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"ABERRANT" en 2017: en Belgique, les gros pick-ups polluants sont moins taxés qu'une petite voiture

Les véhicules de type pick-up sont de plus en plus destinés aux particuliers. Calandres chromées, finitions soignées et agréments de conduites sont développés pour séduire les automobilistes. Pourtant, ils restent taxés comme des utilitaires légers, quel qu'en soit l'usage qui est fait. A l'heure où tout est fait pour dissuader les conducteurs d'acheter un véhicule trop polluant, ces gros 4X4 génèrent donc toujours moins de taxes qu'une petite voiture dotée d'un moteur de 1.000 cc. Un constat difficile à comprendre.

La vague des pick-up nous vient des Etats-Unis. Et s'il n'est pas encore question de raz-de-marée, ces gros 4X4 aux calandres interminables et dotés de moteurs volumineux et gourmands sont de plus en plus fréquents sur nos routes. Selon les chiffres de la Febiac, la Fédération Belge de l'Automobile et du Cycle, 5.863 pick-up ont été immatriculés en Belgique en 2016, contre moins de 3.000 en 2005, soit près du double.

La progression est donc réelle. Effet de mode, utilité ou passion, les explications s'avèrent multiples. Mais avec la décision de durcir les taxes en fonction de la taille du moteur et de son impact environnemental, les autorités ont peut-être ouvert une brèche qui encourage, de façon contradictoire, l'achat de ce type de véhicule.

"Les pick-up ont toujours été considérés comme des utilitaires légers, tant en simple cabine qu’en double cabine", nous indique Christophe Dubon. Et qui dit utilitaire léger, dit fiscalité douce...


Un même moteur taxé très différemment

A titre d'exemple, la comparaison faite dans le magazine "Moniteur Automobile" de décembre 2016 est sans équivoque. Prenons le SUV VW Touareg TDI et le pick-up VW Amarok. C'est le même constructeur, et le même moteur pour les deux modèles (bloc V6 Diesel 3,0 l. de 204 chevaux). En Wallonie, sur une durée de 5 ans, le Touareg vous coûtera plus de 6.500 euros de taxes. Pour l'Amarok, on sera à... 637,55 euros, soit 6.000 de moins. Un gouffre, alors que ce pick-up peut emmener 5 personnes à bord.

Et c'est bien là que le bât blesse. Car si un professionnel utilise un pick-up parce que l'usage qu'il en fait le justifie, il n'y a pas de raison pour qu'il soit sanctionné et paie plus.

Par contre, de plus en plus de pick-up sont utilisés par des particuliers qui trouvent là un moyen de contourner le système de la fiscalité automobile. "Des cas comme ceux-là restent rares. Vous savez, il faut monter à bord de ces voitures et voir ce que cela donne. Ce n'est pas du tout agréable, pas confortable, dès qu'il faut remplacer un pneu ça coûte atrocement cher et en plus ça consomme énormément", tempère Serge Istas, porte-parole de Traxio, Confédération du commerce et de la réparation automobiles et des secteurs connexes.


Moins taxé que la plus petite Smart

Pourtant, les constructeurs automobiles prennent de plus en plus le soin de charmer les particuliers et présentent des véhicules lustrés, aux grosses calandres chromées qu'on imagine mal traverser les bois aux mains d'un bûcheron. Et à bord, les agréments de conduite se multiplient, preuve que c'est "Monsieur tout le monde" qui est désormais ciblé pour l'achat de certains modèles. 

En guise de comparaison, toute voiture dont la cylindrée sera comprise entre 951 cc et 1.150 cc, ce qui n'est vraiment pas grand-chose, paie plus de taxe à la région wallonne (143,09 euros/an) que le pick-up Amarok dont on vous parlait ci-dessus (127,5 euros/an). Et pour vous donner une idée, le plus petit moteur disponible dans une Smart à une cylindrée de 999 cc...

Le choix des modèles et la comparaison sont volontairement marquants, mais ils démontrent qu'il existe des brèches dans le système actuel. "C'est vrai qu'au niveau environnemental, on est tout à fait d'accord", a insisté Serge Istas.

Et si ce dernier insiste, sans doute à juste titre, sur l'usage fait de la voiture, même par des particuliers, nous estimons qu'il est quand-même difficile de faire avaler à quasi tous les automobilistes belges qu'ils paient plus, voire beaucoup plus de taxes que leur voisin qui a a opté pour un pick-up qui éprouvera toutes les peines du monde à consommer moins de 15 l/100 km.


Une fiscalité douce pour un particulier en pick-up: "Aberrant !"

Alors c'est vrai que cela se comprend au niveau du choix du véhicule de la part du particulier qui en tirera profit. Mais pourquoi, dans ce cas, réserver un tel avantage fiscal pour un véhicule lourd et extrêmement polluant ? Du côté du cabinet du ministre des Finances, Johan Van Overtveldt (N-VA), on nous a répondu de façon laconique qu'il n'y avait pas de "changement en vue pour le moment".

"C'est certain que dans de tels cas, c'est aberrant. A l'heure où l'on fait tout pour décourager les achats de véhicules les plus polluants, c'est totalement incompréhensible", regrette Arnaud Pinxteren, député bruxellois (Ecolo). George Gilkinet, député fédéral (Ecolo), ajoute que c'est "effectivement une situation interpellante, et on demandera des explications au ministre des Finances".

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