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Joséphine furieuse: elle habite toujours près de la centrale nucléaire de Tihange mais elle ne reçoit plus de comprimés d'iode

Avec la succession d'incidents dans les centrales nucléaires, Joséphine, qui habite à un peu plus de 20 kilomètres de Tihange, redoute une réelle catastrophe. Or, pour quelques kilomètres, elle ne possède pas de comprimés d'iode délivrés préventivement par les autorités aux personnes résidant dans une zone "à risque". La mère de famille fulmine.

Les incidents se sont multipliés ces derniers mois dans les centrales nucléaires de Tihange et de Doel. Pas de panique ! Si ces incidents sont massivement relayés par les médias, il n'était en aucun cas question d'accident nucléaire. Il n'empêche, la population s'interroge sur la sécurité nucléaire en Belgique. Les plus pessimistes songent d'ailleurs à l'étape suivante et à ce qu'ils devraient faire en cas d'accident. Joséphine, qui habite Seraing, nous a ainsi fait part de ses inquiétudes via notre bouton orange Alertez-nous. "Depuis quelques mois, nous constatons que toutes les semaines, les centrales de Tihange et de Doel connaissent des problèmes soi-disant sans risque. Combien de temps faudra-t-il attendre avant que nos chers politiciens prennent en compte la sécurité des citoyens et non pas les aspects financiers ? Nous avons peur pour nous, nos enfants".

Mais au-delà des craintes, Joséphine fustige le fait que les autorités ne distribuent pas de comprimés d'iode aux personnes habitant à proximité des centrales. D'autant plus qu'elle en avait reçus il y a désormais plus de 10 ans, mais que ceux-ci sont désormais périmés. "La date de péremption est dépassée depuis 5 ans. J'ai essayé via plusieurs moyens d'obtenir de nouveaux comprimés, via ma commune, via le ministère de la Santé. J'ai téléphoné partout, mais on m'envoie chaque fois balader. Je trouve cela particulièrement inadmissible car nous sommes en danger permanent et personne n'en tient compte".


Pourquoi de l'iode en cas d'accident nucléaire ?

Lors d'un accident nucléaire, il est possible que de l'iode radioactif soit libéré dans l'air. Ce composant serait alors inhalé ou ingéré par les personnes qui y sont exposées. L'iode radioactif se fixe ensuite sur la thyroïde, risquant de provoquer un cancer de cette glande. La prise préventive de comprimés d'iode non radioactif permet de saturer la glande thyroïde. Dès lors, celle-ci n'est plus capable de fixer l'iode radioactif, qui sera éliminé dans les urines.

Mais attention, qui dit incident nucléaire ne dit pas nécessairement ingestion de comprimés d'iode basique. "Ce n'est pas du tout un médicament miracle en cas d'accident nucléaire", a indiqué Benoît Ramacker, porte-parole du centre de crise.

En effet, ces comprimés ne peuvent être pris que si, dans le cadre de l'accident nucléaire, il y a de l'iode radioactif qui est libéré. "Mais en cas d'accident, il se peut qu'il y ait d'autres isotopes, d'autres matériaux radioactifs qui sortent d'une centrale nucléaire. Et dans ce cas ça ne sert à rien de prendre des comprimés d'iode. C'est donc uniquement à ingérer que sur recommandation des autorités", a ajouté Benoît Ramacker.

Et le porte-parole du centre de crise a tenu à épingler le premier réflexe à avoir en cas d'accident nucléaire. "La première contre-mesure à appliquer est la mise à l'abri, le confinement. C'est la meilleure réaction que l'on puisse avoir en cas d'accident nucléaire dans un premier temps. Ensuite, après évaluation, on peut soit ordonner une évacuation, soit une prise de comprimés d'iode". Toutes les mesures à prendre et comportements adéquats à adopter en cas d'accident sont par ailleurs détaillés sur le site risquenuclaire.be.


Qui a droit à des comprimés d'iode basique ?

