la première semaine. Moi je ne l’ai pas fait toute la première semaine parce que je n’étais pas dans un très bon état et puis j’avais la petite. Mais son frère, sa sœur et des amis ont continué à le faire. Les gens nous demandaient si on avait des nouvelles. Mais on a vite tourné en rond", se remémore Delphine.


Delphine s'effondre

Très vite le moral de la jeune femme se détériore. Elle doit s’occuper de la petite Aïcha qui va fêter son premier anniversaire et prendre soin d’elle pour le bien de l’enfant qu’elle attend, mais elle a du mal à faire face. "Je ne sais pas trop comment j’ai fait. Je me suis dit qu’il y avait mes enfants et que je n’avais pas le droit de m’effondrer. Même si, honnêtement, les premiers jours, j’étais effondrée. Je restais dans mon fauteuil avec ma petite à côté de moi, je ne voulais pas la lâcher. Je ne mangeais pas, je regardais le mur. À un moment, je me suis dit que j’avais un bébé dans mon ventre et que je devais recommencer à manger. Donc j’ai repris le dessus pour mes enfants", raconte Delphine.


Des mauvaises fréquentations

Huit jours après la disparition d’Hicham, la police fait paraître un avis de recherche le concernant, mais il ne mène à rien et le jeune homme reste introuvable. Delphine est sûre que son compagnon n’a pas disparu de son plein gré. Tout allait bien dans leur couple et il était ravi de devenir à nouveau père. "J’en suis toujours persuadée, c’est un genre de guet-apens. Pourquoi ? Je ne le saurai jamais. Je n’étais peut-être pas assez curieuse à cette époque-là. Je ne demandais pas avec qui il avait rendez-vous, ce genre de choses. Moi j’étais contente qu’il ait trouvé un petit boulot pour se faire un peu d’argent. Après réflexion, on se dit : ‘Mais pourquoi tu n’as pas demandé ? Pourquoi tu ne t’es pas renseignée ?’", regrette-t-elle.

Elle est tout de même consciente qu’Hicham devait avoir de mauvaises fréquentations. "Je sais bien qu’à la fin, les quelques jours avant sa disparition, il avait demandé de l’argent à prêter à sa sœur, il avait voulu revendre notre lecteur DVD, des petites choses comme ça. Donc, il avait besoin d’argent, mais pourquoi ? À mon avis je n’étais pas assez curieuse", ajoute-t-elle.


Un nouvel avis de recherche en 2007

Dans l’année qui suit la disparition d’Hicham, Delphine est fréquemment appelée par la police pour savoir si elle a de ses nouvelles, mais eux ne trouvent rien de plus. En 2007, ils font paraître un nouvel avis de recherche qui ne donne toujours rien. Aujourd’hui, le dossier sur la disparition d’Hicham est toujours ouvert, il est toujours porté disparu, nous a-t-on confirmé à la police de Namur.


Un nouvel amour pour Delphine: le frère d'Hicham

Parmi les personnes qui aident Delphine à traverser cette épreuve, il y a le jeune frère d’Hicham. Ils se soutiennent l’un l’autre et des sentiments finissent par naître entre eux. Un an et demi après la disparition de son compagnon, la jeune maman se met en couple avec son beau-frère qui s'occupe d'Aïcha et de Yasmine comme de ses propres enfants. Quelques années plus tard, ils se marient et de leur union naîtront deux autres filles.


"Tant qu’on n’aura pas de réponse, on en souffrira"

Si Delphine veut des réponses aux questions qu’elle se pose sur la disparition de son compagnon, c’est surtout pour ses filles. Dès qu’elles ont été en âge de comprendre, elle leur a expliqué ce qui était arrivé à leur papa, mais, aujourd’hui adolescentes, elles souffrent d’avoir dû grandir sans lui. "Tant qu’on n’aura pas de réponse, on en souffrira. Et même si on a des réponses, je ne peux pas dire ce qui se passera. Le plus dur de toute façon, c’est de ne pas savoir. On ne peut pas faire notre deuil. Quand elles étaient petites, elles ne parlaient pas de leur papa, vers 9-10 ans, elles ont commencé à poser des questions pour savoir quand il avait disparu, comment, etc. Elles m’ont aussi souvent demandé pourquoi nous ne l’avions pas cherché. Depuis une bonne année, elles veulent le chercher, chercher des infos pour savoir si quelqu’un sait quelque chose, etc.", explique-t-elle.


"Je veux qu’il revienne, même s’il est parti pendant 16 ans, je lui pardonnerai"

Aïcha, l’ainée des filles d’Hicham et Delphine, n’a plus de souvenirs de son papa, mais elle espère encore qu’il reviendra un jour. "Je n’ai pas de souvenirs de mon père, ni de comment ça s’est passé après sa disparition, je ne me souviens vraiment de rien. Je parle parfois de lui avec ma mère. Dès qu’on a eu l’âge de comprendre, elle nous a expliqué ce qui s’était passé pour qu’on ne l’apprenne pas de nous même quand on serait plus grande. Je suis contente qu’elle l’ait fait, parce que si elle ne nous l’avait pas dit et qu’on l’avait appris toutes seules, me connaissant, j’aurais très mal réagi. Je ne sais pas si on le retrouvera un jour, parce que je ne sais même pas s’il est mort ou pas. Je me dis qu’il ne serait pas parti toutes ces années comme ça, à part s’il avait de gros ennuis. Vu comme ma maman en parlait, elle disait que quand ils se baladaient en ville avec moi en poussette, il était fier de me montrer à ses copains, donc je me dis qu’il ne serait pas parti comme ça. Je veux qu’il revienne, même s’il est parti pendant 16 ans, je lui pardonnerai, c’est sûr. Je me dis que s’il avait vraiment de très gros ennuis, il s’est juste sauvé lui", avance la jeune femme de 17 ans.


"Je n’arrive pas à en parler, je suis surtout en colère"

Sa petite sœur, Yasmine, 15 ans, n’a jamais connu son père. Mais tous les jours, elle ressent un manque. "J’étais encore dans le ventre de ma mère, mais ça fait quand même mal, très mal. Quand j’étais petite, on me montrait des photos, on me racontait des souvenirs." Yasmine pense depuis plusieurs années à aller voir la police pour obtenir des informations, mais elle attend d’avoir 18 ans pour être prise au sérieux. "J’ai déjà pensé plein de fois depuis que je suis petite à aller voir la police pour savoir où en est l’enquête, mais je me suis toujours dit que je devais attendre parce que je ne crois pas qu’ils vont prendre au sérieux une petite gamine de 15 ans. J’attends mes 18 ans. Là je commence à chercher. Mais je n’arrive pas à en parler, je suis surtout en colère", reconnaît-elle.

Aïcha et Yasmine poursuivent toutes les deux des études secondaire. Plus tard, l'aînée aimerait travailler dans la vente, la cadette, elle, rêve de devenir avocate, pour défendre son papa.

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