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Récit d'inondations à Pepinster: Noah, 17 ans, raconte la montée des eaux, l'arrivée de son père, la fuite ardue de sa famille

C'est le parrain de son frère qui nous a soumis son récit via le bouton orange Alertez-nous. Celui de Noah, de son sauvetage dans la rue Louis Biérin à Pepinster. Il l'a écrit du premier signe de l'arrivée des eaux, mercredi 14 juillet au matin, "il y avait moins d'un centimètre d'eau, on aurait dit que quelqu'un avait renversé un verre d'eau", jusqu'à son départ avec sa famille, le jeudi 15 juillet après-midi, après que son père est arrivé, "J'ai réussi, j'ai réussi je suis venu vous chercher".

C'était il y 8 jours déjà. Quand nous avons appelé Noah ce vendredi après-midi, l'adolescent de 17 ans se trouvait avec les siens dans un camping de Gemmenich, à une trentaine de kilomètres de son domicile, près des frontières allemande et hollandaise. Sa famille y dispose d'une caravane. Après avoir quitté sa maison inondée, elle n'a pas pu tout de suite s'y installer car le camping avait lui aussi été frappé par les intempéries. Elle a été hébergée quelques jours par des amis à Neupré, le temps que le camping et la caravane soient à nouveau rendus habitables.

Lorsque les eaux ont monté à Pepinster, le père de Noah se trouvait justement dans ce camping avec le plus jeune frère de Noah. C'est lui qui a téléphoné mercredi matin à Noah afin qu'il aille vérifier s'il n'était pas nécessaire de mettre en route la pompe pour évacuer l'eau qui serait éventuellement entrée dans la cave. C'est lui qui a décidé d'aller sauver sa famille le lendemain alors que l'eau avait atteint le 1er étage et que les secours n'arrivaient pas, descendant la colline boisée derrière la maison et la remontant avec sa famille et des voisins. Une remontée ardue qui a pris plus d'une heure, se souvient Noah.

C'est encore lui, son père, qui a quitté le camping il y a quelques jours pour retourner voir leur maison, une fois les eaux retirées, pour commencer à nettoyer et débarrasser. Les pompiers lui ont dit que les murs porteurs ne menaçaient pas de s'écrouler, nous dit Noah. Par contre, certains planchers des étages ne seraient plus très solides.

Quand pourront-ils retourner ? Ils n'en ont aucune idée. "Il faut que le courant et l'eau soient rétablis, attendre que les planchers sèchent", dit Noah. Comment se sentent-ils ? Il y a de la tristesse, mais Noah insiste: il est d'abord content que ses parents, grands-parents, frères soient vivants, rassemblés et s'entraident. "Bien que j'aie tout perdu, j'ai réussi", conclut Noah. Voici son récit d'heures qu'il n'oubliera jamais.

LE RÉCIT DE NOAH

Le 14 juillet, je reçois un appel de mon père a 10h : "Noah tu peux aller voir dans la cave et mettre la pompe si il y a de l'eau s'il te plaît". Je me suis donc habillé. Deux minutes après, ma voisine d'en face, une personne âgée et très sympathique, est venue me prévenir qu'il pourrait y avoir de l'eau et qu'il faudrait y faire attention. Je lui ai dit merci et que j'allais aller voir.

Donc je descends et je me rends dans la cave. On aurait dit que quelqu'un avait renversé un verre d'eau, il y avait moins d'un centimètre d'eau. A 10h30 ma mère arrive alors qu'elle devait être au travail et me dit "J'avais une boule au ventre, je me suis dis qu'il fallait que je sois près de mon fils".

Maman je vais prendre mes affaires et les mettre en haut

Ensuite, l'eau montait de plus en plus dans la cave mais rien de grave jusqu'ici. Vers 11h, elle rentrait dans ma chaussure de sécurité mais je me disais encore, "ça va, l'eau ne montera pas plus". J'ai eu tort.

L'eau arrivait à un peu près 5 cm au dessus de mes chaussures dans la cave et le temps de faire des photos des 4 pièces différentes de la cave, l'eau était à mes genoux. Elle ne cessait pas de monter. J'ai enlevé les chaussures et j'ai dit "Maman je vais prendre mes affaires et les mettre en haut" (NDLR: sa chambre est au rez-de-chaussée). J'ai essayé de prendre le maximum, même les affaires de mes frère et de mes parents. Je me suis tellement dépêché que je n'ai pris qu'une de mes baskets. On peut dire que j'ai fait les choses à moitié du coup.