Si les comprimés d'iode ne protègent pas les habitants de tout danger en cas d'accident, Joséphine serait rassurée si elle en avait à disposition, d'autant plus qu'elle en avait reçus il y a plus d'une dizaine d'années. "On est laissé pour compte. On attend que ça pète. C'est vraiment anxiogène comme situation", nous a-t-elle confié. Il est vrai que les campagnes menées à la fin des années 90 ou au début des années 2000, par le ministère de l'Intérieur et de la Santé, n'ont pas toujours respecté les mêmes règles. Certaines personnes ont ainsi reçu des comprimés d'iode alors qu'elles habitaient à une trentaine de kilomètres d'une centrale. Mais désormais, il n'y a qu'une règle qui prévaut: "Toute personne qui habite dans un rayon de 20 kilomètres autour des sites nucléaires peut recevoir des comprimés d'iode, et 10 kilomètres pour Fleurus (*) car le risque est différent", a précisé Benoît Ramacker, porte-parole du centre de crise.

Ces distributions sont financées par le fonds nucléaire, qui lui-même est financé par les producteurs d'électricité nucléaire. La dernière distribution a eu lieu en 2011, et toute personne habitant en zone "à risque" a donc été invitée à aller chercher des comprimés d'iode en pharmacie, sur simple présentation de la carte d'identité. "Et c'est toujours le cas. Donc si les comprimés sont périmés ou que les riverains ne sont jamais allés les chercher, ils peuvent le faire", a rajouté le porte-parole du centre de crise.


Habiter dans la zone "à risque" ou en dehors: quelle différence ?

Joséphine n'y a donc pas droit, alors qu'elle n'est qu'à un peu plus de 20 kilomètres de la centrale de Tihange. Quelques kilomètres qui la mettent dans une situation "qui l'inquiète" et la pousse à essayer de s'en procurer ailleurs. "J'essaie de voir si je ne sais pas m'en procurer via l'étranger. Mais à qui m'adresser ? Je n'en sais rien. En tout cas dans les pharmacies, ils disent que ce n'est pas en vente libre ces trucs-là", a-t-elle ajouté.

Mais selon Benoît Ramacker, la décision théorique de ne distribuer ces comprimés qu'aux personnes résidant à moins de 20 kilomètres d'une centrale s'explique par la rapidité d'action en cas d'accident. "Evidemment qu'on a tenu compte de la sécurité de tout le monde, et pas uniquement des gens qui habitent à moins de 20 kilomètres d'une centrale. Ce qui fait la différence, c'est que les gens qui habitent à proximité doivent pouvoir réagir immédiatement en cas d'accident nucléaire", a rassuré Benoît Ramacker, avant de préciser qu'un accident nucléaire n'était, sauf cas extrême, pas ce qu'imagine le commun des mortels. "Tchernobyl ou Fukushima sont des accidents extrêmes. Mais en général, un accident nucléaire, ce n'est pas une explosion. C'est plutôt une fuite d'un composé radioactif qui sort de la centrale. Ce genre d'accident est à cinétique lente. Les personnes qui ne se trouvent pas à proximité de la centrale ont donc le temps de réagir".

Que devront donc faire les citoyens qui habitent à plus de 20 kilomètres d'une centrale s'ils risquent d'être irradiés suite à un accident ? Selon le porte-parole du centre de crise, deux mesures sont mises en place en Belgique. "Il y a des stocks stratégiques répartis un peu partout en Belgique. Donc il y a de grandes quantités de boîtes de comprimés d'iode stockés en différents endroits en Belgique de manière à pouvoir rapidement les amener sur un lieu si jamais il se passe quelque chose. Il y a également une obligation légale pour toutes les pharmacies du pays, d'avoir une matière première en quantité suffisante afin de pouvoir confectionner des comprimés d'iode stable qui pourraient être distribués".

(*) Dans le site industriel de Flerus, dans le Hainaut, se trouve l'Institut national de radioéléments (IRE). Il ne s'agit pas du tout d'une centrale nucléaire, mais d'une fondation active dans le domaine de la chimie nucléaire. Elle est surtout renommée pour l'élaboration d'isotopes radioactifs utilisés en médecine nucléaire à des fins de diagnostic et de thérapie.

@ArnaudRTLinfo

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