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Hugues, 20 ans, déplore la destruction d'un "château" à Andenne: "Qu'est-ce qui restera aux générations futures?"

A Namêche, un bâtiment, ressemblant à un château, va être démoli. Non classé, il a toujours fait partie du paysage de la région. Sa démolition attriste et interpelle les habitants. C’est le cas d’Hugues qui se pose une question: le patrimoine wallon est-il suffisamment préservé ?

"C'est un bâtiment qui figure sur les cartes (postales), les photos et sur toutes les images qu'on a de Namêche. Il fait partie de notre histoire", se lamente Hugues, un habitant de Namêche dans la province de Namur. Ce jeune homme de 20 ans déplore la décision de sa commune : vendre et démolir un bâtiment aux allures de château. Il nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. "C'est un témoignage de notre passé. Selon eux (les décideurs), c'est 'un gouffre financier'. A un moment, si on détruit tout, qu'est-ce qui restera aux générations futures ?", s'interroge-t-il.

Sale état

Début mars, le conseil communal d'Andenne a validé la vente pour 175.000 euros du terrain. Résultat, les futurs promoteurs vont raser l'édifice et construire de nouveaux logements. Claude Eerdekens est le bourgmestre d'Andenne. Il explique la décision de vendre le lieu: "Un bâtiment fait partie de l'histoire s'il a une valeur architecturale significative", informe-t-il. Ce qui n'était visiblement pas le cas ici, d'après le mayeur: "Il y a des parties du bâtiment qui s'effondrent. Tout commençait à pourrir. Les balcons s'effondraient et même dans la partie basse du bâtiment, il y a des cavités qui se sont créées sous les terrasses, risquant de mettre en péril la stabilité du bien."


Une question mathématique

Il aurait fallu dépenser 700.000 euros pour réhabiliter le bâtiment. "Nous avons – en toute logique financière – préféré le vendre pour que l'emplacement serve à la construction de nouveaux logements et recevoir 175.000 euros plutôt que de dépenser 700.000 euros et recevoir des loyers 'rikiki' pour trois appartements sociaux, soit +/- 1.200 euros par mois. On n'a pas le choix. Dépenser, brûler l'argent du contribuable pour un bâtiment sans qualité, ça n'a aucun sens. L'équation financière est vite faite." Une logique qui échappe à Hugues, notre alerteur. Il se désole : "Pour la ville, il n'y a pas de place pour les sentiments et la valeur des lieux."

Le but est de protéger, pas de développer des subventions

D'autant que le bâtiment en passe d'être détruit n'est pas classé. Pour l’être, il aurait dû répondre à plusieurs critères établis par le code du patrimoine: rareté ; authenticité ; intégrité ou encore présenter un intérêt historique. Pour un éventuel classement, il y a une procédure très précise qui va de l'introduction d'une demande au classement final. Une demande de classement peut être introduite par diverses parties. (Collège communal, propriétaire, population par le biais d’une pétition, etc. En savoir plus).

L'administration wallonne compétente, l'AWap, instruit ensuite un dossier. La note finale finit entre les mains de la ministre en charge du Patrimoine et du Tourisme, Valérie De Bue, qui finit par trancher. Dans 90% des cas, les avis de l'AWaP sont suivis par la ministre. "Le but est de protéger, pas de développer des subventions", précise la ministre.

"Est-ce qu'un édifice classé fait nécessairement de lui un patrimoine à part entière?" 

Pour Pierre-Emmanuel Lenfant, vice-président de l'association 'Communauté Historia' qui lutte pour la protection du patrimoine, la disparition du lieu-dit "Château" de Namêche est symptomatique de la politique patrimoniale du pays. "Le problème du patrimoine en Wallonie est un problème budgétaire. Les deniers publics sont rares. On doit faire beaucoup avec peu. Le deuxième problème est d'ordre politique, c'est le regard qu'on porte sur le patrimoine. Le dernier problème est le regard citoyen. Pourquoi n'est-il pas écouté et n'est-il pas pris plus souvent en considération par les politiques?"


Se pose alors l'inéluctable question de la définition du patrimoine. "Est-ce qu'un édifice classé fait nécessairement de lui un patrimoine à part entière?", s'interroge Pierre-Emmanuel Lenfant qui enchaîne: "Un citoyen qui regarde quelque chose qui fait partie de son environnement immédiat peut se dire 'Ça, ça fait partie de ma culture, de mon histoire, de mon identité !' Tout l'enjeu est là d'un point de vue administratif : reconnaitre ce qui a des éléments du patrimoine - notamment local - qui présentent des intérêts et qui devraient être appréhendés d'une autre manière que cette vision systématique qui est de raser et reconstruire. Ça, on le constate partout en Wallonie."

Du côté de la ministre, le classement des sites et bâtiments est régi par une valeur scientifique: "Il y a des bâtiments qui ont une valeur sentimentale très forte dans le chef des citoyens et de la population, mais le classement d'un bâtiment et la valeur patrimoniale, c'est autre chose. C'est une valeur scientifique qui est reconnue. On ne peut pas nécessairement mettre sur le même pied, des biens très présents dans la mémoire de citoyens mais qui n'ont pas nécessairement de valeur historique avec ceux qui répondent à toute une série de critères dont ceux de l'authenticité et l'intégrité. On ne peut pas brader le patrimoine. "

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