Ensuite l'eau rentrait par la porte d'entrée. J'ai pris la raclette, je repoussais l'eau pour ne pas qu'elle rentre dans la chambre, à seulement un peu plus d'un mètre de l'entrée, c'était un acte de désespoir je savais que ça ne servait à rien mais je n'arrivais pas à m'arrêter, j'avais peur pour ma chambre. Ma mère m'a dit de laisser tomber. Alors, à la 4e reprise, j'ai arrêté. Elle me disait : "Ça ne sert à rien, c'est trop tard, aide-moi à monter tout." 

 Dans la maison les 600 litres de mazout était mélangé à l'eau, l'odeur était infecte

L'eau montait à vue d'œil, on ne pouvait rien faire de plus, hormis rester au premier étage. Dans la maison les 600 litres de mazout était mélangé à l'eau, l'odeur était infecte, j'en avais la migraine. Un mal de genou insupportable quand j'ai arrêté de bouger, j'ai pris des médicaments et je regardais par la fenêtre.

A 14h, on attendait les secours que mon père avait appelé, ma tatie, une amie et nous. Le 112 nous a dit au début "Attendez, et si la situation empire rappelez-nous". À 18 heures on a encore rappelé. Leur réponse à chaque appel passé par nous ou par nos proches : "Oui on sait, les secours arrivent". Mais ils ne sont jamais venus. Ma mère me disait "Toi tu manges tu bois". J'ai dit : "Foutu pour foutu maman, c'est ma nouvelle devise".

(Je vais la faire courte pour la suite de cette belle histoire c'est déjà un roman)

Noah, l'eau monte au premier étage!

Le lendemain matin, je dormais dans la chambre de mon grand frère, ma mère rentre et me dit "Noah l'eau monte au premier étage", j'ai dit "Quoi !? C'est pas vrai !? C'est quoi ce bordel et les secours ils font quoi là !?". Je me suis habillé et j'ai été voir avant de retourner au 2e étage.

J'avais faim et soif mais je n'arrivais pas à manger, pourtant je savais que si je ne mangeais pas j'allais encore faire une hypoglycémie. J'ai réussi à me forcer à manger 1 ou 2 brownies, je sais plus. (Mdr genre je vais tenir avec ça mais c'est mieux que rien).

Noah, papa est là!

Mon cœur battait tellement vite c'était incroyable, j'avais peur de mourir, j'ai cru que j'allais mourir. J'avais tellement peur que j'avais peur de faire une crise cardiaque avant de mourir noyé, cette idée je l'avais en tête. Puis l'eau est redescendue un peu et là j'allais mieux et puis j'entends ma mère pleurer et dire d'une voix tremblante "Noah, papa est là!" J'ai dit "Quoi !? Qu'est ce qu'il fait là" et mon père a dit "J'ai réussi, j'ai réussi je suis venu vous chercher" sachant qu'il est venu par derrière et que c'est extrêmement dangereux. Ensuite il nous a serrés dans ses bras après avoir réussi à être rentre et a dit "J'ai réussi, j'ai sauvé ma femme et mon gamin". Mes parents pleuraient, ce que je n'ai pas fait, je me le suis interdit tout au long pour ne pas en rajouter sur les épaules de ma maman.

Il nous a fallu plus d'une heure, sans matériel ni rien, pour se sortir de là !

On a réussi à partir. On était 8. Moi, mes parents, nos 2 jeunes voisins, et une famille, le père, la mère et leur fille de 5 ans qu'on a réussi à sauver, moi et les jeunes en se la passant de bras en bras (NDLR: lors de la montée de la colline boisée. Ils s'accrochaient à des branches pour se passer petite la fille). J'ai réussi à sauver cet enfant pour tout ce qu'il restait à monter pendant 20 minutes avec cet enfant sur les bras.

On a tous réussi, je remercie nos voisins et je salue la bravoure de mon père et le courage de ma mère qu'on a poussée à arriver en haut malgré la dureté. On a tous réussi. Bien que j'aie tout perdu, j'ai réussi. Il nous a fallu plus d'une heure, sans matériel ni rien, pour se sortir de là ! Je n'aurai jamais cru avoir 6 mètres d'eau chez moi.

Je tiens aussi à saluer la solidarité qui règne et à remercier énormément les amis qui nous ont hébergés.

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